John et son terrible passé
« Voilà, tu es beau. Ca va bien se passer ». John fait sa valise, plie ses tee-shirts et ses pulls et serre dans ses bras, la femme qui vient le chercher dans sa chambre. Mais, au nombre de cartes et de codes qu’il faut pour ouvrir les portes, on comprend assez vite que John s’apprête à quitter une structure pénitentiaire. Le jeune homme est pris en charge par son père, un fermier à casquette de base-ball. On devine, au bruit caractéristique, que le père a offert à son fils un jeu électronique. Dans le même temps, le père exige que John attache sa ceinture. Et comme le fils ne réagit pas assez vite, un brutal coup de frein manque de l’envoyer dans le pare-brise.
Avec Le lendemain (Efterskalv en v.o. suédoise), le jeune réalisateur suédois Magnus von Horn signe son premier long-métrage et donne une œuvre dont le dépouillement même est source d’inquiétude, voire de frissons. Car John a tué. Il a étranglé une jeune fille qui fut sa petite amie avant de le tromper en couchant avec l’un de ses amis. Du crime, c’est tout ce que l’on saura. Mais le drame a ébranlé complètement la petite communauté dans laquelle John est revenu vivre… Alors qu’il fait des courses avec son père et son jeune frère Filip, John est soudain violemment agressé par une jeune femme…
Markus von Holm procède par petites touches, privilégiant les silences et les regards pour distiller une atmosphère sombre et trouble qui tranche, paradoxalement, avec les couleurs très claires du lycée, de la belle maison de la victime ou encore des ciels sur la campagne scandinave. Petit à petit, il donne les pièces du puzzle. Ainsi un chien qui accueille gaiement John lorsqu’il entre dans une maison vide, rejoint la chambre de sa victime et se couche sur son lit… Plus loin, une jeune voisine observe la scène. Elle deviendra la « nouvelle » petite amie de John. Mais ce à quoi John doit se confronter, c’est, comme le dit une voix au téléphone, ce: « Tu ne peux pas rester là… »
Et pourtant, bravant les regards, voire la franche hostilité ou même la haine, John va se réinscrire dans le lycée où il était élève avant le drame. C’est un « nouveau » pas comme les autres qui arrive en classe. Les enseignants tentent de calmer le jeu: « Cet endroit doit demeurer tranquille » ou encore: « Tout le monde a le droit de vivre ». Ce qui n’empêche pas John de se retrouver, à la cantine, avec son plateau-repas renversé « par inadvertance ». Face à tout cela, John ne répond pas. Chez son grand-père à la campagne, où il s’amuse à tirer au fusil sur des cibles, il répond simplement « Bien » à la question de savoir comment s’est passé son retour en classe…
Natif de Göteborg en Suède, Markus von Holm a cependant étudié à la fameuse école de cinéma de Lodz en Pologne, celle où on été formés Wajda, Munk, Skolimowski, Zanussi ou Polanski. Et on a le sentiment que cette culture cinématographique polonaise -on songe notamment aux films de Kieslowski- a imprégné Le lendemain dans la manière implacable de raconter cette histoire alors même que le film conserve une esthétique scandinave. Le cinéaste a construit son scénario en lisant des rapports de police sur des crimes commis par des adolescents. Et il avait été notamment bouleversé par le drame d’un garçon de 15 ans qui avait étranglé sa petite amie parce qu’il ne pouvait supporter qu’elle soit tombée amoureuse d’un autre.
Avec Le lendemain, présenté en avant-première, aux Rencontres de Gérardmer, le cinéaste dissèque méticuleusement le monde dans lequel John est condamné à vivre et élabore ainsi le portait d’un garçon qui, au-delà de son acte atroce, se révèle timide. John a avoué son crime mais ne comprend pas comment il a pu commettre un geste aussi terrible. Comme un enfant apeuré qui s’est senti trompé par l’amour, John essaye d’assumer les conséquences de son crime sans y être préparé émotionnellement…
Dans une mise en scène d’une sobriété radicale (qui enchaîne une série de huis clos du quotidien), Markus von Holm, avec une écriture souvent brillante, observe un grand adolescent qui, dans l’impossibilité d’effacer le passé, décide de l’affronter. La tension est palpable de bout en bout dans cette description aussi d’une petite société, un tantinet médiocre, où tout le monde est fautif mais où, comme le dit le cinéaste, » l’admettre serait reconnaître une responsabilité incontournable, une faute irréparable ».
Enfin, au coeur d’une distribution composée de visages inconnus mais intéressants, Le lendemain doit beaucoup à Ulrik Munther, l’interprète de John. Si le comédien apparaît pour la première fois au cinéma, il est cependant un habitué des scènes puisqu’il est l’un des jeunes chanteurs suédois les plus populaires en Scandinavie mais aussi au Japon ou aux USA. Avec sa gueule d’ange, Ulrik Munther campe un John passablement mutique, presque résigné et qui affronte une sorte de calvaire silencieux qui s’achève dans une fin ouverte. Le visage encore tuméfié par les coups reçus de son meilleur ami, John grimpe sur une petite moto, emporte un fusil de chasse et s’enfonce dans la nuit.
LE LENDEMAIN Drame (Suède – 1h41) de Magnus von Horn avec Ulrik Munther, Mats Blomgren, Alexander Nordgren, Loa Ek, Wieslaw Komasa, Ellen Jelinek, Inger Nilsson. Dans les salles le 1er juin.