Constance, une bombe à retardement
Une tête sur un oreiller… Une chevelure blonde qui laisse voir néanmoins des racines brunes. Comme, on le constatera ensuite, une première indication de la « dualité » d’une personnalité. Et puis ensuite, une scène pathétique. Constance est proprement virée du bel appartement parisien où elle a passé la nuit. Car l’appartement est à vendre et Constance y squattait sans doute depuis que l’agence immobilière où elle travaillait, s’était séparée d’elle… C’est ainsi que s’ouvre Irréprochable…
D’entrée de jeu, on se laisse prendre à cette histoire dont on ressent rapidement le potentiel trouble. En voyant agir et se comporter Constance, on se doute qu’un drame est en route. Sans emploi à Paris, cette femme de la quarantaine décide, sans avoir clairement d’autre choix, de revenir dans sa ville natale, quelque part du côté de l’Atlantique (le film a été tourné en Charente-Maritime) quand elle apprend qu’un poste se libère dans l’agence immobilière où elle a démarré sa carrière. Hélas, le patron de l’agence n’a aucune envie de reprendre Constance. Celle-ci se rabat alors sur Philippe, l’un des employés de l’agence, pour tenter de se faire embaucher. Constance joue de son charme face à un Philippe avec lequel elle a eu autrefois une liaison dont on comprend qu’elle s’est mal terminée…
Romancier et co-auteur de la série d’animation Salaire net et monde de brutes sur Arte, Sébastien Marnier signe, avec Irréprochable, son premier long-métrage. Entre le film du « retour au pays » et le thriller mâtiné d’une touche hitchcockienne, le cinéaste réussit surtout un intéressant portrait de grande désaxée. Dès l’instant où Constance comprend que le poste dans l’agence immobilière de sa ville natale va lui échapper, sa raison bascule littéralement. Si comme le titre du film le suggère, Constance se sent irréprochable, ce sont bien les autres autour d’elle qui lui sont hostiles. Et, au premier chef, la jeune et charmante Audrey qui occupe désormais « son » poste dans l’agence… Alors Constance va échafauder un plan aussi machiavélique que tordu pour qu’Audrey débarrasse le terrain…
Si Sébastien Marnier réussit un moment à entretenir le suspense au fil d’Irréprochable, le film perd ensuite de son attrait, semblant tourner peu à peu à vide tandis que les personnages qui gravitent autour de Constance s’effilochent pour n’être plus que des silhouettes. Il en va ainsi de Philippe (Jérémie Elkaïm), brave type normal qui ne comprend pas vraiment ce qui se trame, de Gilles (Benjamin Bioulay), l’amant de passage qui s’avère être le salaud classique ou encore d’Audrey (Joséphine Japy), mignonne et bien naïve jouvencelle promise à un mauvais sort… Quant au scénario, il présente aussi quelques failles: comment Constance peut-elle si longtemps et si souvent se rendre au chevet d’une vieille dame gravement malade?
Reste alors le beau travail accompli par une Marina Foïs brillante et présente de bout en bout d’Irréprochable. Le cinéaste a longuement travaillé le personnage de Constance dans ses petits détails. Il joue ainsi sur le look d’une Constance qui balance entre son ensemble bourgeois quasiment caricatural (jupe jaune, faux chemisier Versace, escarpins vernis et duvet caché dans un sac… Chanel) et ses fringues de jeunesse (legging à fleurs et sweat rouge), les deux racontant ce que Constance est et ce qu’elle rêve d’être. Etriquée socialement (mais libérée sexuellement) Constance est une femme qui veut aller au bout de son histoire mais qui agit complètement de travers. Et son investissement sportif est d’ailleurs une métaphore de ce jusqu’au-boutisme…
Comédienne à la filmographie abondante, tour à tour drôle et inquiétante, lumineuse et opaque, Marina Foïs a, dans Irréprochable, un premier rôle marquant. Affabulatrice majeure et grande paumée très seule, sa Constance, toujours borderline, donne l’impression de pouvoir exploser à tout moment. Dans le film de Sébastien Marnier, Marina Foïs est… irréprochable.
IRREPROCHABLE Drame (France – 1h43) de Sébastien Marnier avec Marina Foïs, Jérémie Elkaïm, Joséphine Japy, Benjamin Bioulay, Jean-Luc Vincent, Jeanne Rosa, Veronique Ruggia-Saura. Dans les salles le 6 juillet.