2017 ou le grand écran comme rétroviseur
Que reste-t-il d’une année de cinéma ? De beaux souvenirs, des émotions et des images qui ont, durablement ou non, imprégné notre rétine. Malgré la multiplication des images, la salle obscure continue d’être ce lieu magique où s’opère, parfois, le miracle que Woody Allen dépeignait, avec tendresse, dans La rose pourpre du Caire… Voici quelques-uns de ces instants vécus en 2017 sur grand écran.
DETROIT.- Oscarisée pour Démineurs (2009) et controversée pour Zero Dark Thirty (2012), Kathryn Bigelow pose un regard critique sur les émeutes survenues à Détroit en 1967 pour protester contre la ségrégation raciale aux USA. En se concentrant sur le chaos qui règne dans l’Algiers Motel et sur les exactions de quelques policiers, elle signe l’une des séquences les plus éprouvantes vue au cinéma depuis longtemps…
AU REVOIR LA-HAUT.- Revisiter les lendemains de la Première Guerre mondiale à travers un prisme quasiment fantastique et, en tout cas, résolument baroque, voire burlesque, c’est la réussite d’Albert Dupontel adaptant le Goncourt de Pierre Lemaître. Albert Maillard et Edouard Péricourt, la gueule cassée qui se cache derrière son masque, montent une escroquerie aux monuments aux morts qui démasquera les vrais escrocs…
DUNKERQUE.- L’Anglais Christopher Nolan n’est pas le premier venu. Memento (2000) ou la trilogie Batman (2005-2012), c’est de la belle ouvrage. Avec l’évocation de l’opération Dynamo, en l’occurrence l’évacuation, en mai 1940, de milliers de soldats anglais coincés par les nazis dans la poche de Dunkerque, il réalise un remarquable film de guerre, véritable archétype du genre. Et les spectateurs ne s’y sont pas trompés…
QUE DIOS NOS PERDONE.- Sorti un peu discrètement au cœur du mois d’août, le thriller de l’Espagnol Rodrigo Sorogoyen est simplement palpitant. Durant l’été 2011, alors que Madrid est secoué par le mouvement des Indignés et que la capitale attend la venue du pape Benoît XVI, deux flics mal assortis et plutôt tordus traquent un serial-killer qui viole et tue de vieilles bigotes. C’est rapide, haletant, violent. Impossible de décrocher…
LE CAIRE CONFIDENTIEL.- Et puisque j’avoue un faible pour les polars, voici une belle surprise. Production germano-dano-suédoise tournée à Casablanca parce que les autorités du Caire ont refusé les autorisations, ce thriller d’un réalisateur suédois d’origine égyptienne est pourtant très… égyptien. Un flic mal embouché (Farès Farès, remarquable) refuse d’enterrer un meurtre commis par des proches du gouvernement et mesure l’étendue de la corruption ambiante.
THE SQUARE.- Conservateur dans un musée d’art moderne de Stockholm, Christian, sémillant quadra, est un type bien dans sa peau. Jusqu’au moment où il perd ses papiers et son téléphone portable. Son existence va alors devenir un véritable chaos. Remarqué pour Snow Therapy (2014), le Suédois Ruben Ostlund a décroché une Palme d’or assez inattendue à Cannes 2017. Même s’il enfonce quelques portes ouvertes sur l’art contemporain, le film a cependant de belles qualités, notamment dans sa satire des comportements « civilisés » et des bons sentiments affichés…
ROCK’N ROLL.- Se remettre en cause lorsqu’on est une star n’est sans doute pas chose aisée. Lorsqu’à 43 ans, Guillaume Canet comprend qu’il n’est plus tout à fait un objet de désir pour les jeunes femmes, il craque. Et signe une comédie très grinçante qui bascule carrément, à la fin, dans le parfait délire. Et puis Johnny Hallyday livre, ici, un magnifique caméo en rocker complètement à la masse. Savoureux et désormais émouvant.
GRAVE.- Le premier long-métrage de Julia Ducournau est un pur film de genre et un bel exercice sur les fondements classiques du film d’horreur gore. Elevée dans une famille végétarienne, Justine, 16 ans, intègre une école vétérinaire en Belgique. Au cours d’un féroce bizutage, elle est contrainte de manger de la viande. D’abord écœurée, elle devient peu à peu obsédée par la chair et découvre sa véritable et inquiétante nature.
120 BATTEMENTS PAR MINUTE.- Pour un peu –Pedro Almodovar, président du jury, l’a avoué- Robin Campillo aurait pu décrocher la Palme à Cannes. Il a eu le Grand prix et c’est justice pour ce drame qui plonge dans les années 90 alors que le sida se propage depuis près de dix ans. Les militants d’Act Up Paris s’activent contre l’indifférence générale. Avec aussi la révélation grand public de l’acteur argentin Nahuel Perez Biscayart.
JACKIE.- Exercice aussi fréquent que périlleux, le biopic s’apparente encore plus à de la corde raide quand il s’agit d’une icône de l’envergure de Jackie Kennedy. Magnifiquement soutenu par une Natalie Portman au sommet de son art, le Chilien Pablo Larrain tire pleinement son épingle du jeu. Confrontée à un journaliste qui l’interroge sur les jours qui ont suivi la mort de JFK, Jackie apparaît comme un fantôme qui donne le change…
LA LA LAND.- Pour la nostalgie des musicals de l’âge d’or quand Fred Astaire et Gene Kelly s’envolaient sur les pas de la danse. Faire une comédie musicale de nos jours, c’est culotté. Avec Rylan Gosling et Emma Stone en tête d’affiche, le talentueux Damien Chazelle l’a fait. Et de manière plutôt enlevée. Le tout concrétisé par une demi-douzaine d’Oscars et 2,7 millions de spectateurs en France. La scène d’ouverture sur l’autoroute est un bijou.