Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot.

« Le problème, c’est ni toi, ni moi… C’est nous deux ensemble. » On a compris que Tony et Georgio sont ensemble mais séparement. Et surtout qu’ils n’arrivent ni à vraiment vivre ensemble, ni à vraiment vivre l’un sans l’autre…

Partant de ce constat aussi cruel que douloureux, Maïwenn signe, avec Mon roi, son quatrième long-métrage en forme de longue quête d’un couple très vite déchiré et malheureux. Victime d’un accident de ski qui lui a mis le genou dans un piteux état, Tony est admise dans un centre de rééducation de la Côte basque. Là, le personnel médical s’attache à la remettre -difficilement- sur pied tandis qu’une psy (de comptoir?) tente de l’amener à s’interroger sur son genou blessé, sur son « Je – Nous » souffrant… Autant dire que Tony a tout le temps de se remémorer l’histoire d’amour tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio…

Tony (Emmanuelle Bercot) soigne
son genou au centre de réadaptation

Dans une boîte de nuit, premiers échanges de regards entre Tony et Georgio. Elle se souvient de ce beau type, séducteur et carnassier qu’elle avait vu autrefois lorsqu’il travaillait dans un bar… Georgio ne se souvient pas mais il a quand même bien envie de « sortir » avec cette blonde aux cheveux longs… Ils finiront, au bout de la nuit, par prendre le petit déjeuner dans le superbe appartement de Georgio… Lorsque, sur le trottoir du petit matin, Georgio demande à Tony: « Tu veux mon portable? » et qu’il lui lance son Iphone, on a comme le sentiment encore confus, qu’on ne va pas aller sereinement au bout de cette entreprise…

L’histoire d’un amour passionnel et destructeur s’étalant sur une dizaine d’années était un sujet de film que Maïwenn portait depuis des années. Mais la cinéaste a tardé à le réaliser parce qu’il était dur pour elle de montrer des gens heureux… De fait, Maïwenn tente d’orchestrer ces va-et-vient qui jettent Tony et Georgio l’un contre l’autre avant de les éloigner l’un de l’autre, incapables qu’ils sont de pouvoir rester longtemps ensemble…

Tony et Georgio se marient…

Mon roi dessine, avec Georgio, un personnage complexe, cynique et rempli de zones d’ombre… Devant Sinbad, le bébé qu’il aura avec Tony, il a les larmes aux yeux mais il n’arrivera jamais à quitter le ravissant top-model avec lequel il vivait avant Tony… Quant à Tony, on mesure d’emblée le fossé qui la sépare de ce séducteur impénitent et menteur (il aura bien du mal à avouer toutes ses addictions) mais cela ne l’empêche pas de s’inscrire dans une profonde intimité, n’hésitant pas à avouer une absurde blessure (« Tu ne trouves pas que je suis trop large? ») dès leur première nuit d’amour…

Tandis que Mon roi montre, en alternance, les efforts accomplis, au milieu de patients jeunes, simples et pleins de légéreté, par Tony pour récupérer son genou et sans doute, métaphoriquement, son intégrité et son autonomie physiques face à un Georgio dévoreur, Maïwenn emporte le spectateur dans un maëlstrom de sentiments contradictoires. Et la cinéaste acclamée de Polisse (2011) scande: « Il faut dépasser tous les vertiges pour oser cet abîme » ou encore « L’amour avant l’orage n’est pas un choix, c’est une loi ».

Isild Le Besco et Emmanuelle Bercot.

Présenté en compétition à Cannes, Mon roi a valu le prix d’interprétation à une Emmanuelle Bercot qui venait aussi de montrer, en ouverture du festival, sa dernière réalisation avec l’excellent La tête haute. La comédienne a tiré son personnage vers une guerrière qui encaisse beaucoup de coups mais ne baisse pas les bras. En même temps, son addiction amoureuse pour Georgio l’empêche de voir que leur relation est impossible…

Si Mon roi est entièrement vu du point de vue de Tony, on peut considérer d’emblée Georgio comme un beau salaud mais Vincent Cassel sophistique cet homme capable de tous les mensonges pour se sortir d’un piège mais attachant aussi par son côté suicidaire…

D’où vient alors cette sensation étrange de vacuité chichiteuse que l’on ressent assez vite dans Mon roi? Des agacantes crises d’hystérie de Tony? Des poses de Georgio en pervers narcissique? De quelques facilités chez Maïwenn (le mariage aux 2CV colorées et pique-nique saucisson-alliance, les clichés sur le milieu de la mode, les considérations sur le jambon pata negra… d’Auvergne, l’engueulade dans le cabinet d’avocat…)

A l’arrivée, Mon roi nous laisse quand même singulièrement sur notre faim.

MON ROI Comédie dramatique (France – 2h04) de Maïwenn avec Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel, Louis Garrel, Isild Le Besco, Chrystèle Saint-Louis Augustin, Patrick Raynal, Paul Hamy, Yann Goven, Djemel Barek, Marie Guillard. Dans les salles le 21 octobre.