Aznavour, l’acteur…
Avec 1200 chansons « au compteur » et soixante-dix ans de carrière, Charles Aznavour peut aisément se targuer d’être, à plus de 80 ans, un artiste hors normes… Dans un beau livre largement illustré de pochettes de disques, d’affiches de films mais aussi de photographies personnelles et de plateau, on part avec plaisir à la découverte d’un sacré personnage. C’est du côté du grand écran qu’Aznavour donne aussi la mesure de son talent. Il faut dire que celui qui, à ses débuts dans la chanson, se voyait reprocher tout à la fois son physique, sa petite taille, ses gestes et même sa voix, a tourné avec de grands réalisateurs. S’il a débuté à dix ans sur les planches au côté de Pierre Fresnay dans Margot au théâtre Marigny, sa première vraie rencontre avec le cinéma fut, en 1938, Les disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque où il jouait un écolier… Au fil d’un long entretien avec Vincent Perrot (qui lui consacra, en 2014, un beau portrait à la télévision), Aznavour se confie sur ses rôles… Dans la seule année 1960, il fut ainsi l’interprète d’André Cayatte (Le passage du Rhin), de Denys de la Patellière (Taxi pour Tobrouk) et bien sûr de François Truffaut pour lequel il incarna le pianiste Charlie Kohler dans Tirez sur le pianiste…
Pour l’anecdote, Aznavour se souvient des délicieuses pâtes cuisinées par Lino Ventura sur le tournage du Taxi... mais il raconte aussi combien il aurait aimé re-tourner avec Truffaut. Le cinéaste le voulait pour Farenheit 451 (1966) mais les producteurs anglo-saxons du film ne le trouvaient pas assez « bankable » et imposèrent Oskar Werner. Le chanteur-comédien rapporte aussi que Godard lui proposa A bout de souffle (1960) mais Aznavour décline l’offre: « N’ayant quasiment aucune expérience sérieuse du cinéma, je ne me voyais pas dans la peau d’un garçon qui tuait un policier par balle et se retrouvait en cavale… » Plus tard encore, Aznavour sera, pour seulement dix minutes dans Le tambour (1979) de Volker Schlöndorff, l’admirable Markus, marchand de jouets juif qui offre son tambour au gamin… Il retrouva aussi un autre pilier de la Nouvelle vague, Claude Chabrol dans l’oubliable Folies bourgeoises (1975) mais surtout dans le magnifique Fantômes du chapelier (1982) où il est Kachoudas, le petite tailleur discret tourmenté par Michel Serrault. Un Serrault qui s’ingéniait à faire éclater de rire son partenaire dans un scène où il était censé mourir dans son lit… Un bon bouquin pour aller à la rencontre de Charles Aznavour, l’acteur.
AZNAVOUR MA VIE, MES CHANSONS, MES FILMS. Charles Aznavour et Vincent Perrot. Textes additionnels de Philippe Durant. Editions de la Martinière. 240 p., 32 €.