AQUARIUS
Chez Michelangelo Antonioni, de La Notte au Désert rouge et jusqu’à Blow-Up, l’architecture des villes appartient pleinement à l’écriture du cinéaste et contribue superbement et mystérieusement à l’atmosphère de ses oeuvres… Avec Aquarius aussi, un grand bâtiment est au coeur du récit. Car Aquarius est le nom d’un immeuble de caractère des années quarante qui donne sur la plage de Recife… C’est dans cet immeuble que vit la sexagénaire Clara, ancienne critique musicale. Appartenant au milieu bourgeois aisé brésilien, Clara est désormais la seule et unique habitante de l’Aquarius. Tous les autres appartements ont été rachetés par un promoteur et vidés de leurs occupants. Seule Clara s’accroche à son bien. Elle est propriétaire et n’entend pas vendre malgré le harcèlement des promoteurs…
Avec Aquarius, présenté en compétition au Festival de Cannes 2016, le cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho brosse le passionnant portait d’une femme qui ne s’en laisse pas compter mais aussi, à travers ce lieu étrange qu’est l’Aquarius, un état des lieux du Brésil, pays en proie à une redoutable corruption mais aussi à une sourde violence et à de rudes rapports de classe. Grâce à la superbe Sonia Braga, véritable icône du cinéma brésilien, on se glisse avec bonheur dans cette oeuvre longue (2h25) mais envoûtante… Le cinéaste passe des années 80 à aujourd’hui pour détailler les jours et les nuits d’une femme aux prises avec son passé, ses amies, sa famille et entrant dans une lutte feutrée mais féroce avec un système nauséabond. A la fois film noir et chronique sociale, Aquarius est une oeuvre riche et inquiétante, foisonnante et truculente à laquelle la b.o. apporte un grand plus, alliant Queen et Roberto Carlos, Gilberto Gil et Villa Lobos…
(Blaq Out)