Pour les sourires de Mona et d’Hanna

Louis Garrel, Golshifteh Farahani et Vincent Macaigne dans "Les deux amis". DR

Louis Garrel, Golshifteh Farahani et Vincent Macaigne
dans « Les deux amis ». DR

Séance de rattrapage pour deux films toujours à l’affiche et qui placent, au centre de leur propos, deux beaux portraits de femmes… L’un, sorti le 23 septembre déjà, est le premier long-métrage en tant de réalisateur du comédien Louis Garrel. D’emblée, on ressent Les deux amis (France – 1h40) comme une célébration, voire un cri d’admiration! Voilà un poème en images adressé à une femme superbe! On se dit alors que François Truffaut avait tout compris lorsqu’il disait que le cinéma consiste à faire faire de jolies choses à de jolies femmes… Et d’ailleurs le film de Garrel a bien souvent des accents truffaldiens. On songe évidemment à Jules et Jim pour les deux personnages de Vincent et d’Abel mais aussi au regard amoureux que le cinéaste de L’homme qui aimait les femmes portait sur ses interprètes…

Les gazettes people nous diront que la romance, dans la vraie vie, entre Golshifteh Farahani et Louis Garrel était déjà finie alors que le tournage des Deux amis n’avait pas encore commencé… Mais de cela, on se moque puisque la fiction nous offre une évasion tour à tour lyrique, réaliste (Mona purge une peine de prison en semi-liberté) et burlesque dans une chronique (doublement) amoureuse… Si, pour ses Deux amis, Louis Garrel a puisé son inspiration du côté de Musset et des Caprices de Marianne, son film est cependant ancré dans un monde d’aujourd’hui pas très généreux pour les paumés et les déclassés. Vincent est un figurant de cinéma qui peine à ce qu’on le remarque. Quant à Abel, il a des vélléités d’écriture qu’il teste vaguement, la nuit, sur les clientes de la station où il est pompiste.

Louis Garrel, Vincent Macaigne et Golshifteh Farahani dans "Les deux amis". DR

Louis Garrel, Vincent Macaigne et Golshifteh Farahani
dans « Les deux amis ». DR

Et puis il y a Mona. Qui vend des sandwiches à la Gare du Nord. Mona, la belle mystérieuse, que Vincent (Vincent Macaigne) dévore des yeux et qui disparaît tous les soirs, échappant aux empressements de Vincent. Au point que celui-ci demande de l’aide à son meilleur ami. Evidemment, Abel va aussi succomber à l’attraction irrésistible de Mona… Jonglant entre lyrisme et burlesque, Garrel donne un film en chambre au plus près de l’intimité. On peut ne pas adhérer à une mise en scène assez flottante mais on est quand même touché par cette variation douloureuse sur amitié et trahison. Louis Garrel affirme d’ailleurs: « L’amitié est aussi un sentiment aussi profond et qui provoque autant de jalousie et de désir que l’amour ».  Garrel parvient, ici, à se détacher de son image « sombre et bel intello ». Quant à Golshifteh Farahani, elle est sublime dans tous les plans…

Mehdi Djaadi et Vimala Pons dans "Je suis à vous tout de suite". DR

Mehdi Djaadi et Vimala Pons
dans « Je suis à vous tout de suite ». DR

Je suis à vous tout de suite (France – 1h40) est également un premier long-métrage, celui de Baya Kasmi qu’on avait découverte, en 2010, comme scénariste du Nom des gens de son complice de toujours, Michel Leclerc. Et d’ailleurs, Hanna Belkacem, le personnage féminin (Vimala Pons) au centre de Je suis à vous…  est une cousine de Bahia Benmahmoud, la singulière héroïne du Nom des Gens. Alors que Bahia (Sara Forestier) couchait avec tous les hommes de droite pour les convertir à sa cause de gauche, Hanna, elle, prévient d’emblée: « Je suis incapable de faire de la peine aux gens ». DRH dans une société de négoce de vins, Hanna est souvent contrainte à des licenciements. Pour adoucir le choc, elle s’offre aux malheureux désormais sans emploi… Mais l’extrême gentillesse est une marque de fabrique chez les Belkacem. Monsieur (Ramzy, très bien) tient une épicerie… sociale et Madame (Agnès Jaoui) est psy à domicile pour des « patients » qu’il n’est pas question de faire payer… Chez les Belkacem, où l’on vit sans beaucoup de moyens mais avec de la joie dans les coeurs, tout irait son petit bonhomme de chemin. Mais Donnadieu, le jeune frère d’Hanna, devenu Hakim (Medhi Djaadi, excellent), veut retrouver ses racines algériennes et retourner au bled…

Laurent Capelluto et Vimala Pons dans "Je suis à vous tout de suite". DR

Laurent Capelluto et Vimala Pons
dans « Je suis à vous tout de suite ». DR

Avec beaucoup de fantaisie, Baya Kasmi embarque le spectateur dans un univers qu’elle connaît bien, dit-elle, et qui lui permet d’aborder, avec une intéressante légèreté, des questions aussi profondes que l’identité, la religion ou l’immigration. Sans oublier de parler, avec humour, de sexe avec une Hanna, toujours légèrement vêtue et très libre de son corps. Son frère, lui, refuse quasiment de la regarder… A travers des points de vue opposés sur la religion ou les conflits de l’immigration, Je suis à vous tout de suite emprunte la voie de la tolérance et de l’humanisme. La cinéaste, qui imprime un bon rythme à son film et qui dresse de jolis portraits, explique vouloir « dédramatiser une situation politique angoissante ». Elle y parvient avec une belle aisance. On savoure lorsque l’épicier Belkacem, tout musulman qu’il est, affirme: « Je ne mange pas de porc mais j’ai toujours vendu du jambon et des lardons. » On sourit lors de la visite de l’hyper halal et des propositions de voyage « Special ramadam » vers des pays où les jours sont très courts. On rit aussi lorsque Hakim, vêtu de sa djellaba et de sa chachia, visitant un appartement (totalement délabré…) à Alger, s’entend dire par un voisin, à propos de sa tenue: « Vous rentrez de vacances en Afghanistan? »

Enfin, il y a le sourire craquant, parfois traversé par une lointaine douleur, de Vimala Pons. On voit de plus en plus souvent la comédienne sur le grand écran (encore récemment chez Bruno Podalydès dans Comme un avion) et ses apparitions sont un vrai plaisir…

 

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