L’inquiétant Lolo et sa mère trop aimante
Prenons une maman de 45 ans toujours gâteuse de Lolo, son grand fils de 19 ans au point de lui beurrer ses mouillettes matinales… Prenons ce grand fils qui squatte l’appartement maternel et s’y promène en slip orange flashy… Prenons un brave type prénommé Jean-René et récemment divorcé, qui vit à Biarritz mais qui va bientôt partir vivre et travailler dans la capitale… La maman, c’est Violette et elle passe une semaine de thalasso sur la Côte basque avec Ariane, sa meilleure amie. A les entendre parler de leur vie sexuelle en barbotant dans l’eau chaude, on se dit qu’Ariane n’est pas en manque mais que Violette si…
Après un joli générique dessiné et porté par l’entraînant Music to watch Girls by cher à Andy Williams, l’ouverture de Lolo est plutôt allègre. Sur le thème « Plus ils sont cons, mieux ils baisent », voici deux copines qui parlent, bien crûment, de leurs… fesses et de la manière de s’en servir. Et on sourit devant cette joyeuse verdeur de langage chez une cinéaste, nourrie dès l’enfance au lait du Gros dégeulasse de Reiser et qui entend bien tordre le cou au discours politiquement correct. « On vit, dit Julie Delpy, dans une époque où les codes de langage nous brident de plus en plus. Cela ne rend pas les gens meilleurs, au contraire: la peur règne et le fascisme remonte. »
Mais Lolo va alors prendre un virage vers la comédie familiale au fur et à mesure des rencontres de Violette et Jean-René. Des rendez-vous câlins que Lolo voit d’un (très) mauvais oeil. Il va alors s’ingénier à pourrir la vie de Jean-René et à faire croire à sa mère que cet homme ne mérite pas le détour. Il faut bien dire que JR, tout en étant une pointure de l’informatique financière, est à la fois un peu plouc, très naïf mais vraiment sensible. Autant dire qu’il n’est pas vraiment à son aise dans l’univers de la mode où Violette évolue comme un poisson dans l’eau…
Après nous avoir séduit avec 2 Days in Paris (2007) puis 2 Days in New York (2012), double variation drolatique et bien barrée sur la famille et ses « petits » tracas, Julie Delpy semble avoir perdu, ici, un peu de sa verve. Si le personnage de Lolo -encore un sacré pervers narcissique- vaut le coup d’oeil, l’histoire, dans sa totalité, perd au fil du temps, de sa consistance. On a vite compris que, malgré toutes les chausse-trappes, Violette et Jean-René devraient aller, certes difficilement, au bout de leur aventure amoureuse… Quitte, pour Violette, à tourner la page d’un jeune « Tanguy » qu’elle considère quand même comme « le futur de l’humanité »!
Bien sûr, Lolo contient d’amusantes notations sur la province comme sur le milieu de la mode. La scène où Jean-René consulte un médecin qui lui explique que ses démangeaisons sont liées au fait qu’il vient de la campagne est savoureuse tout comme la soirée caritative très branchée organisée par Violette dans une station de métro avec Karl Lagerfeld en guest-star… Mais tout cela tourne doucement à vide et Julie Delpy ne nous épate pas vraiment avec le couplet générationnel sur deux quadras qui, à force d’empiler les malentendus, finissent quand même par constater que l’amour ne se trouve pas forcément là où l’attend.
Il ne reste plus alors qu’à se distraire en observant un quatuor de comédiens à l’aise. Julie Delpy incarne une Violette souvent hystérique et volontiers dépassée par les événements. Karin Viard, même si elle n’est pas présente dans tout le film, apporte une beauté lumineuse à une Ariane qui chambre sa copine lorsqu’elle lui dit: « Je croyais que tu voulais vivre de vrais moments de vie! ». Dans le personnage de Jean-René, écrit spécialement pour lui par Julie Delpy, Dany Boon est tout à la fois un bof de Biarritz… avec une grosse bite, un informaticien accusé d’être un cyber-terroriste, enfin un amoureux transi et un homme lecteur de L’Equipe et de SAS qui s’ouvre au cinéma de Chris Marker. Et puis le comédien réussit aussi à traduire une tendre bienveillance, voire une certaine pureté. Enfin, la cinéaste a aussi écrit sur mesure le personnage de Lolo pour Vincent Lacoste. On l’avait vu naguère en interne débutant dans l’intéressant Hippocrate. Dans Lolo, il est étonnant en pervers tordu, bizarre, insupportable et inquiétant.
LOLO Comédie (France – 1h39) de et avec Julie Delpy, Dany Boon, Karin Viard, Vincent Lacoste, Antoine Lounguine, Christophe Vandevelde, Elise Larnicol, Christophe Canard. Dans les salles le 28 octobre.