De Brooklyn à Rose Creek

Tony (Michael Barbieri) et Jake (Theo Taplitz). DR

Tony (Michael Barbieri) et Jake (Theo Taplitz). DR

Parce que le dernier film d’Ira Sachs se passe à New York, qu’un pont fameux se profile, de temps à autre, dans le fond des plans, on ne peut s’empêcher de faire allusion à Woody Allen dont le cinéaste serait donc comme un lointain cousin… Mais, après tout, la référence au cinéaste de Manhattan (1979) n’est certainement pas désagréable au New-Yorkais Sachs. D’autant que Brooklyn Village est un film attentif autant aux personnages, tous traités avec soin, que justement à l’atmosphère particulière qui règne dans certains quartiers de New York. De fait, dans la rue où se déroule l’essentiel de l’action de  Brooklyn Village (USA – 1h25. Dans les salles le 21 septembre), on a vraiment l’impression d’être à des lieues du New York lumineux et, il faut bien le dire, un peu clinquant, de Times Square. L’ambiance est bien celle d’un village avec ses petits commerces, ses maisons qui n’ont rien de gratte-ciels et ses familles qui appartiennent aussi bien aux communautés latino, italienne ou asiatique…

La famille Jardine, qui jusque là vivait à Manhattan, a hérité d’une maison à Brooklyn. Le rez-de-chaussée est occupé par la boutique de Leonor Calvelli, une couturière latino-américaine. Rapidement, des relations cordiales s’instaurent entre les Jardine et la souriante Leonor qui a été une amie proche du défunt grand’père Jardine. Et les relations sont d’autant plus sympathiques que Tony Calvelli et Jake Jardine nouent une insouciante amitié. Mais si les Jardine sont venus s’installer à Brooklyn, c’est aussi pour vivre un peu plus à l’aise financièrement grâce à l’héritage de la maison. Car la famille Jardine subsiste essentiellement sur le revenu de psychologue de Kathy Jardine. Brian, lui, est un comédien avec de bien faibles cachets. Pour les Jardine, le loyer de la boutique de Leonor s’avère bien inférieur à leurs besoins. Mais Leonor explique qu’elle ne peut pas payer plus, au risque de devoir partir et surtout que le grand’père Jardine lui a toujours promis qu’elle pourrait demeurer dans son petit commerce…

Leonor (Paulina Garcia) et Kathy (Jennifer Ehle). DR

Leonor (Paulina Garcia) et Kathy (Jennifer Ehle). DR

Passionné par les questions de génération, Ira Sachs signe, ici, un sixième long-métrage autour de l’enfance mais observée depuis la perspective des adultes, et notamment de Brian pris dans les contraintes financières et mis en porte-à-faux avec les valeurs d’humanité, de respect des autres qu’il souhaite inculquer à son fils Jake… A travers son titre original (Little Men), Ira Sachs indique bien que ce sont les relations entre Tony et Jake qui sont au coeur de son propos tandis qu’autour d’eux, les adultes sont coincés dans les rudes contingences du réel et d’une certaine gentrification du quartier avec ses problèmes d’opportunité et de richesse.

Brooklyn Village est un beau film sur  la forte amitié de deux jeunes adolescents qui vont entrer dans une rébellion silencieuse contre des parents qu’ils voudraient faire plier au nom d’une douce innocence. Michael Barbieri incarne un Tony énergique, à l’aise socialement avec l’ambition d’être acteur tandis que Theo Taplitz est un Jake introverti qui rêve d’une carrière de dessinateur… Les deux comédiens débutants sont remarquables de naturel et d’aisance. Autour d’eux, on remarque Greg Kinnear (Brian Jardine), Jennifer Ehle (Kathy) et la Chilienne Paulina Garcia (Leonor). Ils apportent tous un vrai charme à cette attachante chronique intimiste de deux familles new-yorkaises.

Antoine Fuqua revisite le western "à l'ancienne". DR

Antoine Fuqua revisite le western « à l’ancienne ». DR

De Big Apple, c’est un grand saut dans l’Ouest américain de la légende que l’on fait avec Les sept mercenaires, version Antoine Fuqua. Spécialiste du cinéma d’action, Fuqua a signé des thrillers comme Training Day (2001), Shooter (2007), La chute de la Maison Blanche (2013) ou Equalizer (2014). On n’est donc pas vraiment surpris de découvrir un remake survitaminé du fameux western réalisé en 1960 par le  grand John Sturges qui lui-même transposait déjà, dans les grands espaces américains, le chef d’oeuvre d’Akira Kurosawa, Les sept samouraïs (1954).

Les sept mercenaires (USA – 2h13. Dans les salles le 28 septembre) raconte comment le redoutable et tyrannique entrepreneur Barth Bogue fait régner la terreur dans la petite cité pionnière de Rose Creek. Pour faire cesser les exactions de l’homme d’affaires, quelques villageois désespérés, menés par la rousse Emma Cullen (Haley Bonnett) dont le mari a été froidement abattu par Bogue, demandent à l’agent fédéral Sam Chisolm de les aider à se débarrasser de Bogue. Chisolm va alors réunir une demi-douzaine de solides gaillards et organiser le combat de Rose Creek contre l’armée de Bogue.

S’il impulse un bon rythme à son film, essentiellement dans la grande bataille finale, Antoine Fuqua s’en tient à un schéma attendu. Chisolm, le solitaire, va faire le tour de hors-la-loi, chasseurs de primes, joueurs ou tueurs à gages et le film les caractérise les uns après les autres. Voilà donc Josh Faraday, le séduisant joueur baratineur, Goodnight Robicheaux, tireur d’élite mais âme tourmentée, Jack Horne, véritable « ours » des montagnes, Billy Rocks, ami de Goodnight et manieur de lames, Vasquez, hors-la-loi mexicain et enfin Red Harvest, l’Indien Comanche solitaire, taiseux et expert en flèches meurtrières… Ensuite, tous ces hommes venus d’horizons différents et pas forcément vertueux se réuniront dans une même quête humaniste: faire triompher le Bien sur le Mal. Et à ce jeu, les talents des sept mercenaires feront-évidemment- merveille.

Chisolm (Denzel Washington) et ses hommes. DR

Chisolm (Denzel Washington) et ses hommes. DR

Bien sûr, les cinéphiles continueront à voir surgir, dans leur mémoire, les images, forcément ennoblies par le temps, des Magnificent Seven de Sturges mais le western de Fuqua est tout à fait honorable et il a, de plus, le mérite de nous faire goûter au charme, rare aujourd’hui, du western « à l’ancienne ». Reste les interprètes. Chez Sturges, on avait Yul Brynner, Steve McQueen, Horst Buchholz, Charles Bronson, Robert Vaughn, James Coburn et Brad Dexter. Côté légendes, excusez du peu.

Fuqua, lui, a embauché le fidèle Denzel Washington (Chisolm), Chris Patt (Faraday), Ethan Hawke (Robicheaux), Vincent D’Onofrio (Horne), Byung-Hun Lee (Rocks), Manuel Garcia-Rulfo (Vasquez), Martin Sensmeier (Harvest) et, disons-le, ils font le job. Quant aux méchants, dans la compétition entre Eli Wallach (1960) et Peter Sarsgaard (2016), on a un petit faible pour le second tant il fait de son Bogue une parfaite crapule despotique, le visage dévoré de tics et sans le moindre état d’âme…

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