Marie-Francine sur le canapé du salon
« La baraka -C’est quand tu es entre mes bras, que tu souris. La baraka -C’est notre vie que l’on brûle avec insouciance. La baraka – C’est rien que toi et rien que moi dans l’existence. Et nuit et jour quand tu es là – C’est notre amour, la baraka. Moi j’y crois sans trop y croire – Quand tout à coup ça m’est revenu – Sans s’annoncer, sans crier gare -Quand soudain tu m’es apparue ». Chantée par Aznavour, La baraka, ce n’est pas tellement ce qui caractérise l’état de Marie-Francine. A 50 ans, elle est de trop dans son boulot de chercheuse en cellules souches et trop vieille pour Emmanuel, un mari volage qui lui annonce qu’il est désormais sous le charme d’une certaine Caroline. Alors, parce que les moyens sont plus que justes, Marie-Francine, Tanguy malgré elle, n’a d’autre choix que de retourner vivre chez ses parents. Ce n’est pas son jour de chance!
Après l’échec de 100% cachemire, Valérie Lemercier est donc de retour, devant et derrière la caméra, pour une comédie sentimentale et touchante qui a tous les atouts d’un solide feel-good movie, un de ces films qui donnent la pêche ou la banane. Côté panier de fruits, le film célèbre d’ailleurs les plaisirs de la table et des bons produits. Marie-Francine y retrouvera, c’est le cas de le dire, goût à l’existence. Avec un scénario co-écrit par la réalisatrice et Sabine Haudepin qui ménage son lot de péripéties et de surprises, voici donc Marie-Francine lancée dans une reconquête. La (jeune) quinqua est redescendue au bas de l’échelle. Plus de boulot, plus de mari. Bien contre son gré, cette célibataire de fraîche date doit composer tant bien que mal avec des parents certes aimants mais chez lesquels elle déboule un peu comme un chien dans un jeu de quilles. « C’est à cette heure que tu rentres? » lui lance un soir son père. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, elle est complètement infantilisée. Pour lui remettre le pied à l’étrier, Dadick et Papick lui font tenir une petite boutique de cigarettes électroniques. A deux pas de là, dans un restaurant, travaille Miguel. Il a été le chef d’une bonne table. Aujourd’hui, il est contraint de servir du poisson surgelé dans des assiettes carrées…
Avec Le derrière, Valérie Lemercier racontait comme être la fille de son père. Avec Palais royal!, comment être la femme de son mari et avec 100% cachemire, comment être mère. Dans Marie-Francine, la cinéaste se penche, avec tendresse, sur deux personnages que la vie a secoué. Mais Marie-Francine et Miguel ont encore plein de place pour l’amour. Mieux encore, ces deux-là ont certes été quittés et ne sont plus à leur « place » mais ce ne sont pas des vaincus, des épaves qui ont baissé les bras. Ils ont encore du potentiel et font le pari de prendre les choses en main, de résister et de se reconstruire.
Avec deux personnages centraux qui ne sont plus tout à fait jeunes, ni très très beaux, Marie-Francine s’impose comme une vraie comédie romantique. De la même manière que la caméra de Valérie Lemercier regarde Marie-Francine et Miguel avec affection et bonté, le spectateur s’attache à ce couple encore en devenir qui n’a plus de chez soi, qui n’ose pas se le dire (si Marie-Francine est chez ses parents, Miguel partage la loge de concierge des siens), qui se cache un peu la vérité mais dont on devine -on espère!- qu’ils feront un long bout de route ensemble. Valérie Lemercier est une Marie-Francine qui, sans être flippée, a l’air parfois pathétique mais chez laquelle le côté marrant reprend volontiers le dessus. Quant à Patrick Timsit, dans un joli registre de vrai gros nounours débordant de douce humanité, il est solaire, souriant et tout à fait craquant. Ces deux-là semblent soudain avoir 14 ans en découvrant tous les possibles de l’amour…
Si Marie-Francine et Miguel ne sont pas ici les moteurs comiques, cette « mission » revient à ceux qui gravitent autour d’eux, qu’il s’agisse de Denis Podalydès en gentil salaud qui expérimente soudain le vide et l’ennui, de Nadège Beausson-Diagne, pétulante complice de Miguel dans sa cuisine et bien évidemment d’un couple absolument savoureux, en l’occurrence Dadick et Papick incarnés, de manière franchement jubilatoire, par Hélène Vincent et Philippe Laudenbach. Valérie Lemercier a écrit sur mesure pour eux les rôles de ces parents bourgeois qui font coucher leur fille au salon mais réveille pour elle Nicolas et Pimprenelle, les inoubliables marionnettes de Bonne nuit les petits. Les deux comédiens s’emparent, avec un visible bonheur, de ce couple de retraités qui jouent au golf et ont quelques autres « distractions »! On ajoutera à cela une séquence drolatique où, dans un hôtel, Marie-Francine et Miguel croisent un couple échangiste… On notera que la bande-son (la cinéaste avoue que c’est ce qu’elle écoute dans la vraie vie) fait la part belle à Aznavour, Amalia Rodrigues, Moustaki, Julio Iglesias ou Sylvie Vartan…
Comme le suggère l’affiche du film, Marie-Francine finira par avoir du… bol. Le spectateur aussi.
MARIE-FRANCINE Comédie dramatique (France – 1h35) de et avec Valérie Lemercier et Patrick Timsit, Denis Podalydès, Hélène Vincent, Philippe Laudenbach, Nadège Beausson-Diagne, Marie Petiot, Anna Lemarchand, Simon Perlmutter, Danièle Lebrun, Patrick Préjean, Pierre Vernier, Nanou Garcia. Dans les salles le 31 mai.
VALERIE LEMERCIER: « RETROUVER UN PEU DE PLACE DANS SA PROPRE VIE »
Les heureux spectateurs qui se pressaient, début avril dernier, aux Rencontres du cinéma de Gérardmer, ont eu la chance d’être parmi les premiers à découvrir Marie-Francine. Et c’est une Valérie Lemercier gouailleuse qui présenta, très en amont de sa sortie, sa nouvelle comédie, un film qu’on attendait depuis quatre ans et la sortie en 2013 de 100% cachemire: « Quatre ans, ce n’est rien! J’ai joué mon spectacle au théâtre du Châtelet et puis je travaillais aussi à l’écriture du film. J’ai beaucoup réécrit. Et puis je me suis attelée au casting et j’ai trouvé, en Patrick Timsit, un complice qui m’a offert de belles choses. Hugh Grant ne me fait pas rêver. Le Miguel de Patrick Timsit, oui. Je pense d’ailleurs que le public va le découvrir sous de nouvelles facettes… » Alors que certains critiques n’ont pas hésité à parler d’ « accident industriel » pour 100% cachemire, le nouvel opus de la réalisatrice de Quadrille (1997), Le derrière (1999) et Palais royal! (2005) a déclenché les rires et les applaudissements pour une comédie romantique qui touche juste. Valérie Lemercier avoue qu’elle n’est pas plus attirée que cela par les comédies romantiques: « Mais, quand il y a un an, le film était fini, je me suis dit: eh oui, c’est une comédie romantique. Alors que cela n’apparaissait pas tellement à l’écriture. » Parce que la comédienne et réalisatrice remarque: « Le film raconte comment, grâce à une rencontre, on peut retrouver enfin un peu de place dans sa propre vie quand on s’en est fait chasser. » Valérie Lemercier confie aussi qu’elle a une amie qui se prénomme Marie-Francine: « Elle ne ressemble pas du tout au personnage du film. En fait, c’est son prénom qui m’amusait. Il y a cinq ou six ans, au hasard d’une conversation, elle m’a parlé de sa femme de ménage vietnamienne qui venait d’avoir un bébé qu’elle avait appelé… Marie-Francine. » Après cinq minutes de fou rire, la cinéaste tenait son affaire, à cause d’un prénom désuet qui raconte déjà quelque chose…