Chauve qui peut?
Casquette à l’envers, Ben entre dans un tabac et, avec une arme factice, braque le cafetier… Il lui réclame, non pas la caisse, mais des… Pokémon roses. Des cartes qui finiront, pour son plus grand bonheur, entre les mains d’une fillette malade. Qui, avec un joli sourire sous sa tête chauve, avoue: « J’aimerai juste que les gens me regardent normalement, être comme tout le monde ». Ben est voisin de chambre de la petite fille et lui aussi souffre d’un cancer…
Le ton d’Amis publics n’est cependant pas celui d’un drame. Edouard Pluvieux, pour son premier film, s’essaye à une comédie qui, sans jamais oublier le thème de la maladie, s’en va sur les brisées du film… d’action. Car Ben a un rêve: se transformer au moins une fois dans sa vie en braqueur de banque. Rêve étrange, on le concède.
Alors, pour faire plaisir à Ben, Léo, son frère aîné, décide de donner corps à cet ultime désir. Grâce à l’aide d’un directeur de banque qui, à ses heures perdues, se prend pour un acteur hollywoodien, Léo monte, de toutes pièces, un braquage bidon. Tout le personnel de la banque est au courant de la supercherie et est prêt à jouer le jeu de cette mise en scène bien innocente…
Las, bien qu’il soit chauffeur de taxi depuis plus de dix ans, Franck, membre du « gang » de Léo, se trompe d’adresse. Et c’est ainsi que Léo, Ben et leurs amis vont vraiment braquer une banque. Bien préparés, ils réussissent leur coup à la perfection. Les voilà en possession d’un joli magot. Mais que faire de cet argent? Léo et les autres, qui ne sont pas des malfrats, décident de l’offrir à l’association que vient de monter Bruno, le père de la fillette malade et maintenant disparue…
Si les auteurs d’Amis publics affirment qu’ils se sont inspirés d’une histoire fausse, on peut quand même faire, sans peine, un parallèle entre l’explosion de l’usine lyonnaise Pétrochimie du film, responsable d’une série de cas de cancers chez des enfants avec le tragique fait-divers de l’usine AZF à Toulouse en septembre 2001. Pour le reste, la comédie s’embarque ensuite dans une longue suite de péripéties où les braquages se succèdent, où Léo et sa bande deviennent d’héroïques et généreux Robins des banques, où les réseaux sociaux permettent aussi d’échapper facilement à une police soigneusement incompétente. Ajoutez à cela un peu de foot, un policier chelou (Vincent Elbaz en mode énervé), la création de l’association « Chauve qui peut », un final en Argentine et le plaisir d’écouter Home Again, la chanson de Michael Kiwanuka…
Edouard Pluvieux, qui a co-écrit divers spectacles de Kev Adams, Anthony Kavanagh ou Max Boublil, fourmille assurément d’idées mais le gros problème d’Amis publics, c’est la mollesse de son rythme. Bien sûr, les clins d’oeil à Heat, Ocean’s Eleven ou aux films de Scorsese sont sympas mais ils ne dynamisent pas pour autant cette aventure. Alors, Amis publics se rabat sur les numéros de ses acteurs. Comme toujours, Kev Adams a l’oeil qui frise et on découvre John Eledjam (Frank le taxi) ou Majid Berhila, Lounès, l’aîné de la troupe, dans des rôles de bas-du-front. Quant à Ana, le personnage féminin de la bande (Chloé Coulloud), elle n’a pas grand’chose à défendre. Seul Paul Bartel (II), découvert en jeune footballeur talentueux mais au coeur fragile dans Les petits princes (2013) parvient à donner une certaine densité au personnage de Ben.
« T’occupes pas de nos vies, frérot, c’est la tienne qui compte » dit Léo à Ben. C’est plus émouvant que le « Je veux pas me faire violer sous une douche. Ca fait mal » que lance Franck. Mais le tout (qui s’adresse, on le sent bien, à un public jeune) nous laisse quand même singulièrement sur notre faim.
AMIS PUBLICS Comédie dramatique (France – 1h38) d’Edouard Pluvieux avec Kev Adams, Vincent Elbaz, Paul Bartel (II), Chloé Coulloud, John Eledjam, Majid Berhila, Guy Lecluyse, Anne Suarez, Frank Bellocq. Dans les salles le 17 février.