« Mon » année de cinéma
Janvier, c’est le temps du blanc, des soldes et… du bilan des entrées dans les salles obscures. Evidemment, il y a la vérité des chiffres. A cette aune, le septième épisode de Star Wars a donc pris, sans vraie surprise, la tête du box-office français… Mais, par-delà la saga galactique, il y a les coups de cœur. Ceux-là ne se mesurent pas en nombre de fauteuils garnis mais dans cet étalon difficilement quantifiable qu’est l’émotion. En voici un florilège…. totalement subjectif et sans classement.
Dans ces coups de cœur –l’ambiance mortifère de 2015 y est-elle pour quelque chose ?- il est beaucoup question d’enfer. Celui de la guerre, bien sûr, avec l’American Sniper de Clint Eastwood mais aussi l’enfer de la paranoïa galopante dans l’effrayant Foxcatcher (où Steve Carell est brillant) ou encore l’enfer financier de The Big Short – La casse du siècle, sorti en fin d’année dernière. L’enfer, encore, de la Shoah et Le fils de Saul où Laszlo Nemes filme, à l’exacte distance, une extraordinaire plongée dans le quotidien d’Auschwitz. Enfer aussi de la guerre des gangs entre Etats-Unis et Mexique dans Sicario de Denis Villeneuve. Ou un pays en enfer qui a du mal à se regarder en face avec l’Allemagne de l’après-guerre et le premier procès allemand de nazis dans Le labyrinthe du silence. Avec la nuit d’enfer, filmée en temps réel, dans Berlin pour Victoria. Et l’enfer de la solitude pour un petit employé de l’administration anglaise dans Une belle fin.
Révélation de 2015, Crosswind – La croisée des vents de l’Estonien Martti Helde, est un concentré immobile mais palpitant de poésie cinématographique sur… les exactions staliniennes dans les pays baltes pendant la Seconde Guerre mondiale. Palme d’or à Cannes, le Dheepan de Jacques Audiard transporte la misère de l’immigration dans une banlieue bien de chez nous. Chez nous aussi, une juge des enfants (Catherine Deneuve) se bat pour faire sortir un gamin de la mouise dans La tête haute. Et un type au bout du rouleau (Vincent Lindon) se bat pour un emploi dans La loi du marché. Philippe Faucon raconte, lui, le combat d’une femme pour exister à travers l’écriture dans Fatima.
Dans une mise en scène étourdissante d’Alejandro Gonzalez Inarittu, Birdman distille, sur Broadway et dans la tête de Michael Keaton, le venin de la gloire perdue et de la célébrité envolée. Sur les pas de Jafar Panahi, on vit, dans Taxi Téhéran, ce que veut dire, pour un artiste, l’interdiction (magnifiquement et astucieusement détournée) de créer…
Avec Mia Madre, Nanni Moretti, au sommet de son art, parle, lui aussi, de la création cinématographique tout en évoquant, avec une justesse parfaite, la disparition d’une mère. Et Deniz Gamze Erguven donne, avec Mustang, une chronique familiale poignante en réponse à une question : « C’est quoi être une fille, une femme dans la Turquie contemporaine ? »
Guère de sourires dans cette évocation? Si quand même! Avec Bruno Podalydès partant à la recherche de la vraie vie et de la liberté dans Comme un avion, avec Virginie Efira recueillant un épatant autiste dans Le goût des merveilles, avec Woody Allen tel qu’en lui-même dans L’homme irrationnel, avec Catherine Frot, cantatrice fausse et pathétique dans Marguerite, avec le duo Isabelle Carré/Karin Viard dans l’érotique 21 nuits avec Pattie, avec un autre duo, Michael Caine/Harvey Keitel dans Youth.
Et puis quoi encore? Deux films aussi dissemblables que L’hermine avec un Fabrice Luchini sobre (si, si) et Spectre. Mais ça, c’est parce que je suis bondomaniaque. On ne se refait pas.