ET AU MILIEU COULE UNE RIVIERE
En 1992, Robert Redford est en bonne place au sommet du star-system américain. Le fondateur du festival de Sundance (en 1985) a derrière lui des films aussi remarquables et applaudis que Les trois jours du condor (1975), Les hommes du président (1976), Le cavalier électrique (1979), Out of Africa (1985)… Depuis 1980, il est aussi passé derrière la caméra avec Des gens comme les autres (1980) et Milagro (1988) et il poursuit sa carrière de metteur en scène en portant à l’écran la nouvelle semi-autobiographique de Norman Maclean La rivière du sixième jour. Pour ce faire, Redford, passionné de nature, avide de grands espaces américains et pêcheur émérite, aura bataillé des années pour réussir à convaincre l’écrivain (1902-1990) de lui céder les droits du livre paru en 1976 et vite devenu culte. Le cinéaste mettra un point d’honneur à respecter scrupuleusement « l’esprit de nature » défendu par Maclean, brillant représentant du genre littéraire nommé Natur writing…
Avec Et au milieu coule une rivière, présenté dans une belle version restaurée, Redford réussit un troisième long-métrage en forme de chronique campagnarde et humaniste. Dans le Montana des années 30, un père pasteur presbytérien lègue à ses deux fils Norman et Paul, en dépit d’une éducation stricte et austère, son amour pour la nature et la pêche à la mouche. Portée par une superbe photographie de Philippe Rousselot (oscarisé pour l’occasion) qui saisit les fines arabesques de la ligne de pêche volant au-dessus de la rivière, cette paisible ode à la nature prend son temps et provoque l’émotion par sa dimension élégiaque.
Dans cette oeuvre touchée par la grâce, l’ensemble de la distribution est au diapason mais on remarque évidemment Brad Pitt dans le rôle de Paul Maclean, le cadet de la famille. A 28 ans, le comédien, remarqué en 1991 pour son rôle d’auto-stoppeur sexy dans Thelma et Louise, se voit offrir par Redford, un premier rôle majeur qui lancera définitivement sa carrière. Et on est saisi par l’étonnante ressemblance entre Robert Redford et Brad Pitt, le comédien devenant, de la sorte, l’alter-ego du metteur en scène qui, dans la version originale, occupe la place du narrateur. Ce narrateur qui, en voix off, observe: « Tout, les truites comme le salut éternel, est fruit de la grâce qui est fruit de l’art qui n’est pas donné facilement ».
Enfin, dans un second dvd, sont réunis trois compléments qui donnent la parole à Philippe Rousselot, le directeur de la photo et aux comédiens Brenda Blethyn (la comédienne anglaise n’en était alors qu’à son second film) et Tom Skerritt.
Si les interprètes de la mère et du père Maclean reviennent sur le travail harmonieux avec Robert Redford, l’homme qui a signé la superbe photo de Et au milieu… raconte par le menu sa collaboration avec un metteur en scène parfois déroutant. Le technicien lorrain, né à Briey en Meurthe-et-Moselle en 1945, n’en était qu’à son sixième ou septième film (mais il avait déjà signé la photo du Diva de Beineix dont l’écho avait été international) lorsque Redford le recruta. « Pour moi, dit Rousselot, le Montana, c’est la toile de fond et la pêche à la mouche, le prétexte. Le film parle avant tout de la relation entre deux frères et leur père ainsi que de la transmission d’une culture… »
(Pathé)