Aurore se joue du retour d’âge
Ménopause.- Du grec méno, règles, et pause, arrêt, appelée aussi âge climatérique, est l’arrêt des règles. Lors de la ménopause, la femme ne possède plus suffisamment de follicules car ceux-ci ont été soit utilisés pour le cycle ovarien soit les cellules folliculaires ont dégénéré par le phénomène d’atrésie folliculaire. La ménopause est divisée en plusieurs étapes : la péri-ménopause (période d’irrégularités des cycles menstruels précédant la ménopause et l’année qui suit l’arrêt apparent des règles) et la post-ménopause (ménopause confirmée). Elle se produit habituellement vers la fin de la quarantaine ou le début de la cinquantaine de la femme.
Et vous voulez faire un film avec ça? Mais oui, absolument! Et c’est, avec Aurore, une comédie dramatique tout à fait tonique que signe Blandine Lenoir qui avoue qu’elle en a puisé la matière dans son propre vécu. Aurore a des bouffées de chaleur. Alors elle s’évente, avale des litres d’eau, enlève son pull, ouvre les fenêtres. Mais pas grand-chose n’y fait. Aurore se souvient aussi: « Quand j’ai eu mes règles, ma mère m’a dit: maintenant tu es une femme… Maintenant que je n’ai plus mes règles, je suis quoi? » Et son médecin ne l’aide guère entre un « Ca va pas aller en s’arrangeant » et un « Faut être philosophe, alors! »
La ménopause ou le retour d’âge ne sont pas, à priori, un thème très glamour et, pour tout dire, un peu tabou aussi. Alors, le grand mérite de Blandine Lenoir, c’est d’en tirer la substance d’une comédie, un peu douce-amère certes, qui prend les allures d’un portrait. Aurore Plou, séparée Tabor, a 50 ans, deux grandes filles. Elle est seule et vit dans une certaine précarité. Lorsque son aînée lui annonce qu’elle va être grand’mère, Aurore prend un coup sur la tête. Elle est à deux doigts de craquer. Et il faut toute la souriante énergie de son copine Mano pour l’aider à ne pas céder. Comme Mano travaille dans l’immobilier, Aurore lui sert parfois de piège à clients. Mais, ce jour-là, le client n’est autre que Totoche, le grand amour de jeunesse d’Aurore.
Chamboulée par la cinquantaine et par son prochain état de « mémée », Aurore vit aussi de plein fouet l’humiliation au travail. Le nouveau patron du restaurant dans lequel elle travaille depuis un bout de temps, l’a rebaptisée Samantha et lui ordonne d’exécuter des tâches qu’elle juge imbéciles. De là à claquer la porte, il n’y a qu’un pas. Qui amène Aurore du côté de Pôle Emploi où l’inefficacité est criante et l’ambiance pas des plus stimulantes.
A coup de notations tendres, souriantes, malicieuses ou plus graves, Blandine Lenoir invite à entrer dans le petit monde d’Aurore. On partage ses coups de blues quand Totoche lui explique qu’il n’a plus envie de souffrir. On sourit avec elle quand elle observe, un rien effarée, la jeune Lucie reproduire des schémas de « femme au foyer » en chouchoutant son petit ami. On s’amuse d’un petit running gag (la porte automatique qui ne s’ouvre pas au passage d’Aurore), des tours pendables de Mano quand il s’agit de coincer un homme supposé infidèle mais plus encore de la conversation d’Aurore, dans son nouveau job de technicienne de surface, avec une collègue qui fut… ingénieur en génie civil et qui lui glisse: « Vous êtes marrants, vous les Blancs, vous découvrez les critères de discrimination. Tu te rends compte, si en plus tu étais noire, lesbienne et musulmane! » Et, quand le quotidien devient trop pesant, Aurore s’évade dans ses rêves (ses filles, alors petites, y tiennent une place considérable) ou danse, seule chez elle, sur le beau Ain’t Go No de Nina Simone… Dans cette mosaïque de moments qui constituent l’ordinaire d’Aurore, la cinéaste glisse aussi de belles scènes comme celle des retrouvailles de la classe du lycée Paul Bert de La Rochelle et plus encore celle du restaurant où Aurore et Totoche se retrouvent pour dîner… Un « resto-opéra » où, entre les plats, les serveurs chantent. C’est charmant en diable sauf qu’entre le Libiamo de la Traviata et la Donna e mobile de Rigoletto en passant par le Duo des fleurs de Lakmé, les deux amoureux potentiels n’arrivent pas à se parler, sinon par le regard…
Bien sûr, Aurore ne serait pas ce film attachant qui souffle constamment le chaud et le froid entre le rire et l’émotion sans la présence lumineuse d’Agnès Jaoui. « Je voulais une comédienne qui assume son âge et en possède les atouts », disait la cinéaste. Et Agnès Jaoui fait de son Aurore, une femme forte, en pleine reconstruction et qui prend sa vie en main tout en avouant avoir peur d’être vieille, pauvre et seule. Cette femme debout n’est pas foncièrement féministe mais assurément solidaire des autres femmes. A cet égard, Blandine Lenoir a fait le choix de glisser dans son film un extrait d’une interview de l’anthropologue et ethnologue Françoise Héritier qui explique qu’il n’y a pas si longtemps, arrivée à la ménopause, l’existence d’une femme s’arrêtait net. Pour cette Aurore féminine et séduisante (Agnès Jaoui est magnifique avec des hanches, des seins et des fesses!), c’est aussi sa dignité retrouvée qui lui permet de (re)tomber amoureuse.
Enfin, soyons précis, Aurore est un film qui ne s’adresse pas exclusivement aux femmes de cinquante ans. Tous les spectateurs y trouveront leur compte. Et Aurore est si belle -ne serait-ce que dans un rêve- lorsqu’en brune Carmen, elle chante « L’amour est enfant de bohème »…
AURORE Comédie dramatique (France – 1h29) de Blandine Lenoir avec Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert, Pascale Arbillot, Sarah Suco, Lou Roy-Lecollinet, Marlène Veyriras, Samir Guesmi, Philippe Rebbot, Marc Citti, Eric Viellard, Laure Calamy, Nanou Garcia, Florence Muller. Dans les salles le 26 avril.