L’Ange qui ne fait pas la bête
Dès les premières images d’Ange et Gabrielle, on a, sinon compris, du moins, deviné où l’on va… Car voici une rutilante tour Eiffel brillant de mille feux dans la nuit parisienne et envoyant son projecteur baladeur comme une raie de lumière éclairant quelque destinée. Et, à la seconde séquence, tout se met en place. Nous sommes dans une boîte de nuit où évoluent des VIP buvant du champagne et devisant agréablement avec de jeunes femmes belles comme le jour au coeur de la nuit…
Assurément, Ange et Gabrielle ne nous embarquera pas sur les chemins tortueux du drame sinistre. Et pourtant, drame il y a! Car la ravissante Claire, lycéenne de terminale, est enceinte du haut de ses 17 ans. Forcément, Gabrielle Meyer, sa gentille pharmacienne de maman, flippe, à défaut de s’arracher les cheveux. Surtout, cette mère-lionne se met en tête de mettre le père du géniteur devant ses responsabilités. Et c’est pourquoi elle débarque chez Ange Pagani. Comme une furieuse, elle traverse le cabinet d’architectes du dit Ange et le somme d’agir. Mais voilà, Ange Pagani ne l’entend pas de cette oreille. Ange est très à l’aise. Dame, il n’a pas de fils. Mais si, mais si, dit l’énervée Gabrielle… Et voilà la superbe d’Ange qui s’effrite. Oh, la vache. Ah, la garce. C’était il y a si longtemps… Il n’avait couché que deux ou trois fois avec cette femme… Mais, de tout cela, Gabrielle se moque. Claire est enceinte de Simon et Ange est prié d’aller mettre un peu de plomb dans la tête de ce Simon de fils… dont il n’est pas sûr d’être le père.
Avec Ange et Gabrielle, Anne Giafferi réalise son second long-métrage pour le cinéma après Catholique anonyme qui porta aussi le titre Qui a envie d’être aimé? (2010) co-écrit avec son mari Thierry Bizot et qui racontait la rencontre inattendue et bouleversante d’un homme avec Dieu. La cinéaste est aussi connue des téléspectateurs pour avoir créée, en 2007, la série Fais pas çi, fais pas ça.
Ici, elle est partie de L’éveil du chameau, une pièce de théâtre de son amie Murielle Magellan centrée sur l’histoire amoureuse entre Ange et Gabrielle, pièce dont elle s’est éloignée pour développer autant la relation entre Ange et ce fils qu’il ne veut d’abord pas reconnaître que celle entre Gabrielle et sa fille…
Ainsi, autour de l’idée que tout le monde a le droit à une deuxième chance ou plus précisément à une deuxième vie, Anne Giafferi enchaîne des péripéties qui mêle deux claques envoyées à la volée et une réflexion sympathique mais légère sur la contemporaine famille recomposée. Où l’on constatera que les grands-parents sont aussi de jeunes parents tandis que les frères et soeurs sont aussi les oncles et tantes.
Et puis Ange et Gabrielle permet à la cinéaste de diriger deux comédiens qu’on aime beaucoup et qui se régalent clairement de leurs personnages. Le sémillant Patrick Bruel incarne cet Ange Pagani qui est au centre de l’histoire et de tous les conflits. Il compose un célibataire endurci (et drôlement hypocondriaque), en permanence dans le charme et la séduction. Ce chasseur de femmes jeunes va être amené à s’inscrire, d’abord très maladroitement, dans une relation plus mature et une existence plus familiale.
Isabelle Carré, qu’on a beaucoup vu au cinéma ces derniers temps (Marie Heurtin de Jean-Pierre Améris, Respire de Mélanie Laurent, Les chaises musicales de Marie Belhomme) et qu’on verra très prochainement dans 21 nuits avec Pattie des frères Larrieu, apporte un côté à la fois pétillant et fragile à cette Gabrielle qui maîtrise l’art d’arriver à ses fins sans en avoir l’air… Elle dégage un charme immense et si Ange et Gabrielle peut revendiquer une certaine filiation avec les belles comédies américaines des années 50-60, alors Isabelle Carré, entre grain de folie et grande pudeur, serait la petite soeur de Katharine Hepburn… Quant à Patrick Bruel, comme il est plus beau que Spencer Tracy, il serait plutôt comme un petit cousin du Yves Montand gouailleur mais sensible des films de Claude Sautet.
Bref, tout cela est mignon tout plein (avec même un petit côté Trois hommes et un couffin) et ne devrait pas manquer de plaire à tous ceux qui cherchent à se distraire dans les salles obscures sans se prendre, comme on dit, la tête.
ANGE ET GABRIELLE Comédie dramatique (France – 1h31) d’Anne Giafferi avec Patrick Bruel, Isabelle Carré, Alice de Lencquesaing, Thomas Solivérès, Carole Franck, Laurent Stocker. Dans les salles le 11 novembre.