LES PORTES DE LA NUIT
Marcel Carné à la réalisation, Jacques Prévert au scénario, Philippe Agostini à la lumière, Alexandre Trauner aux décors et Joseph Kosma à la musique, c’est le gratin du cinéma français, celui-là même qui fit les belles heures du réalisme poétique, qui est réuni pour Les portes de la nuit. Pourtant cette ultime collaboration entre Prévert et Carné sera mal accueillie à sa sortie en 1946. Peut-être était-il alors trop tôt pour plonger le public de l’époque dans une intrigue qui avait pour cadre le Paris de la Libération et pour sujet un huis clos tragique où des « collabos » voisinent avec des résistants et leurs victimes. Car le temps d’une nuit parisienne, le « Destin » orchestre l’aventure amoureuse et tragique entre Diego, un jeune résistant et la ravissant Malou, (mal) mariée à un collaborateur (Serge Reggiani)…
Avec le temps, cette œuvre très noire (qui ressort dans une belle version restaurée) a pris rang de dernier fleuron du réalisme poétique. Les portes de la nuit devait marquer le grand retour de Jean Gabin au cinéma français après ses années américaines. Gabin aurait voulu que Marlène Dietrich endosse le rôle de la belle Malou. Mais à la lecture du scénario, la comédienne renonça à cette vision sombre de la vie sous l’Occupation. Et Gabin lui emboîta le pas…
Du coup, ce sont deux jeunes comédiens qui se retrouvèrent en tête d’affiche. Apparu au côté d’Edith Piaf dans Etoile sans lumière (1944), Yves Montand trouvait un beau personnage avec le résistant Diego et allait entamer une brillante et longue carrière. A l’issue d’un casting de 90 comédiennes, c’est Nathalie Nattier qui décrochait le rôle de Malou. Mais le semi-échec tant critique que public des Portes… relèguera l’actrice à des seconds rôles pendant quelques années. Autour du couple Diego-Malou, on remarque enfin nombre de magnifiques seconds rôles du cinéma de l’époque: Pierre Brasseur, Julien Carette, Raymond Bussières, Saturnin Fabre… Un film à redécouvrir.
(Pathé)