Valentin et toutes ces femmes
C’est sur un gros plan du visage d’une fillette que s’ouvre Valentin Valentin. Sous de longs cheveux, le regard est bleu mais grave. A la différence de beaucoup de regards féminins qui peuplent le nouveau film de Pascal Thomas, ce regard-là n’est pas amoureux. Plutôt tragique. « Y’a quoi sous la bâche blanche? » demande l’enfant. Car, sous le petit pont vert qui coupe le bois des alentours de Paris, Valentin Fontaine est mort. Assassiné. Une voix off constate: « Je n’oublierai jamais le jour où Valentin est mort ».
On l’a compris, c’est au travers d’un grand flash-back que le spectateur va parcourir l’histoire de Valentin Fontaine, séduisant célibataire trentenaire, en congé sabbatique, qui vit dans un grand immeuble blanc des beaux quartiers de Paris. Un immeuble qui est, à sa manière, l’une des vedettes de Valentin Valentin puisque c’est là que se croisent presque tous les protagonistes hétéroclites de cette fable en forme de Fenêtre sur cour. Un peu à la manière du célèbre film d’Hitchcock, on regarde et on observe sans toujours se voir… Mais, à la différence du Hitch, c’est beaucoup d’amours dont il est, ici, question. Cinéaste dilettante et léger, Pascal Thomas aime le « film de groupe » ou « de voisinage ». Son cinéma, depuis longtemps, est traversé par une quête de rapports humains de qualité et par la nostalgie d’un langage aimable et de l’échange secrètement chaleureux. On se souvient ainsi des Zozos et Pleure pas la bouche pleine (1973), Confidences pour confidences (1979), Mercredi folle journée (2001) ou Le grand appartement (2006). On retrouve cette veine dans Valentin Valentin, conte mélancolique et romanesque au charme indéfinissable.
Comme il le fit dans Celles qu’on n’a pas eues (1981) ou Les maris, les femmes, les amants (1989), Pascal Thomas orchestre, ici, autour du charmant Valentin Fontaine, une variation sur le désir mais aussi sur des amours qui se révéleront impossibles. Ainsi le dandy secret aux beaux yeux est accaparé par une envahissante maîtresse au tempérament gourmand (Marie Gillain) dont le cinéaste ne nous cache pas les formes épanouies. Il est aussi désiré violemment par Elodie (Marilou Berry), l’une des trois jolies filles du 5e étage. Quant à Antonia, la concierge frustrée aux appâts felliniens (Christine Citti), elle ferait bien son quatre heures du mystérieux Valentin… Et puis Pascal Thomas fait encore passer par là Arielle Dombasle en mère, bourgeoise et égoïste, du héros ou Géraldine Chaplin, sublime de détresse en femme solitaire et alcoolique. On n’oublie pas, ici, les amours paisibles de Rose (Isabelle Candelier) dont les bonnes ondes auront vite fait de faire chavirer Marius le clarinettiste dont la musique traverse les étages… Et que dire des amours interdites de Roger, le jardinier du parc (François Morel) qui perd pied devant les nymphettes gymnastes du collège voisin…
Et il faudrait encore citer la « petite voleuse » (Agathe Bonitzer) et la superbe Nour (Victoria Lafaurie) qui croque, crayon au poing, Valentin. Le beau modèle de Nour qui a conservé ses poils sous les bras ou la femme-flic qui pose, pour une photographe, avec le haut de son uniforme mais rien en bas déclinent une féminité sans artifices.
Et puis il y a la pure apparition. La ravissante Liu Mei (Karolina Conchet) vit, sous la coupe d’étranges Chinois, dans l’immeuble d’en face. Instantanément, Valentin (Vincent Rottiers tout en charme retenu) tombe sous le charme de la belle inconnue qui réveille en lui le souvenir d’un voyage à Singapour et d’un émouvant coup de foudre. Mais pourra-t-il aider Liu Mei à fuir ses geôliers?
Dans Valentin Valentin, le cinéaste cite Stendhal et son « Je ne veux désormais collectionner que les moments de bonheur ». C’est sur cette tonalité que vogue ce film librement réadapté d’un roman de Ruth Rendell. Une auteure britannique décidément en vogue dans le cinéma français puisqu’en novembre dernier, c’est François Ozon qui s’appuyait sur l’un de ses livres, pour Une nouvelle amie.
Même si Pascal Thomas peine un peu à boucler son film, ce Valentin Valentin , mélange amusant de comédie et de drame, de polar et d’aventure sentimentale, distille un authentique charme. Autour d’un fils de famille « embrouillé dans ses songes », on parle, ici, de gens sympathiques mais qui ne sont pas forcément ce qu’ils paraissent être mais surtout d’amour autrement dit de désirs et d’audaces inaboutis, de rêves entr’aperçus et disparus…
VALENTIN VALENTIN Comédie dramatique (France – 1h46) de Pascal Thomas avec Vincent Rottiers, Marilou Berry, Marie Gillain, Arielle Dombasle, Géraldine Chaplin, François Morel, Christine Citti, Christian Vadim, Isabelle Candelier, Agathe Bonitzer, Alexandra Stewart, Félix Moati, Christian Morin, Victoria Lafaurie, Louis-Do de Lencquesaing.
Dans les salles le 7 janvier.