Pour Juliette, Adèle, Ana et Scarlett…
Allez, il est encore temps de faire un « revenez-y » sur quelques films toujours à l’affiche et qui méritent un coup d’oeil… Et qui partagent un point commun: avoir l’affiche de brillantes comédiennes…
C’est le cas de Sils Maria, le nouveau film d’Olivier Assayas qui fut en compétition à Cannes en mai dernier et qui resta bredouille dans la course aux récompenses. Ce qui ne veut pas dire, loin s’en faut, que Sils Maria ne mérite pas l’attention. Avec son titre énigmatique (il fait référence à un village de l’Engadine suisse où Nietzsche avait ses habitudes), Sils Maria est une oeuvre foisonnante où il est tour à tour question d’Arnold Franck et du film de montagne, du dramaturge suisse Wilhelm Melchior et d’un phénomène météorologique et nuageux, l’étrange « serpent de Maloja »… Mais surtout Sils Maria est une superbe réflexion sur le métier d’acteur, sur le théâtre, ses illusions et ses vertiges, sur les mots des auteurs que les comédiens s’approprient et que les spectateurs laissent résonner en eux, sur, enfin, la vie et le passé ou, dit Assayas, notre rapport à notre propre passé.
Juliette Binoche et Kristen Stewart. DR
Sils Maria suit la comédienne Maria Enders au moment où on lui propose de reprendre une pièce dans laquelle, vingt ans auparavant, elle avait connu le succès sur les planches. A l’époque, Maria Enders avait 18 ans et incarnait Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide Héléna, une femme mûre. Aujourd’hui Maria Enders se demande si elle doit accepter d’être cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Héléna… Maria Enders, c’est Juliette Binoche avec laquelle le cinéaste partagea ses débuts. Assayas avait écrit avec André Téchiné Rendez-vous (1984) dont Binoche fut, à 20 ans, l’interprète, déjà en comédienne avançant vers le rôle où elle s’accomplirait.
Tour à tour troublée et cassante, apaisée et combattive, Juliette Binoche, sous une coiffure noire et courte qui pourrait pourtant la desservir, trouve, dans Sils Maria, un personnage dans lequel elle peut donner toute sa belle mesure. A ses côtés, on trouve deux jeunes comédiennes américaines prometteuses et ambitieuses: Kristen Stewart, la star de Twilight, est Valentine, l’assistante de Maria Enders alors que Chloë Grace Moretz, vue naguère dans le Hugo Cabret de Scorsese, incarne la jeune actrice qui doit donner la réplique à Maria Enders… Sans céder à un vain cocorico, on dira que Juliette Binoche leur dame le pion.
Après le vieux routier Assayas, voilà le petit jeune Thomas Cailley qui a fortement séduit Cannes, précisement à la Quizaine des réalisateurs, avec son premier long. Les combattants est, en effet, une excellente surprise. Parce que le spectateur est entraîné sur des pistes inattendues, ainsi les séquences militaires sont savoureuses et même parfois hilarantes. Quelque part, dans la province française, au seuil de l’été, Arnaud (Kevin Azaïs) travaille avec son frère aîné sur des chantiers de l’entreprise de menuiserie familiale. La construction d’un abri de jardin dans une propriété le fait croiser Madeleine. Elle est belle et cassante. C’est aussi un bloc de muscles tendus. Normal, elle veut entrer dans l’Armée et pratique les sports de combat. C’est d’ailleurs dans un exercice musclé sur une plage qu’Arnaud et Madeleine vont vraiment se rencontrer. Le choc des corps débouche sur une histoire d’amour et de survie. Ces deux-là vont faire un bout de chemin ensemble, d’autant plus qu’Arnaud est plutôt suiveur et que Madeleine est persuadée que le chaos final est proche et qu’il faudra agir…
Kevin Azaïs et Adèle Haenel. DR
Avec Les combattants, on retrouve Adèle Haenel dans tout son bel éclat. Elle était naguère Agnès Le Roux chez Téchiné mais L’homme qu’on aimait trop ne lui donnait pas l’occasion de déployer sa palette. Ici, elle est solaire, charnelle, volontaire, têtue, déterminée, vive, physique, magnifique. Un concentré d’énergie prêt à exploser. Quand Adèle Haenel arrive dans une scène, on sait qu’il va se passer quelque chose. Madeleine ne se pose pas de questions. Quand elle n’aime pas, elle cogne et quand elle veut s’excuser, elle offre… des poussins congelés. Adèle Haenel dans Les combattants, c’est un pur bonheur de cinéma.
Le beau monde est une oeuvre qui me touche particulièrement parce que c’est l’une des dernières produites par Fabienne Vonier, trop tôt disparue et qui était une amie. Mais le film de Julie Lopes Curval est évidemment plus que cela. S’il s’inscrit dans une certaine tendance française actuelle -on songe à Pas son genre de Lucas Belvaux- il distille justement cette petite musique gracieuse et mélancolique qui sied bien à un parcours initiatique. Alice, 20 ans, vit à Bayeux et aime créer avec de la laine. Travaillant dans une pâtisserie, elle porte un beau pull confectionné par ses soins. Agnès, une cliente parisienne, l’admire et conseille à Alice de faire fructifier ce talent inné. Alice va alors décider de tout laisser derrière elle pour partir à Paris, intégrer une école d’arts appliqués.
Ana Girardot. DR
Dans la capitale, Alice ne connaît personne et elle a du mal à s’intégrer d’autant plus qu’elle se plaît dans sa position d’observatrice silencieuse du monde qui l’entoure. Une rencontre amoureuse avec Antoine, le fils d’Agnès, va changer sa vie. Avec ce garçon, élève d’HEC, Alice va découvrir, de l’intérieur, le beau monde. Mais Antoine, lui, exècre son milieu bourgeois… En faisant irrésistiblement penser à La dentellière (1976) de Claude Goretta, pierre d’angle de la carrière d’Isabelle Huppert, Le beau monde donne un beau rôle à Ana Girardot. Omniprésente à l’écran, elle apporte une vraie grâce à son Alice fragile et effacée. En novembre, on la verra successivement dans La prochaine fois, je viserai le coeur de Cédric Anger puis dans Paradise Lost, une « bio » de Pablo Escobar. On la suivra de près…
Et puis il y a Lucy, le nouveau Luc Besson. Sorti début août dans un été pluvieux, le film a déjà dépassé la barre des trois millions de spectateurs. Pour le réalisateur du Cinquième élément, ce projet de grande ampleur était une nouvelle occasion de jongler avec les effets spéciaux. On ne saurait contester à Besson le droit de faire joujou avec les immenses moyens du numérique. Surtout quand cela sert le spectacle. Ensuite, il faut bien dire que Lucy, qui joue simultanément la carte du thriller et celle de l’anticipation, est un joyeux bric-à-brac autour des capacités cérébrales humaines. Mais il y a Scarlett Johansson et elle est pratiquement de tous les plans. Au départ, Besson avait songé à Angelina Jolie pour tenir le rôle de Lucy. Il a bien fait de retenir Scarlett. Avec sa lippe boudeuse, elle est une parfaite héroïne bessonienne. S’il avait su, il aurait pu lui confier les rôles de Nikita, Jeanne d’Arc, Angel-A et Adèle Blanc-Sec. Bon, pour la Aung San Suu Kyi de The Lady, ça le faisait pas…
Scarlett Johansson. DR
Scarlett Johansson, on avait aimé sa voix d’ordinateur amoureux dans Her et elle a été, tout récemment, une parfaite extraterrestre chez Jonathan Glazer dans Under the Skin. Bref, on aimerait bien avoir la clé USB dans laquelle se cache désormais Lucy alias Scarlett Johansson…