Les tire-au-flanc, l’enfer et le coeur battant
Novembre est un mois chargé en films… Dame, si l’on en croit de durables statistiques, c’est le meilleur mois de l’année pour la fréquentation des salles obscures. Comme si les spectateurs, fuyant la grisaille, le froid et la nuit tombant à cinq heures de l’après-midi, avaient besoin de de se retrouver dans le noir complice… Pour le plaisir de rire ou celui de frissonner.
Dans cette séance de rattrapage, le rire occupe la bonne place avec La folle histoire de Max et Léon (France – 1h38. Sortie le 2 novembre) mis en scène par Jonathan Barré et porté par un tandem comique que les amateurs de télévision ont découvert depuis quelques années déjà. Grégoire Ludig et David Marsais ont formé naguère le duo Palmashow qui a commis La folle histoire du Palmashow ou encore Very Bad Blagues. Ici, les deux compères passent donc au format grand écran tout en conservant ce qui a fait le succès de leur travail à la télé, en l’occurrence un joyeux goût de la parodie, des personnages un peu crétins, des dialogues enlevés…
Nous sommes en 1939 à Mâcon, petit bourg paisible de Saône-et-Loire, où Max et Léon, deux (grands) orphelins, passent le plus clair de leur temps à ne rien faire, à le faire mal ou alors à boire des coups dans le bar de l’aimable Michel qui les avait recueillis bébés. Mais, en 1939, les bruits de bottes grondent et bientôt les deux copains, parfaits tire-au-flanc, auront à connaître de l’uniforme, des campements, de la Wehrmacht, de la drôle de guerre… Avec une seule ambition en tête: se tirer le plus vite possible du conflit pour aller ouvrir un petit bar à vins dans leur cher Mâcon. Evidemment il en ira tout autrement.
Nourris au bon lait des Inconnus et des Nuls, Ludig (Léon) et Marsais (Max) ont tricoté, avec La folle histoire…, une amusante parodie où se mêlent les clins d’oeil à La grande vadrouille, On a retrouvé la 7e compagnie, Papy fait de la résistance, Lacombe Lucien, Monsieur Batignole (pour le sauvetage de la petite Sarah),voire Il faut sauver le soldat Ryan. Mais on peut y voir aussi un clin d’oeil à OSS 117: Le Caire nid d’espions, Max partageant, avec le Hubert Bonisseur de la Bath de Jean Dujardin, d’être spécialement bas du front et d’avoir une approche très très sommaire de la géopolitique…
A la différence des sketches du web ou de la télévision, le film, ici, outre d’avoir été écrit avec soin, prend un rythme plus tranquille qui permet à Ludig et Marsais de pouvoir développer les situations comiques (Max et Léon sont les inventeurs des fameux messages codés diffusés par la BBC), peaufiner les dialogues ou s’entourer de guest-stars… On croise ainsi Nicolas Marié en colonel délirant, Dominique Pinon, le complice de Jeunet dans Delicatessen ou Amélie Poulain, en résistant ou encore l’inénarrable Bernard Farcy (le commissaire Gibert de la saga Taxi) qui campe, avec son Célestin, un… suppôt de Pétain spécialement haineux mais taré…
Tout cela se regarde avec un sourire amusé et il est plus que probable qu’on reverra Grégoire Ludig (avec son air de Coluche jeune) et David Marsais sur les écrans de cinéma.
Si la guerre est un enfer, c’est dans l’enfer de Dante que s’en va déambuler le fameux professeur Robert Langdon… C’est dans un hôpital de Florence, la tête en compote et la mémoire en lambeaux, que l’on retrouve le héros imaginé par l’auteur américain Dan Brown. On l’avait découvert en 2006 dans un Da Vince Code qui avait fait polémique tout en rencontrant un large succès. Le réalisateur Ron Howard remettait ensuite le couvert avec Anges et démons (2009) et le cinéaste de Cocoon et de Willow est toujours aux commandes d’Inferno (USA – 2h02. Sortie le 9 novembre). « L’humanité est le cancer qui ronge sa propre chair », voilà le credo d’un illuminé qui veut réduire drastiquement la population de la Terre pour assurer la survie de la planète. Il reviendra à Langdon de « décoder » les signes, les pièges et les énigmes pour empêcher la destruction des deux tiers de l’humanité. Le problème, c’est qu’on entre jamais vraiment dans ce thriller apocalyptique qui se promène entre Florence, son Palazzo Vecchio et Istanbul avec sa Sainte-Sophie en passant par Venise et sa célèbre place Saint-Marc. Du point de vue touristique, c’est pas vilain mais du côté de l’action, c’est franchement lourdingue, voire ridicule.
Il y a bien une belle (Felicity Jones) qui joue un vilain double jeu ou encore un flic de l’OMS (Omar Sy, désormais bankable dans de gros blockbusters américains) mais tout cela ne suffit définitivement pas. Même la belle Sidse Babett Knudsen (la série Borgen ou L’hermine avec Luchini) n’arrive pas à tirer ce polar cabalistique vers le haut. Mais l’échec revient quand même essentiellement à un Tom Hanks bouffi qui semble constamment se demander ce qu’il fait là… L’interprète du récent Pont des espions (2015) de Spielberg nous doit une revanche. Peut-être dès le 30 novembre avec Sully, le nouveau Clint Eastwood…
C’est en 2010 que Katel Quillévéré avait été remarquée avec Un poison violent, premier long-métrage qui abordait, entre trivial et sacré, le thème de l’adolescence en le confrontant aux émois amoureux, à la religion catholique et à la rupture avec cette foi. La cinéaste signa ensuite, en 2013, Suzanne, histoire d’une jeune femme sans histoires qui tombe amoureuse d’un délinquant jusqu’à devenir elle-même hors-la-loi.
Avec Réparer les vivants (France – 1h40. Sortie le 2 novembre), Katell Quillévéré adapte l’excellent roman à succès de Maylis de Kerangal et se penche sur ce que la vie peut avoir de chaotique, de violent. Comment une existence peut être fauchée et en même temps comment la pulsion de vie peut être plus forte et transformer la mort. La cinéaste s’interroge aussi sur la question de se guérir du scandale de ce qu’est une perte tout en filmant le corps de manière à la fois anatomique, poétique et métaphysique.
Tout commence au petit jour dans une mer déchaînée avec trois jeunes surfeurs. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, se produit une tragique collision. Désormais suspendue aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle d’un coeur qui pourra prolonger sa vie. On devine que le livre était la promesse d’une aventure cinématographique très forte avec le voyage d’un organe et le challenge de filmer l’intérieur du vivant et la transgression que représente l’exploration de cet endroit…
Katell Quillévéré a relevé ce défi cinématographique, tentant notamment de traduire, en images, le mouvement et la circulation du vivant. Pourtant le film laisse une étrange impression. Dans ce mélodrame sur la mort d’un presque adolescent et le don d’un organe, il y a évidemment une émotion qui sourd quasiment en permanence. Pourtant, je suis resté, de bout en bout, à l’extérieur du film. Est-ce la faute des comédiens? Les remarquables Bouli Lanners ou Dominique Blanc semblent ne faire qu’un passage. On a du mal à croire au personnage de Tahar Rahim en responsable des transplantations d’organes confronté à la terrible douleur des parents de Simon tout comme au couple formé par Alice Taglioni et Anne Dorval qui fut, chez Xavier Dolan, la merveilleuse voisine balbutiante de Mommy…