Des couples dans les tempêtes
Quand un film a été un succès, il est rare que ses producteurs n’aient pas la tentation d’en remettre une petite couche… Sorti en 2015, Papa ou maman, premier long-métrage de Martin Bourboulon, connut un joli succès en réunissant près de trois millions de spectateurs. Sans trop attendre, les scénaristes Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte se sont remis à la tâche et Martin Bourboulon est toujours derrière la caméra tandis que, devant, on retrouve -forcément- Marina Foïs et Laurent Lafitte.
Deux années précisément se sont écoulées. Après avoir raté leur séparation, les Leroy ont trouvé, dans leur divorce, un modus vivendi acceptable. Du côté d’Arcachon, ils vivent, chacun de son côté, dans deux maisons quasiment identiques et situées exactement de part et d’autre d’une charmante petite rue. Leur quatrième enfant, conçu à la fin du n°1, est né et ils ont mis au point, pour leurs petits chéris, un système de garde alternée très sophistiquée. Enfin, Vincent vit désormais avec la ravissante Bénédicte. Florence, elle, n’a pas l’air d’avoir quelqu’un dans sa vie. Pourtant, au détour d’une phrase lors d’un dîner entre amis, Vincent découvre que Florence a un Edouard dans sa vie et, pire, qu’elle l’a connue alors même qu’ils étaient encore mariés…
Avec ce Papa ou maman 2 (France – 1h26. Sortie le 7 décembre), Martin Bourboulon a fait sienne une des qualités marquantes des grandes comédies de l’âge d’or américain. Le rythme, encore le rythme, toujours le rythme! Autant dire que ce film, assez court, fonce dans tous les sens et ne se donne que très peu de temps pour souffler. Et d’ailleurs, pourquoi souffler? La séquence d’ouverture est menée tambour battant avec une caméra tellement mobile qu’on en a presque le tournis. Dès lors que Vincent n’a de cesse de savoir qui est son « nouveau rival », le film ne cesse de multiplier les rebondissements. D’autant que les trois grands enfants de la famille se piquent au jeu. Convaincus que leurs parents s’aiment toujours, ils vont tout mettre en oeuvre pour qu’ils reviennent l’un à l’autre. Quitte à fomenter de mauvais coups contre Edouard et Bénédicte…
De la Patellière et Delaporte, déjà complices dans le grand succès, au théâtre d’abord, au cinéma ensuite, du Prénom (2012), se sont régalés, s’appliquant à mêler les formes d’humour, en passant de la comédie populaire au film de gags, voire de vannes. Ils n’hésitent pas non plus à jongler avec les bons mots dans les dialogues (« Je suis juste alcoolique mais ce n’est pas un métier » ou « J’ai 42 ans. Je ne sais pas quel âge j’aurai dans dix ans! ») et tout cela fait de Papa ou maman 2, une comédie divertissante. D’autant que les comédiens sont à la hauteur. Evidemment, le magnifique grain de folie de Marina Foïs fait merveille face à un Laurent Lafitte souvent déboussolé et se rattrapant aux branches. Pour incarner les nouveaux conjoints, le réalisateur a trouvé en Sara Giraudeau, comme toujours délicieuse, et Jonathan Cohen des comédiens qui sont plus que de simples silhouettes. Anne Le Ny (la juge aux affaires matrimoniales) et Michel Vuillermoz (le collègue amoureux transi de Florence) font de savoureuses apparitions. Et Nicole Garcia, dans le rôle de la mère de Florence, est une déroutante tornade qui s’abat sur l’île de la Réunion où, à l’occasion d’une fête familiale, Florence et Vincent se retrouveront en cachette: « Faut qu’on leur dise! Non, c’est trop tôt! »
Quand on évoque Casablanca au cinéma, on ne peut s’empêcher de penser immédiatement à Michael Curtiz, au merveilleux tandem composé par Ingrid Bergman et Humphrey Bogart, à la chanson nostalgique égrenée par un pianiste noir en smoking blanc et qui disait, en 1942, « When time goes by »… De ce Casablanca-là, Robert Zemeckis, le réalisateur d’Alliés (USA – 2h05. Sortie le 23 novembre), a sans doute retenu le côté très glamour en associant Brad Pitt et Marion Cotillard. Ce couple est pris dans une autre tempête, celle, tragique, de la Seconde Guerre mondiale. Max Vatan est un espion canadien des services secrets britanniques. Marianne Beauséjour est une espionne française. Pour les besoins d’une mission, ils se rencontrent et doivent donner le change en mari et femme. Objectif: tuer un haut dignitaire nazi à Casablanca. Mais l’amour passe par là et c’est le coup de foudre. Max et Marianne filent à Londres, se marient. Une petite fille va voir le jour. Mais les services secrets anglais suspectent Marianne d’être un agent dormant travaillant pour les nazis…
En faisant la part belle à un duo de comédiens qui n’hésitent pas à jouer de l’oeil qui frise, Zemeckis, auteur de succès aussi considérables que la trilogie Retour vers le futur (1985-1990), Qui veut la peau de Roger Rabbit? (1988) ou Forrest Gump (1994), donne une romance de guerre qui a le défaut majeur de manquer de rythme. Bien sûr, cette histoire de trahison intime (que se passe-t-il lorsque on commence à douter de la sincérité de celle qu’on aime?) a quelque chose de tragique mais le spectateur attend la résolution de l’aventure sans trop se faire de souci. Dommage.
Avec Seul à Berlin (Grande-Bretagne – 1h43. Sortie le 23 novembre), voilà encore un couple dans la tragédie guerrière nazie… A Berlin, en 1940, Otto et Anna Quangel, modeste couple d’ouvriers, apprennent que leur fils unique est mort au front. Complètement détruits, les Quangel décident d’entrer en résistance et de dénoncer ce régime qui enlève tant d’enfants au peuple allemand. Leur combat va prendre une forme particulière, discrète mais efficace. Au péril de leur vie, le couple, qui se renforce dans l’épreuve et le danger, va répandre dans Berlin, de petits messages manuscrits. Posés devant des portes, sur des marches d’escaliers, ces libelles mettent la police du Reich sur les dents. Policier de la vieille école, Escherich (Daniel Brühl, révélé par Goodbye Lenin en 2003) va se lancer sur la piste de ces cartes postales, fasciné secrètement par l’audace de ses auteurs.
Si cette histoire est passionnante, c’est qu’elle est due au talent de l’écrivain allemand Hans Fallada (1893-1947). Ecrit en 1946, Jeder stirbt für sich allein (Seul dans Berlin), ultime livre de l’auteur, fut un imposant succès littéraire et demeure l’un des ouvrages les plus remarquables sur la résistance allemande antinazie. Malheureusement, deux gros écueils font que Seul dans Berlin est un échec. D’un, Vincent Perez ne réussit pas à donner de l’allant à cette aventure et, de deux, la version originale de Alone in Berlin est en… anglais. Les producteurs du film n’ont pas trouvé de financiers allemands prêts à prendre le projet en charge. Du coup, la production est anglaise. Tant Brendan Gleeson qu’Emma Thompson sont des comédiens de grand talent mais il est quasiment insupportable d’entendre le couple Quangel s’exprimer dans la langue de Shakespeare alors même qu’ils mènent, dans la capitale du Reich, leur courageuse besogne. Raté!