LE RUISSEAU, LE PRE VERT ET LE DOUX VISAGE
Yehia est chef cuisinier et un homme amoureux des bonnes choses. Avec son fils Refaat, passionné de recettes et de saveurs et son cadet Galal, coureur de jupons, ils préparent des banquets pour des cérémonies de fête. Lors d’un grand mariage à la campagne au cours duquel se dévoileront des amours secrètes, un riche homme d’affaires propose de racheter la petite entreprise de Yehia. Mais Yehia ne l’entend absolument pas de cette oreille et la proposition tourne à la menace. On avait découvert le cinéaste Yousri Nasrallah avec des films ancrés dans la réalité sociale et politique de l’Egypte comme Femmes du Caire (2009), solide critique du machisme ou Après la bataille (2012), évocation de la « bataille des chameaux » qui, en février 2011, avait ensanglanté la place Tharir et le printemps égyptien. Avec Le ruisseau, le pré vert et le doux visage (les trois éléments qui forment une image codifiée du paradis dans la poésie arabe), le réalisateur cairote offre une œuvre sensuelle et épicurienne parce que la bonne chère fait tomber les barrières. Le ton est souvent ironique et, loin de tout folklore, le film se présente comme une ode au bonheur pleine de saveurs… Parce que, dit-il, l’air du temps est sinistre, le metteur en scène avait envie de faire un film pour dire ce qu’il aime dans la vie. Et, à travers les histoires d’amour qui émaillent son film (on songe au cinéma égyptien populaire mais aussi aux films de Bollywood, très en vogue au pays des pharaons), Nasrallah chante la vie pour résister à la mort.
Enfin, Le ruisseau, le pré vert et le doux visage est aussi une prise de position politique. Comme le dit Nasrallah: « Dans la mesure où le débat politique tourne autour de l’austérité et de la religion, faire un film épicurien devient en effet un geste politique un peu fouteur de merde… »
(Pyramide)