Une amourette à la vanille !
La saga Cinquante nuances… est une affaire, si j’ose dire, juteuse. Mais après tout, comme le disait André Malraux, « par ailleurs, le cinéma est une industrie ». On ne va pas philosopher là-dessus à l’infini. La plus grande liberté que le spectateur puisse avoir, c’est d’aller voir ou pas un film.
En février 2015, Cinquante nuances de Grey avait rapporté pas loin de 570 millions de dollars rien que pour sa sortie en salles. Si le budget du film était estimé à 40 millions de dollars, le calcul était vite fait. Les producteurs n’allaient pas se priver d’une suite. C’est donc chose faite avec Cinquante nuances plus sombres. Que les affiches en ville annonçaient avec des slogans comme Pas de règles ou Plus de secrets. J’ai vu le film en salle à la première séance de mercredi et ce n’était pas la ruée. Pas encore, diront les exploitants confiants.
En février 2015, sur ce site, je n’avais pas été tendre avec le premier mummy porn de l’histoire du 7e art. Pas de quoi fouetter un chat, était le sens de ma critique de l’époque. Pour ce Nuances 2, on a changé de metteur en scène. L’Américain James Foley succède au Britannique Sam Taylor-Johnson mais on a l’étrange sentiment que rien, visuellement, n’a changé entre le premier film et le second. Les décors (Seattle en extérieur et les appartements d’Ana et Christian en intérieurs) sont évidemment les mêmes et on y a ajouté les bureaux de la maison d’édition où travaille désormais Ana ainsi qu’un beau yacht qui permet une respiration marine, façon clip de pub pour le Vendée Globe…
Ce qui, par contre, a changé, ce sont les deux personnages principaux. Coincée de chez coincée dans le n°1, Anastasia Steele est désormais plutôt bien dans sa peau. Elle semble avoir tourné la page Christian Grey et fermé pour de bon la porte de la redoutable Chambre rouge. A l’inverse, le sémillant Christian, si cool et sexy dans le n°1, est maintenant un garçon totalement torturé. Il faut dire qu’au-dessus de son lit, trône la cadavérique Madone d’Edvard Munch. Ses nuits sont habitées de cauchemars qui le ramènent aux affres d’une enfance très malheureuse. On apprend notamment que sa mère est morte d’une overdose de crack dans les bras du gamin…
Mais voilà, si Ana affecte de n’avoir plus de sentiments pour Christian, elle ne va pas tarder à craquer et retomber dans ses bras. C’est reparti, mon kiki! Si elle accepte (assez vite) de revoir Christian et de dîner avec lui (uniquement pour parler, on est bien d’accord), c’est parce qu’elle est décidée à lui imposer une « amourette à la vanille ». Mais on ne sait pourquoi, on a le sentiment que la porte de la Chambre rouge va s’ouvrir à nouveau. Et Christian pousse un premier avantage en lui proposant d’expérimenter des boules de geisha. Qu’Ana, résolument coquine, ne refuse pas…
Le problème dans l’affaire, ce n’est pas tant les frasques pseudo-libertines et franchement soft-porn (ah, la barre pour écarter les jambes d’Ana!) de Nuances 2, c’est la pauvreté des dialogues (« Tu ne te conduis pas en amoureux mais en propriétaire »), l’absence d’enjeux (Ana va-t-elle s’installer chez Christian?), la niaiserie d’une séquence comme le bal masqué, véritable sous-produit d’Eyes Wide Shut, une « méchante » invraisemblable, en l’occurrence l’ex-initiatrice SM du jeune Christian, incarnée par la pauvre Kim Basinger qui ne méritait pas un rôle aussi fade. Quant à Leila, ancienne soumise de Christian, elle traverse l’histoire comme un zombie. Mais plus que tout, c’est le manque de rythme qui est flagrant. Ce Nuances 2 dure 1h58 et paraît interminable. La seule chose qui fera rire les amateurs (attentifs) de films américains, c’est d’entendre Ana, devenue responsable d’une maison d’édition, lancer à sa nouvelle secrétaire et ancienne collègue qui lui demande comment elle doit faire désormais: « Ne m’apporte pas de café sauf si tu en prends un pour toi ». La réplique est, à l’identique, prononcée par Mélanie Griffith dans Working Girl (1989). Hommage ou pillage?
A la fin, Christian se confie à Ana. Non, il n’est pas dominant. Il est sadique. Aïe, il disait exactement l’inverse dans le premier volet. Ce qui, après tout, n’est pas si grave puisqu’il y aura, on le sait, un Nuances 3 pour boucler la trilogie et remettre peut-être les pendules à l’heure. Les dernières images de Cinquante nuances plus sombres ne laissent aucun doute. Un méchant est décidé à faire un mauvais sort à Christian. Il faudra attendre 2018 pour savoir lequel. Une attente insupportable?
CINQUANTE NUANCES PLUS SOMBRES Drame érotique (USA – 1h58) de James Foley avec Dakota Johnson, Jamie Dornan, Eric Johnson, Eloise Mumford, Bella Heathcote, Rita Ora, Kim Basinger, Marcia Gay Harden, Luke Grimes, Victor Rasuk, Max Martini. Interdit aux moins de 12 ans. Dans les salles le 8 février.