En amour, Alexandre voit grand
A vous les sans-grades de l’oreille décollée, les complexés du cheveu plat, les anxieux du bedon naissant, les ravagés de la bouée de sauvetage, les obscurs du gros pif, bref les modestes, les mal foutus, les de travers, les pas franchement beaux, les petits, Laurent Tirard ouvre de joyeux horizons. Car Un homme à la hauteur le dit tout net: soyez drôle et vous séduirez! Mais gare, contentez-vous de vous mettre à rêver. C’est seulement du cinéma…
Comment Diane a-t-elle fait pour égarer son téléphone portable? Toujours est-il que la belle avocate marseillaise reçoit, un soir, un appel donné avec son propre portable. Au bout du fil, la voix est aimable, enjouée. C’est la voix d’Alexandre et l’homme est courtois, drôle et visiblement cultivé. Diane est sous le charme. Elle accepte même un rendez-vous. Pour récupérer son portable. Question subsidiaire: comment les scénaristes faisaient-ils avant que n’existent les smartphones?
Avec Un homme à la hauteur, on est dans le domaine du conte de fées moderne. Car la grande et belle femme qu’est Diane, la ravissante princesse montée sur talons aiguilles, va rencontrer une petite grenouille, en l’occurrence cet Alexandre inconnu et dépositaire de son portable, qui mesure 1,40 mètre…
Connu pour un Molière (2007) qui ne manquait pas de charme puis pour des adaptations de bandes dessinées (deux Petit Nicolas en 2009 et 2014) et un Astérix et Obélix au service de sa majesté (2012), Laurent Tirard se frotte, ici, à la romance. C’est sa productrice Vanessa van Zuylen qui a parlé au cinéaste d’un film argentin de 2013 dont elle avait acquis les droits. Ce film de Marcos Carnevale, intitulé Corazon de Leon, avait connu un gros succès au pays des gauchos mais n’était jamais sorti ailleurs. Il racontait une histoire d’amour entre une belle femme et un tout petit homme… Avec son co-scénariste Grégoire Vigneron, Laurent Tirard, sentant le potentiel émotionnel et drôle du sujet, accepta donc d’en faire un remake, largement mis à la sauce européenne…
Un homme à la hauteur entraîne le spectateur sur les pas de la belle Diane et du charmant Alexandre. L’avocate et l’architecte chargé de gros chantiers, vont donc se découvrir, se humer, se tourner autour, sortir ensemble. Si Diane est probablement partagée entre son attirance pour Alexandre et une certaine « honte sociale », Alexandre, lui, multiplie les occasions de séduire la belle, passant d’un saut en parachute à un dîner dans un restaurant clandestin perdu dans les docks marseillais. Entre Alexandre et Diane, les choses se passent normalement mais un simple cadeau -un pull, plutôt moche au demeurant- peut aussi perturber une harmonie délicate.
En se référant au grand Frank Capra, l’un des maîtres de la comédie romantique, qui savait comme nul autre proposer une vision bienveillante des gens et éviter la méchanceté au profit de l’humanité, le réalisateur d’Un homme à la hauteur (découvert lors des 20e Rencontres du cinéma de Gérardmer) distille une oeuvre sobre, élégante et pleine de pudeur. Tout en retenue, la relation entre Diane et Alexandre laisse la part de la franche comédie aux seconds rôles, qu’il s’agisse de l’ex-mari de Diane (et toujours associé dans le cabinet d’avocats), de la mère de Diane ou encore de Coralie, la secrétaire fofolle de Diane… Sans oublier aussi le running gag du gros chien qui vient fêter Alexandre lorsqu’il rentre dans sa belle maison…
Et puis Un homme à la hauteur réussit aussi à nous faire croire à un Jean Dujardin (1,82 m dans la vraie vie) en homme de petite taille. Pour cela, il a fallu recourir à une doublure pour tous les plans de dos de l’acteur, à des trucages à la prise de vues et enfin à des effets spéciaux numériques. A part l’une ou l’autre rare scène où l’on croit observer des erreurs de perspective, le résultat technique est de qualité.
Si Un homme à la hauteur séduit en racontant simplement une histoire d’amour, c’est curieusement, lorsque le film emprunte la voie de la réflexion sur la différence, sur la difficulté de vivre à être trop regardé ou pas assez vu, sur le regard intime que l’on porte sur l’autre, que le scénario semble s’émousser et perdre un peu de son allant. Mais, heureusement, le duo formé par Virginie Efira et Jean Dujardin fonctionne bien de bout en bout et emporte une sympathique adhésion.
Devenue incontournable dans le paysage de la comédie française (Une famille à louer, Le goût des merveilles mais aussi prochainement Elle, le nouveau Paul Verhoeven, un thriller annoncé comme étant érotique et pervers), Virginie Efira, la petite quarantaine triomphante, joue ici de tout son charme…
Jean Dujardin, lui, s’est fait plus rare sur les écrans. Il fut un espion dans Moebius (2013) puis le juge Pierre Michel dans La French (2014) avant de rejoindre, tout en gouaille, l’univers de Lelouch avec Un + Une (2015). On l’a vu aussi dans des apparitions hollywoodiennes (Le loup de Wall Street, Monument’s Men) mais on l’attend, évidemment, tonitruant et déjanté, le 19 octobre prochain, dans Brice de Nice 3.
On sait Dujardin capable d’en faire beaucoup mais il joue, ici, tout en finesse même si la malice n’est jamais loin. Ni goguenard, ni sarcastique, Alexandre, homme de petite taille, est un type normal (et un séducteur accompli!) qui n’entend inspirer ni pitié, ni ricanement…
UN HOMME A LA HAUTEUR Comédie (France – 1h38) de Laurent Tirard avec Jean Dujardin, Virginie Efira, Cédric Khan, Stéphanie Papanian, César Domboy, Edmonde Franchi, Manoëlle Gaillard, Bruno Gomilla. Dans les salles le 4 mai.