Lourds secrets de famille…
« C’est fou comme tu refuses de regarder les choses! » Entre frère et soeur, on peut bien se lancer ce genre de propos à la figure… Et d’ailleurs, Antoine et Agathe sont, même s’ils affectent de faire croire le contraire, indissociablement liés par un drame d’enfance… Et si Antoine Rey a bien du mal à regarder les choses en face, c’est que, même trente ans après, la douleur ne s’est jamais effacée. Alors Antoine accumule les angoisses. Lassée,sa femme l’a laissé même si elle a probablement encore de l’affection pour lui. Bientôt, dans son boulot de chef de chantier, Antoine va multiplier les boulettes au point de proprement se faire virer… Il a beau voir un psy, rien n’y fait…
Avec Boomerang, François Favrat entraîne le spectateur au coeur d’une famille à priori bien classique pour en débusquer les secrets et les non-dits… Pour sa première réalisation, Favrat avait, en 2005, réussi le plaisant Rôle de sa vie, orchestrant un affrontement entre Agnès Jaoui en star de cinéma et Karin Viard en assistante personnelle sous le charme de sa patronne. Ici, il adapte le best-seller éponyme de Tatiana de Rosnay paru en 2005. Tout en prenant des libertés avec le livre, le cinéaste demeure fidèle à la thématique des secrets qui reviennent hanter les êtres comme des boomerangs lancés dans l’air…
L’air est, ici, celui du large. De la Vendée et plus précisément du passage du Gois, cette chaussée submersible exceptionnelle par son longueur (plus de quatre kilomètres) qui relie l’île de Noirmoutier au continent. Ce passage praticable en voiture à marée basse, est inondée deux fois par jour et devient très dangereux lorsque la mer monte… C’est dans cette mer que, voilà trente ans, la mère d’Antoine et Agathe s’est noyée… Alors, un jour, n’y tenant plus, Antoine, entraînant Agathe avec lui, retourne à Noirmoutier… Il y retrouve Bernadette, la bonne de la famille Rey, qui fut aussi, certains soirs, leur nounou… Avec Bernadette, Antoine réussit enfin à évoquer la noyade de sa mère. Mais lorsque Bernadette lui apprend que le corps de la blonde et lumineuse Clarisse n’a pas été retrouvée sur la plage comme on l’a toujours dit à Antoine, les certitudes, difficilement construites, s’effondrent complètement…
Avec une certaine aisance, François Favrat réussit à bâtir un récit qui tient à la fois du journal intime et du thriller. Pourquoi le corps de Clarisse a-t-il été retrouvé à un autre endroit que celui tenu pour officiel par la famille? Clarisse s’est-elle suicidée? A-t-elle été tuée? L’a-t-on poussé à la mort? Toutes ces questions, Antoine Rey les ravalait avec difficulté. Maintenant, il est décidé à savoir… On songe, ici, plus à Chabrol qu’à Hitchcock lorsque le cinéaste montre une famille s’agitant soudain pour empêcher de terribles souvenirs de remonter à la surface.
En jouant sur les vastes et lumineux espaces de la mer et de Noirmoutier et en les opposant aux intérieurs de la famille Rey, Favrat réussit alors à nous attacher à son récit. D’autant qu’Antoine se débat de plus en plus dans une nasse qui a nom paranoïa. Pour les siens, et jusqu’à Agathe même, Antoine est en plein délire… Même la belle Angèle, la thanatopractrice rencontrée à la morgue de l’hôpital de Noirmoutier où il vient, trente ans plus, gamin perdu, observer à la dérobée, la dépouille de sa mère, aura bien du mal à le stabiliser…
Et puis, alors que l’on s’achemine vers la solution de l’énigme et la révélation du secret, Boomerang commence à tourner à vide… Il ne reste alors qu’à se raccrocher aux personnages et à leurs interprètes. Laurent Lafitte campe un Antoine Rey intérieurement désespéré et extérieurement obsédé par la perte de sa mère. Plus en retrait, Mélanie Laurent est Agathe. Quant à Audrey Dana, elle est Angèle, celle qui permettra sans doute à Antoine de tourner la page… Du côté de la famille, Wladimir Yordanoff incarne un père qui semble d’abord odieux dans son lourd mutisme. Et puis on revoit avec bonheur la rare Bulle Ogier, gentille grand-mère idolâtrée mais aussi ordonnatrice d’une catastrophe familiale…
BOOMERANG Drame (France – 1h41) de François Favrat avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent, Audrey Dana, Wladimir Yordanoff, Bulle Ogier, Anne Loiret, Anne Suarez, Lise Lamétrie, Kate Moran, Gabrielle Atger. Dans les salles le 23 septembre.