Hercule saute dans le train
Ceux qui m’aiment, prendront le train… disait le titre d’un film de Patrice Chéreau. A cette aune, on peut grimper d’emblée dans le mythique Orient-Express. Et même se dire que le voyage (mouvementé) ne coûtera que le prix (modeste) d’un ticket de cinéma!
Hercule Poirot n’y va pas par quatre chemins. Il dit tout simplement: « Je suis sans doute le meilleur détective au monde ». Et on imagine bien que le « sans doute » est juste une clause de style. Mais voilà, depuis nos lectures de jeunesse, on aime bien le héros d’Agatha Christie. Et on prend plaisir à le voir dénouer le fil d’intrigues tortueuses pour faire, in fine, triompher le Bien sur le Mal.
Hercule Poirot est, avec Miss Marple, l’un des personnages les plus célèbres de la romancière britannique et il apparaît, entre 1920 et 1975, dans pas moins de 33 romans et 51 nouvelles. Sur grand écran, Poirot a aussi connu une jolie notoriété avec Albert Finney dans le rôle pour la version du Crime de l’Orient-Express de Sidney Lumet (1974) puis, à trois reprises, avec Peter Ustinov. Un comédien qui n’a pas fait l’unanimité chez les tenants de la pensée « christienne ». Ces exégètes-là lui préfèrent le Londonien David Suchet, interprète des 70 épisodes de la série télévisée britannique d’ITV (1989-2013) et détective beaucoup plus fidèle à l’esprit des romans… C’est désormais à un autre Britannique, né lui à Belfast, qu’il revient de convaincre en se glissant dans le costume de Poirot. D’ores et déjà, on peut avancer que Kenneth Branagh porte les plus belles moustaches qu’il nous ait été donné de voir…
Tandis que le détective belge mesure de l’oeil les deux oeufs coque de son petit déjeuner pour vérifier s’ils sont parfaitement identiques et symétriques, la tension monte (déjà!) du côté du Mur des lamentations à Jérusalem. Nous sommes en 1934 et une précieuse relique a été dérobée. Un rabbin, un prêtre et un imam sont sur la sellette et la foule gronde. A qui profite le crime? Avec sa légendaire sagacité, Hercule Poirot va rapidement résoudre l’énigme. Pour profiter enfin de quelques jours de vacances à Istanbul. Mais un télégramme le réclame d’urgence à Londres. A son hôtel, Poirot croise son ami Bouc, directeur de l’Orient-Express qui lui propose une chambre dans le fameux train de luxe de la Compagnie internationale des wagons lits.
A l’intérieur du train, Hercule Poirot va faire connaissance avec d’autres passagers: l’extravagante veuve américaine Mrs. Hubbard, la missionnaire espagnole Pilar Estravados, le professeur allemand Gerhard Hardman, la princesse russe Natalia Dragomiroff et sa gouvernante allemande Hildegarde Schmidt, le docteur anglais Arbuthnot, la gouvernante anglaise Mary Debenham, le chef de train français Pierre Michel, l’homme d’affaires mexicain Biniamino Marquez ainsi que le faiseur d’affaires américain Samuel Ratchett, accompagné de son valet de chambre Edward Masterman et son secrétaire et traducteur Hector MacQueen. Le comte russe Rudolf Andrenyi et son épouse Eléna, quant à eux, sont isolés dans le train en raison de leur immunité diplomatique.
Dans la nuit, le limier entend des bruits bizarres provenant de la cabine de Ratchett qui, dans la soirée, lui avait proposé de devenir son garde du corps, proposition refusée par Poirot au motif qu’il ne travaille pas pour des personnages corrompus. Passant la tête par la porte de sa chambre, Poirot aperçoit une silhouette, vêtue d’un kimono rouge, filant dans le couloir. Mais, fatigué, le détective se recouche…
Une imposante avalanche va bloquer le convoi sur un viaduc en pleine montagne. Tandis que les secours s’organisent, on découvre le cadavre de Ratchett, lardé de nombreux coups de couteau. Bouc supplie Poirot de se charger de l’enquête mais le détective se fait tirer l’oreille, soucieux de savourer de vraies vacances. Avant -évidemment- de se piquer au jeu. Il exige d’interroger tous les passagers un par un et recueille, dans la cabine de Ratchett, divers indices: un mouchoir portant la lettre H., un cure-pipe, un puissant médicament pour endormir ainsi qu’un bout de papier partiellement brûlé. Bientôt, il s’avise que le défunt n’est autre que John Cassetti, un gangster responsable de l’enlèvement de Daisy, une fillette assassinée malgré la rançon versée par ses parents…
On devine aisément que Branagh se soit piqué doublement au jeu de ce Crime de l’Orient-Express. D’un, d’incarner ce personnage maniaque de l’ordre, de l’alignement et de la perfection de la symétrie, soudain confronté à une affaire qui dépasse sa compréhension et surtout met à mal l’équilibre de sa balance de justice. De deux, de donner une forme à la fois plaisante et palpitante à cette action à rebondissements. Les décors sont beaux, l’Orient-Express aussi. Quant au casting, il est simplement prestigieux. Bien sûr, Branagh a le grand rôle mais tous les autres, de Michelle Pfeiffer à Judi Dench en passant par Johnny Depp ou Willem Dafoe, ont de jolis personnages à défendre. Si fait, qu’on prend un vrai plaisir à suivre ce divertissement policier en huis-clos et aussi à retrouver l’esprit des romans d’Agatha Christie.
Enfin, lorsque Poirot sera arrivé à résoudre cette tortueuse histoire, un télégramme l’avertit qu’il est attendu en Egypte où un meurtre s’est produit sur le Nil. Pas de doute! On reverra à l’oeuvre Kenneth Branagh et cet Hercule Poirot qui affirme: « Si c’était simple, je ne serai pas célèbre… »
LE CRIME DE L’ORIENT EXPRESS Thriller (USA – 1h49) de et avec Kenneth Branagh et Pénelope Cruz, Willem Dafoe, Judi Dench, Johnny Depp, Josh Gad, Leslie Odom Jr., Michelle Pfeiffer, Daisy Ridley, Olivia Colman, Sergei Polunin, Lucy Boynton, Derek Jacobi, Tom Bateman, Marwan Kenzari. Dans les salles le 13 décembre.