Le beau courage de Laurel
« Je ne sais pas jouer la nana cool… » De fait, Laurel Hester est une femme-flic pure et dure et entièrement dévouée à son job de détective dans la police d’Ocean County dans le New Jersey. Et d’ailleurs Free Love commence comme un thriller tel que le cinéma américain nous en gratifie bien souvent… Avec un certain nombre de ses coéquipiers déguisés en promeneurs ou en hippies, elle traque ainsi -nous sommes en 2002- des trafiquants de drogue dans la nuit de la ville côtière.
Pour se délasser, Laurel joue au volley et c’est là qu’elle croise la menue Stacie Andree… Après le match, cette dernière n’hésite pas à « draguer » une Laurel qui se laisse facilement séduire par cette fille bien plus jeune qu’elle et qui lui lance, comme un défi, « T’as du mal à te lâcher! » Laurel se lâchera. Même s’il lui faut, pour sa préférence sexuelle, jouer à cache-cache avec ses collègues et notamment le taciturne Dane Wells, secrètement amoureux d’elle.
Avec Free Love, le réalisateur Peter Sollett (qui a signé, en 2008, avec Une nuit à New York, une romance attachante autour de l’amour et de la musique) s’attache à une histoire vraie. Le 26 juin 2015, la Cour suprême des Etats-Unis prenait une décision historique en légalisant le mariage pour tous. Si l’Amérique en était arrivée là, c’était sans doute dû aussi à la lutte menée par le lieutenant Hester et sa compagne Stacie. Pour le couple, ce combat survient à un moment décisif et dramatique de sa vie. Alors qu’elle file un vrai bonheur avec Stacie, Laurel apprend qu’elle est atteinte d’un cancer des poumons en phase terminale. Et Laurel va se battre pour que sa dernière volonté soit respectée: elle veut transmettre ses droits à la retraite à Stacie afin que celle-ci puisse continuer à vivre dans leur maison quand elle ne sera plus là…
Mais cette légitime revendication va se heurter au refus des freeholders, les élus du New Jersey. L’un de ces élus, tout en assurant la fonctionnaire de police de ses prières, affirme que la belle preuve d’amour de Laurel envers Stacie était de nature à menacer « le caractère sacré du mariage ».
Aventure humaine de gens ordinaires portés par un désir de justice, Free Love repose sur le contraste entre les deux personnages principaux. Laurel ne veut pas que les gens, et notamment ses collègues, sachent qu’elle est en couple tandis que Stacie souhaite exactement le contraire. Ce contraste permet évidemment aux comédiennes de composer de solides personnages. Julianne Moore (qui avait déjà, en 2014, incarné une universitaire atteinte de la maladie d’Alzheimer dans Still Alice) s’empare, avec énergie, de Laurel pour la représenter à toutes les étapes de l’histoire, depuis sa passion pour son boulot de détective jusqu’à sa fin, lorsque, amaigrie, respirant difficilement et ayant perdu ses cheveux, elle va plaider, une ultime fois, sa cause devant les élus du New Jersey. Cheveux courts, tête enfoncée dans les épaules, portant des chemises de trappeur et experte en changement de roues dans le garage qui l’emploie, la petite Stacie offre à Ellen Page (qui fit naguère son coming-out) l’occasion de s’engager, à travers le film, pour la cause lesbienne…
Peter Sollett et son scénariste Ron Nyswaner, au-delà de l’attention qu’ils portent à Laurel et Stacie, mettent aussi en évidence l’action du militant gay Steven Goldstein (Steve Carell). L’avocat activiste ne fait pas mystère du fait que son association s’intéresse au cas Hester pour obtenir la plus large exposition médiatique pour la cause gay et lesbienne. Mais, de fait, par son extravagance même, Goldstein fera, lui aussi, avancer les choses. Mais c’est assurément Dane Wells, le flic taiseux et même un peu bouseux de son propre aveu (Michael Shannon), qui fera avancer le « dossier » Hester. Déterminé à aider son amie, il réussira, non sans mal, à faire adhérer des policiers plutôt machistes à la cause d’une collègue qui ne demande qu’une égalité de traitement entre hommes et femmes.
Traité dans une manière « naturaliste romantique », Free Love n’évite pas certains clichés et devient alors un peu « lourd ». Mais, à l’évidence, on ressent une réelle empathie pour Laurel et Stacie…
FREE LOVE Drame (USA – 1h44) de Peter Sollett avec Julianne Moore, Ellen Page, Michael Shannon, Steve Carell, Luke Grimes, Josh Charles, Skipp Sudduth, Mary Birdsong. Dans les salles le 10 février.