Le vieux lion et l’agent manipulée
Alors qu’approche l’heure fatidique de l’opération Overlord, Winston Churchill, le premier ministre britannique, est un homme fatigué et irascible, persuadé que le débarquement des forces alliées sur les côtes normandes est une erreur… En juin 1944, le plus illustre Britannique de l’Histoire a 70 ans et son entourage, tant Clemmie son épouse que Smuts, son aide de camp, pense que le vieux lion devrait prendre du recul et ne pas s’acharner à entraver les plans des généraux américain Eisenhower et anglais Montgomery qui ont préparé le D-Day…
Dans le dossier de presse de Churchill, l’historien Olivier Wieviorka affirme que « les légendes ont la vie dure ». Il cible l’image d’Alliés unanimes lançant sans esprit de retour le débarquement en Normandie et observe que cela relève du lieu commun. De fait, l’entente était loin de régner dans le camp anglo-américain et Churchill ne cessa de s’opposer à cette opération. Parmi les raisons qui expliquent cette opposition, il y a le débarquement raté de Gallipoli, monté dans le détroit des Dardanelles en 1915. Churchill assista aux premières loges à cette boucherie et redoutait la répétition de cet échec cinglant dont il pensait porter la responsabilité…
Avec Churchill (Grande-Bretagne – 1h38. Dans les salles le 31 mai), le cinéaste australien Jonathan Teplitzky s’attache à la période de six jours qui, en 1944, s’est conclue par le débarquement sur des plages nommées pour l’occasion Utah, Omaha, Gold, Juno et Sword. Mais, plus qu’un classique film de guerre avec débauche d’effets spéciaux (pour cela, il faudra attendre le 19 juillet et la sortie du Dunkerque de Christopher Nolan), le cinéaste propose le portrait intimiste d’un homme dévoré par le doute et la honte. Le film s’ouvre d’ailleurs, avant le générique, sur une séquence qui s’avère onirique autant que cauchemardesque. Dans sa redingote noire et portant son chapeau rond, Churchill marche sur une plage et scrute l’horizon. Peu à peu, la mer se teinte de rouge à ses pieds tandis que le vieux lion voit soudain le sable jonché de cadavres de soldats…
L’idée d’avoir le sang de milliers de jeunes gens sur les mains amène Churchill à s’en prendre frontalement au général Dwight -Ike- Eisenhower mais aussi à ses compatriotes Montgomery et Brooke qui ne se privent de considérer l’hôte du 10 Downing Street comme un has-been. Et il faudra que le roi George VI lui-même s’en mêle pour amener Churchill à la raison…
Dans ces huis clos où Churchill mène un combat douloureux contre la vieillesse, l’alcoolisme, la dépression et le sentiment d’être en déphasage avec son époque, le cinéaste peut compter sur le jeu puissant de Brian Cox. Tour à tour silencieux et tonitruant, le comédien écossais (vu aussi bien dans X-Men 2 que dans les films de Spike Jonze) campe un ogre vieillissant sur lequel son épouse (Miranda Richardson parfaite) pose un regard à la fois critique et affectueux. L’homme au cigare saura vite se muer en homme d’Etat et en « guide dans la tempête » lorsqu’à la BBC, il trouve les mots forts pour souligner la nécessité du combat et emporter ses concitoyens dans la croyance en la victoire…
Le film d’espionnage est un genre à part entière illustré sur les écrans par des oeuvres comme Le troisième homme (1947), Conversation secrète (1974), Les trois jours du Condor (1975), Marathon Man (1976), L’espion qui venait du froid (1965), Les patriotes (1994), La taupe (2011), Un homme très recherché (2014) ou encore les cinq films de la saga Jason Bourne (2002 – 2016). Mais, disons-le d’emblée, Conspiracy (USA – 1h38. Interdit aux moins de 12 ans. Dans les salles le 31 mai) ne viendra pas se ranger parmi les grands films cités ci-dessus… Ancienne spécialiste des interrogatoires à la CIA, Alice Racine a pris ses distances avec l’agence américaine à la suite d’un attentat meurtrier à Paris qu’elle estime n’avoir pas su déjouer. Travaillant dans un centre social à Londres, Alice apprend une attaque terroriste imminente doit frapper la capitale anglaise… Comme le spécialiste des interrogatoires a été découvert mort dans des circonstances plus que suspectes, la CIA décide de « réveiller » Alice Racine qui découvre que l’agence a été infiltrée et que sa vie est désormais en grand danger…
Vieux routier du grand écran qui a signé des films aussi différents que Nashville Lady (1980), Gorky Park (1983), Gorilles dans la brume (1988), Blink (1994), Le monde ne suffit pas (1999) ou Le monde de Narnia: l’odyssée du passeur d’aurore (2010)comme , l’Anglais Michael Apted connaît les ficelles du film d’espionnage. Ainsi, il lance son Alice Racine dans une course contre la montre sans grande surprise où il s’agit, pour l’agent, d’échapper à tous les vilains coups portés par des traîtres au sein de son propre service de renseignements tout en tentant d’empêcher les terroristes de frapper avec leurs armes biologiques… On trouve, ici, classiquement les chefs (John Malkovich pour la CIA, Toni Collette pour le MI5), les hommes de main (Orlando Bloom), le traître en chef et bien sûr l’agent trahie et manipulée qui saura inverser la tendance, rôle dans lequel la Suédoise Noomi Rapace tire son épingle du jeu sans pour autant amener Conspiracy vers les sommets. Car, tragiquement, à Londres, la réalité a dépassé la fiction…