COFFRETS DE NOEL
Si j’en crois mes petits-enfants (qui sont de vrais experts!), le père Noël ne devrait plus tarder… Il est à parier que sa hotte sera riche en excellents coffrets, en belles images et en fortes histoires…
RENCONTRES DU TROISIEME TYPE.- Un 40e anniversaire, ça se fête! Et, ici, c’est carrément en grandes pompes. Il faut dire que Rencontres du troisième type n’est pas tout à fait un blockbuster comme les autres… Classique de référence pour Steven Spielberg, Close Encounters of the Third Kind arrive dans l’oeuvre du wonderboy après Sugarland Express (1974) et Les dents de la mer (75), son premier succès critique et commercial mondial. Même s’il réalise de confortables entrées, Rencontres… s’imposera surtout comme un oeuvre légendaire dans l’approche sur grand écran des aliens et de leur forme d’intelligence. On retrouve donc avec plaisir aussi bien Roy Neary, le réparateur de câbles (Richard Dreyfuss) qui, après avoir croisé pratiquement nez à nez un ovni, se sentira irrésistiblement appelé vers un coin de nature sauvage où la rencontre « magique » se produira que le scientifique français Claude Lacombe auquel François Truffaut apporte un magnifique regard d’enfant. Dans une toute nouvelle restauration 4K à partir des négatifs 35mm originaux, Rencontres du troisième type sort dans de belles éditions (ah, le coffret avec le discret petit bouton sur le côté qui diffuse les fameuses notes extraterrestres!) qui proposent les trois versions du film (la version originelle de 1977, l’édition spéciale de 1980 et le director’s cut de 1997) ainsi que de tout nouveaux bonus exclusifs, dont des vidéos personnelles du réalisateur lui-même et autres bêtisiers de plateau jusqu’alors jamais vus, ainsi que le tout nouveau documentaire Trois types de rencontres qui comprend une toute nouvelle interview de Spielberg sur l’héritage du film, ainsi que des entretiens avec les réalisateurs J.J. Abrams (Star Wars : Le Réveil de la Force) et Denis Villeneuve (Premier Contact) à propos de l’incroyable impact de Rencontres… sur leur propre travail. Prêt à embarquer! (Sony)
TARKOVSKI.- « La fonction de l’art, disait Tarkovski, n’est pas, comme le croient même certains artistes, d’imposer des idées ou de servir d’exemple. Elle est de préparer l’homme à sa mort, de labourer et d’irriguer son âme, et de la rendre capable de se retourner vers le bien ». Propos plein de sagesse d’un artiste dont la carrière fut fulgurante et la vie courte. Avec le coffret Andreï Tarkovski – L’intégrale DVD (pour la première fois en blu-ray), on a une remarquable vue d’ensemble sur une oeuvre brève (seulement sept long-métrages entre 1962 et 1986, date de la disparition du maître russe) mais d’une richesse visuelle et spirituelle absolument remarquable où le mystère et la poésie font bon ménage. Considéré comme le plus grand cinéaste russe de tous les temps avec Serguei Eisenstein, Tarkovski signa d’abord trois courts-métrages (disponibles dans le coffret) avant de passer, en 1962, au « long » avec L’enfance d’Ivan qui décroche d’emblée le Lion d’or à la Mostra de Venise. Après cette histoire de guerre qui amorce le renouveau du cinéma soviétique, le cinéaste enchaîne avec l’admirable Andreï Roublev, portrait d’un moine peintre d’icônes mais surtout réflexion sur l’essence de l’art et le sens de la foi. Viendront ensuite Solaris, sublime méditation sur la condition humaine, puis Le miroir, oeuvre énigmatique et autobiographique, où Aliocha mourant revit ses souvenirs dans un désordre apparent. Cinq ans plus tard, Tarkovski met en scène un monde dévasté dans l’intemporel Stalker. En conflit avec les censeurs soviétiques, Tarkovski s’exile. Installé en Italie, il tourne Nostalghia, errance magnifique dans une Italie embrumée. Enfin, il se rend en Suède à l’invitation d’Ingmar Bergman pour tourner Le sacrifice dont les longs plans et les travellings imperceptibles firent frissonner les festivaliers cannois… Parmi les nombreux bonus du coffret, on trouve Une journée d’Andreï Arsenevitch (2000 – 55 mn) où Chris Marker évoque notamment le difficile tournage du Sacrifice… Remarquable! (Potemkine & Agnès b)
PRESTON STURGES.- « De qui parle-t-on ? D’un Américain, d’un flambeur, d’un désinvolte. Du Mark Twain du septième art. Du traducteur de Marcel Pagnol. De l’inventeur de l’avion à décollage vertical. Du troisième salarié le mieux payé des États-Unis. D’un pochetron connu comme le loup blanc dans les bars du quartier des Champs-Élysées. Du propriétaire d’un restaurant sur Sunset Boulevard. De l’enfant de Mary qui donna l’écharpe fatale à Isadora Duncan.D’un célèbre inconnu. D’un dilettante de génie, digne de Stendhal et de Savinio. D’un fervent du mariage ― à la façon d’un Sacha Guitry (qu’il admirait). Du scénariste le plus cultivé d’Hollywood qui affectait de mépriser le« culturel ». D’un orgueilleux. Du premier véritable auteur d’un cinéma américain parlant. » Voilà qui est dit! Injustement oublié du grand public, l’Américain Preston Sturges (1898-1959) fut à la fois un personnage haut en couleurs et un remarquable auteur de comédies. Hommage est donc rendu à ce King of Comedy avec un bel objet/coffret qui réunit six films (bien restaurés) des années 40. Autour d’un employé modèle qui croit avoir gagné à un concours, Le gros lot est une satire grinçante de la société. Portrait d’un cinéaste las de faire des films légers, Les voyages de Sullivan est le film le plus célèbre de Sturges qui s’offre une rafale de dialogues brillants. Un cœur pris au piège mêle gags burlesques et humour sophistiqué autour de la guerre des sexes. Madame et ses flirts est une petite merveille de rythme, d’élégance et de truculence. En pleine guerre, Héros d’occasion ose une critique féroce des valeurs américaines, y compris la frénésie patriotique. Enfin Infidèlement vôtre met en scène un chef d’orchestre qui, persuadé que sa femme le trompe, échafaude trois plans… Avec, en prime, des vedettes ravissantes comme Claudette Colbert, Veronika Lake, Linda Darnell ou Barbara Stanwick! Outre de bons compléments, le coffret est accompagné d’un beau livre (188 p.) qui raconte Sturges (la citation de Marc Cerisuelo ci-dessus en est extraite) et présente de rares archives. Un must. (Wild Side)
POLICE FEDERALE LOS ANGELES.- Flic tête brûlée, Richard Chance est obsédé par la traque du faux-monnayeur Rick Masters. Le jour où Jim Hart, son coéquipier qui n’est plus qu’à trois jours de la retraite, est abattu de sang froid alors qu’il menait une opération en solo, Chance (William L. Petersen) décide de monter un coup tordu des plus illégaux en braquant un convoyeur de fonds… qui s’avère être un agent du FBI infiltré, et qui est abattu accidentellement. Obstiné, Chance continue à tendre son piège autour de Masters (Willem Dafoe, à ses grands débuts), malgré le déluge de violence qui s’abat autour de lui… Remarqué en 1971 pour French Connection (qui lui vaudra un Oscar du meilleur réalisateur), William Friedkin enchaînera avec L’exorciste (1973), très gros succès commercial aujourd’hui considéré comme un classique du cinéma américain. Même s’il signe des réussites artistiques comme Le convoi de la peur (1977), remake du Salaire de la peur de Clouzot, Friedkin ne renouera avec le succès commercial (et critique) qu’en 1985 avec Police fédérale Los Angeles. Dans sa remarquable collection Coffret Ultra Collector lancée en décembre 2015 avec Body Double de Brian de Palma, Carlotta Films édite donc un n°8 avec ce To Live and Die in L.A. (en v.o.) qui se présente comme une descente aux enfers hallucinante dans une Cité des anges plus babylonienne que jamais. Quatorze ans donc après French Connection, Friedkin se joue une nouvelle fois des frontières entre le bien et le mal, entre la raison et la folie… Un chef d’oeuvre emblématique des années 80, notamment pour son casting, son rythme, son esthétique ou sa musique signée Wang Chung, groupe britannique proche de la new wave… Le coffret contient le film dans une nouvelle restauration ainsi que plus de quatre heures de suppléments dont le making of avec une interview de Friedkin et des acteurs. Enfin, on trouve ici Eloge du faux-semblant (160 p.), un livre inédit réalisé en association avec La septième obsession dont le directeur de la rédaction, Thomas Aïdan constate que ce film de transe est « une sorte de magma qui entraîne le spectateur dans sa lave… » Puissant! (Carlotta)
SPACE OPERA.- Sorti sur les grands écrans français en juillet dernier, Valérian et la cité des mille planètes était certainement l’un des films les plus attendus de Luc Besson. Dès mai 2015, l’auteur du Cinquième élément (1997) et de Lucy (2014) annonçait en effet son retour au space opera avec un film inspiré de la série de BD Valérian et Laureline, publiée à partir de 1967, scénarisée par Pierre Christin et dessinée par Jean-Claude Mézières. En 2740, Valérian (l’acteur américain Dane DeHaan) et Laureline (la comédienne et mannequin anglaise Cara Delevingne), agents spatio-temporels sont en mission dans la cité intergalactique Alpha où se cache une mystérieuse force obscure. On devine qu’ils vont connaître des aventures échevelées… Pour Valérian et la cité des mille planètes, son 17e long-métrage, Luc Besson a construit son plus gros budget, atteignant la somme considérable de 197 millions d’euros. Si, aux Etats-Unis, l’accueil critique a été plutôt mitigé; en France, où le film a réuni plus de quatre millions de spectateurs (loin quand même des 9 millions du Grand bleu en 1988), l’accueil de la presse a été plus enthousiaste, soulignant notammet un spectacle hors du commun… Une édition collector permet de se plonger dans cette foisonnante aventure à travers le film dans tous ses formats, des bonus (un documentaire sur le tournage), un double vinyle de la b.0. d’Alexandre Desplat, une litho exclusive dessinée par Jean-Claude Mézières, un guide des personnages et huit cartes postales collector… Pour le fun, outre les prestations de Clive Owen, Rihanna ou Ethan Hawke, on peut enfin s’amuser à repérer et à lister tous ceux qui sont venus faire un coucou à leur ami Besson. Citons ainsi les réalisateurs Alain Chabat, Xavier Giannoli, Mathieu Kassovitz, Benoît Jacquot, Louis Leterrier, Olivier Mégaton, Gérard Krawczyk ou Eric Rochant… Du Besson, puissance grand V ! (EuropaCorp)
HITCH ET SELZNICK.- Si Alfred Hitchcock a connu une carrière britannique tout à fait intéressante avec des films comme L’homme qui en savait trop (1934) dont il fera lui-même un remake aux USA, Les 39 marches (1935) ou Une femme disparaît (1938), l’année 1939 va marquer un tournant dans la carrière d’Hitch. Le 6 mars, le maître du suspense et sa famille arrivent à New York et partent s’installer à Los Angeles. Le cinéaste entame alors une collaboration de près de dix avec le producteur David O. Selznick (Autant en emporte le vent, Duel au soleil) qui donnera naissance à quatre films majeurs. Adapté d’un roman de Daphné du Maurier, Rebecca (1940) est un conte de fées cruel et vénéneux qui explore les peurs d’une jeune mariée naïve (Joan Fontaine) qui vient s’installer dans une vaste demeure de la campagne anglaise… Rebecca obtiendra l’Oscar du meilleur film qui ira à Selznick, son producteur, générant l’amertume d’un metteur en scène désormais stimulé dans sa volonté d’indépendance. Avec La maison du docteur Edwards (45), Hitch peut satisfaire sa passion (qu’il partage avec Selznick) pour la psychanalyse. Mais les deux hommes s’accrocheront souvent, notamment sur le coût de la séquence du fantasme que le cinéaste commande à Salvador Dali… L’année suivante, Hitchcock tourne un de ses chefs d’oeuvre avec Les enchaînés où la fille d’un espion nazi (Ingrid Bergman) est contactée par un agent du FBI (Cary Grant) pour piéger les amis de son père au Brésil. Ces deux-là partageront le baiser le plus long de l’histoire du cinéma. Enfin Le procès Parradine (47) est une histoire de meurtre et de déchéance qui mit un peu plus encore en lumière les rapports exécrables du cinéaste et de son producteur. On retrouve ces oeuvres bien restaurées dans Alfred Hitchcock – Les années Selznick, le coffret n°7 de la collection Ultra collector. Cette belle édition propose plus de 5h30 de passionnants suppléments dont le documentaire Daphné du Maurier sur les traces de Rebecca. Enfin, on apprécie aussi La conquête de l’indépendance, un gros livre bien illustré qui décortique la relation Hitch/Selznick… Les fans du Sir Alfred vont adorer… (Carlotta)
BUNUEL.- Né au tournant du siècle d’avant dans la province espagnole d’Aragon, Luis Bunuel se fit connaître, dans les dernières années du muet, comme metteur en scène surréaliste d’avant-garde, travaillant avec Salvador Dali et le groupe parisien d’André Breton. Tourné en 1929, Un chien andalou (avec son fameux oeil tranché au rasoir) fit scandale. Cinéaste iconoclaste, subversif, inclassable, avec un goût appuyé pour la mise à mal d’une bourgeoisie figée et hypocrite, Don Luis a écrit de grandes pages du 7e art mondial. Comme le soulignait Jean Collet, il fut « le peintre des contrastes violents, de l’ombre et de la lumière, de la nuit et du jour, du rêve et de la lucidité ». On retrouve le maître espagnol, mort en 1983 à Mexico, dans un séduisant coffret avec ses grands films des années 60-70. Adaptation du roman éponyme d’Octave Mirbeau, Le journal d’une femme de chambre (1964) est un réquisitoire cruel où Jeanne Moreau en Célestine avide d’ascension sociale, est convoitée par tous les hommes. Peut-être le rôle le plus torride de Catherine Deneuve, Belle de jour (67) confond le réel et le fantasme jusqu’au vertige. La voie lactée (69) est une fable picaresque où, entre Paris et Saint Jacques de Compostelle, deux voyageurs croisent les hérétiques et les dogmatiques de tous les sicècles. Seconde collaboration de Bunuel et Deneuve, Tristana (70) est une oeuvre mystérieuse sur la relation d’attraction/répulsion entre un vieil homme et sa pupille. Oscar du meilleur film étranger à Hollywood, Le charme discret de la bourgeoisie (72) met la bourgeoisie à nu et fait exploser les conventions sociales. Le fantôme de la liberté (74) est une variation sur l’illogisme du monde. Quant à Cet obscur objet du désir, ultime film du maître en 1977, il rassemble, avec toujours un vrai humour corrosif, toutes les obsessions de Bunuel dans une adaptation de La femme et le pantin de Pierre Louÿs. Pour mieux souligner l’aveuglement que génère le désir, le cinéaste confie le rôle principal à deux actrices: Angela Molina et Carole Bouquet . Indispensable. (Studiocanal)