L’EMPEREUR DU NORD
Quand Robert Aldrich réunit deux sacrés pointures du cinéma américain! En 1967, le réalisateur de Vera Cruz (1954), En quatrième vitesse (1955), Attack (1956) avait déjà offert deux beaux rôles à Lee Marvin et Ernest Borgnine en tête d’affiche des Douze salopards. Par ailleurs, les deux comédiens avaient déjà joué ensemble en 1955 dans Un homme est passé de John Sturges et Les inconnus dans la ville de Richard Fleischer. Ils se retrouvaient donc, en 1973, dans L’empereur du Nord pour un formidable affrontement sur fond de Grande dépression…
A l’automne 1933, la crise économique est à son apogée aux États-Unis, plongeant des millions d’hommes et de femmes dans la misère la plus totale. Des vagabonds arpentent le pays à la recherche d’un emploi ou d’une simple soupe. Les uns se lancent dans le gangstérisme, d’autres -les trimardeurs- errent le long des voies ferrées, tentant d’échapper aux contrôleurs pour voyager illégalement et gratuitement à bord des trains.
Dans l’Oregon, le train le plus convoité est celui de la ligne 19 mais la belle locomotive et ses wagons de marchandises sont gardés par Shack, une brute sanguinaire et sadique. Le contrôleur et Cracker, son aide, n’hésitent pas à employer la violence et exterminent sauvagement tous ceux qui osent monter dans le convoi. Shack est célèbre pour sa férocité dans toute la communauté des trimardeurs…
Face à Shack, les trimardeurs ont leur figure de légende en la personne de Numéro 1. Pas franchement admirateurs du sauvage contrôleur, les cheminots veulent bien parier que le vagabond rendra un jour, la monnaie de sa pièce en Shack en devenant le « Roi du rail ».
Dans ce projet primitivement destiné à Sam Peckinpah, Robert Aldrich, dans les beaux paysages de l’Oregon, donne toute sa mesure en multipliant les péripéties (parfois amusantes comme lorsque les trimardeurs volent des vêtements lors d’un baptême dans une rivière) et les scènes d’action. Sous le regard de Cigarette, jeune trimardeur vantard (le débutant Keith Carradine), Shack et Numéro 1 s’affrontent sans cesse, le premier protégeant frénétiquement son train, le second se faisant un point d’honneur d’y voyager… De quoi permettre à Aldrich des moments de bravoure, notamment lorsque Shack tente de déloger Numéro 1 et Cigarette, accrochés sous un wagon, en leur lançant un lourd gourdin en métal accroché à une chaîne…
Dans un long combat sanguinaire qui raconte aussi les rêves perdus d’une Amérique de parias, Ernest Borgnine et Lee Marvin composent deux remarquables figures obsessionnelles. Shack (Borgnine) est une brute sauvage et Numéro 1 (Marvin), un vagabond de peu de mots qui a beaucoup vécu et s’est forgé une « philosophie » de vie qui l’amènera à punir Cigarette, indigne du fameux train…
Outre L’empereur du Nord présenté dans une belle version restaurée et accompagné, en supplément, d’un entretien avec le scénariste Christopher Knopf, le coffret comprend également, sous la plume de Doug Headline, un livret exclusif (86 pages) illustré de rares photos d’archives sur ce film tourné sur la ligne de chemin de fer, aujourd’hui disparue, où Buster Keaton mit en scène son Mécano de la Général en 1927.
(Wild Side)