DANS LES COULISSES DU VATICAN ET DE L’HARMONIE DE WALINCOURT

ConclaveCONCLAVE
Le pape se meurt. Le pape est mort. La stupeur puis la tristesse frappe le Vatican. Autour de la dépouille, le rituel se met en place. Tandis que la chambre est mise sous scellés et qu’on emporte le corps du pape, déjà des rumeurs s’élèvent. De quoi le pape est-il mort ? Avec qui s’est-il entretenu juste avant de rendre son dernier souffle ? A qui a-t-il fait d’ultimes promesses ? A-t-il pris la décision de destituer un cardinal ? Et que savent précisément les ecclésiastiques qui étaient au plus près du pontife ? C’est dans ce contexte que le cardinal Thomas Lawrence va être chargé, en tant que doyen du Collège des cardinaux, de préparer le conclave qui élira le nouveau chef de la Chrétienté. Trois semaines plus tard, les cardinaux arrivent du monde entier et investissent le Vatican. Cloitrés dans les lieux, ils auront la lourde responsabilité de choisir le nouveau personnage le plus important de l’Église catholique. Dans une adaptation du thriller éponyme de Robert Harris, paru en 2016, Conclave, mis en scène par le réalisateur allemand Edward Berger, plonge, ici, dans un univers plutôt feutré où les moments de violence sont rares mais brutaux mais où se confrontent en permanence, sur fond de chausse-trappes, les egos d’individus, certes pleins de componction mais dévorés par l’ambition. Conclave réussit, avec une belle aisance, à distiller de l’inquiétude et du mystère autour d’intrigues et de manigances toutes plus tordues les unes que les autres. Par moments, dit un cardinal, on a l’impression d’être dans une convention électorale américaine. On serait tenté d’ajouter : ou au Palais-Bourbon. Lawrence (Ralph Fiennes) a beau dire : « C’est un conclave, pas une guerre ! », son ami Bellini (Stanley Tucci) tempête : « C’est une guerre ! » Rapidement, de Bellini le libéral à Adeyemi, le populiste nigéran en passant le réactionnaire italien Tedesco (Sergio Castellitto) , les favoris mettent le nez à la fenêtre. Parmi eux, Thomas Lawrence va développer, tout en discrétion et savoir-faire, des trésors de diplomatie pour mener à bien le déroulement du conclave. Mais lui-même obtient des voix lors des premiers tours de scrutin. Le cardinal aurait-il des ambitions cachées ? Et c’est sans compter sur l’arrivée aussi tardive qu’inattendue à Rome de Benitez, un Mexicain cardinal à… Kaboul. Mais il s’avère que le cardinal Benitez aurait été un proche du Saint-Père. Ce dernier aurait même financé un voyage de Benitez vers une clinique genevoise… Dans ce tourbillon, Lawrence à la foi bouleversée tente de garder le cap dans une tempête électorale où tous les coups sont permis. Enfin, on est ravi de retrouver Isabella Rossellini qui porte le voile gris de Soeur Agnès, discrète responsable de l’entretien et de la restauration des cardinaux, qui lâchera pourtant une bombe. De la fameuse cheminée de la basilique Saint-Pierre, la fumée noire s’élève à plusieurs reprises. Inutile d’attendre la fumée blanche pour foncer voir ce superbe thriller ecclésiastique. (M6)
En FanfareEN FANFARE
Chef d’orchestre de renommée internationale, Thibaut Désormaux répète, avec un orchestre, l’Ouverture d’Egmont de Beethoven lorsqu’il s’effondre à son pupitre. A l’hôpital, on diagnostique une leucémie. Thibaut a besoin d’une greffe de moelle. Il se tourne vers sa sœur, constate qu’elle n’est compatible et découvre surtout qu’il a été adopté. Thibaut n’a plus alors qu’une obsession : savoir d’où il vient. Dans le Nord de la France, il retrouve Claudine, la femme qui l’a élevé dans sa famille d’accueil et surtout il découvre l’existence d’un frère, Jimmy Lecoq, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans l’harmonie des mineurs de Walincourt dans le nord de la France. En apparence tout les sépare. Mais seulement en apparence. En fanfare est ce qu’il est convenu d’appeler, tant pis pour le français, un pur Feel Good Movie. Encore faut-il que ce genre d’entreprise sonne juste. Ce qui est exactement le cas du film d’Emmanuel Courcol qui se penche sur les rapports entre deux frères qui ne se connaissaient pas jusque là et qui, de plus, n’ont rien en commun. L’un est un chef prestigieux, l’autre un déclassé qui galère sa vie, n’a plus guère de relations avec son adolescente de fille et ne parvient pas à voir que Sabrina, qui joue aussi dans la fanfare, en pince pour lui. Rien ne ne semble pouvoir les rapprocher, sauf une greffe et surtout l’amour de la musique. Thibaut baigne dans la grande musique, Jimmy joue Emmenez-moi de Charles Aznavour. A cause de la musique, ces deux-là iront l’un vers l’autre. Thibaut détecte chez Jimmy des capacités musicales exceptionnelles et l’oreille absolue. Dans le garage de Jimmy, celui-ci dissimule une abondante discothèque. Les deux frères craquent, ensemble, sur le somptueux I Remember Clifford par le trompettiste Lee Morgan. Ensemble aussi, ils chanteront à tue-tête, le Laissez-moi danser de Dalida… Surtout, en pénétrant dans un univers inconnu -celui de la misère sociale- Thibaut va se mettre en tête de réparer l’injustice du destin. Du coup, Jimmy se prend à rêver d’une autre vie… Le film, déjà vu par 2,5 millions de spectateurs dans les salles françaises, cultive aussi un petit côté comédie sociale « à l’anglaise » et le cinéaste trouve le ton juste pour montrer des gens généreux dans l’action malgré la cruauté de la vie. Il a aussi trouvé pour porter l’émotion et l’humanité des personnages, deux comédiens qui se glissent à merveille dans la peau de Thibaut et Jimmy. Benjamin Lavernhe est parfait en musicien émérite qui choisit de descendre de son pupitre. Quant à Pierre Lottin (vu chez Ozon dans Quand vient l’automne), il s’impose, à chaque apparition, comme une pointure du cinéma français. Son Jimmy est tout à la fois rageux et fragile. Et on veut bien croire à une belle réconciliation aux accents de l’incontournable Boléro de Ravel qui fait vibrer les coeurs à l’unisson. (Diaphana)
Rage FastCompanyRAGE + FAST COMPANY
David Cronenberg est assurément l’un des maîtres de l’angoisse cinématographique ! Influencée par la psychanalyse et marquée par une grande maîtrise technique, son œuvre, qui sonde les addictions, les névroses et les phobies de la société occidentale, se développe autour de trois grands axes : l’étude du corps humain sous un aspect angoissant et monstrueux, l’étude du rapport de l’humain avec la technologie sous un aspect visionnaire, enfin l’étude de la dégénérescence du corps social sous un aspect réaliste et pessimiste. De Cronenberg qui a accédé à la reconnaissance internationale, en 1986, avec La mouche, Carlotta Films propose un intéressant coffret avec deux films des débuts du cinéaste canadien : Rage (1977) et Fast Company (1979). Dans Rage, Rose, gravement brûlée suite à un accident de moto dans la campagne québecoise, est opérée d’urgence dans la clinique la plus proche, spécialisée en chirurgie esthétique. Le Dr Keloid expérimente sur elle une nouvelle technique de greffe, qui lui sauvera la vie. Après un mois de coma, la jeune femme (Marilyn Chambers, une star du X connue pour Behind the Green Door en 1972) se réveille brutalement. Son métabolisme a changé et un nouvel orifice est apparu sous son aisselle. Elle ne peut plus digérer de nourriture et doit s’alimenter directement de sang, qu’elle pompe par l’intermédiaire d’un dard rétractable logé dans le nouvel orifice. La victime est alors contaminée et développe des symptômes proches de ceux de la rage. Animée de pulsions d’une extrême violence, elle doit à son tour chercher du sang. L’épidémie se répand rapidement, la loi martiale est décrétée. Avec Fast Company, Cronenberg dresse le portrait de Lonnie -Lucky Man- Johnson, un pilote spécialisé dans la course de dragsters et considéré comme une légende dans le milieu. Il sillonne les États-Unis aux côtés de son jeune disciple, Billy -Le Kid- Crocker, nouvelle recrue de l’écurie FastCo, dirigée d’une main de fer par un businessman retors. Déjà soumis à une concurrence acharnée entre eux, les pilotes doivent désormais subir la pression de leurs sponsors, qui envisagent le sport comme une manne financière… A priori très éloignées l’une de l’autre, les œuvres du coffret s’inscrivent pleinement dans la filmographie du cinéaste : aux corps mutilés de Rage répondent, avant Crash (1996), les bolides survitaminés de Fast Company, sur lesquels David Cronenberg vient projeter ses obsessions pour les mutations technologiques, la violence et la sexualité. Cependant, Fast Company est un ovni ou une parenthèse dans la carrière de Cronenberg qui a accepté, ici, une commande par passion pour le sport automobile ! Parmi les nombreux suppléments du coffret, on trouve un entretien (21 mn) avec le réalisateur qui considère Rage comme son premier film ambitieux et complexe, à l’impact déterminant sur sa carrière ou Joe Blasco, les années Cronenberg (27 mn) sur un spécialiste des effets spéciaux de maquillage qui a travaillé sur Frissons et Rage. (Carlotta)
Salaire PeurLE SALAIRE DE LA PEUR
A Las Piedras, au coeur de l’Amérique centrale, un groupe d’aventuriers, de différentes nationalités- Allemands, Français, Italiens, Espagnols- restent sans travail alors qu’une compagnie pétrolière américaine exploite la seule richesse de la région. Exilés volontaires, recherchés par la police ou sans le moindre sou, ils ne peuvent sortir de cet enfer et attendent le miracle qui leur permettra de fuir… Quand Jo, un dur à cuire français, débarque, il se lie d’amitié avec son compatriote Mario qui renonce à séduire la fragile Linda. A la suite de l’incendie d’un puits de pétrole à 500 km de là, la compagnie américaine décide d’engager quatre hommes prêts à tout pour acheminer la nitroglycérine nécessaire pour éteindre le brasier. Jo et Mario sont choisis ainsi que l’Italien Luigi et l’Allemand Bimba. Les quatre hommes partent avec des camions usagés avec un chargement d’explosif sensible au moindre choc… C’est Pierre Lazareff, le mythique patron de France-Soir, qui donne à Henri-Georges Clouzot Le salaire de la peur, le roman de Georges Arnaud paru en 1949. Le cinéaste se rappelle que, lors d’une visite au Brésil d’où son épouse Véra est originaire, il avait constaté que les grands groupes pétroliers volaient sans retenue les ressources naturelles de l’Amérique du Sud. Ainsi il décide d’adapter Le salaire de la peur pour le grand écran. Il songe à Jean Gabin pouyr incarner Jo. Mais Gabin refuse. On songe aussi à Gérard Philipe et à Serge Reggiani mais ce sont finalement Charles Vanel et Yves Montand qui endosseront les maillots de corps de Jo et Mario. Par ailleurs, Folco Lulli et Peter van Eyck incarneront Luigi et Bamba. Avec un sens aigu du tempo de son film, Clouzot met en scène une périlleuse odyssée sur les routes défoncées du pays. L’atmosphère devient vite irrespirable. Luigi et Bimba trouvent la mort dans l’explosion de leur camion. Gravement blessé dans un trou d’eau rempli de mazout, Jo succombe à son tour. Seul Luigi réussit à arriver à bon port. Mais, ivre de joie, il perd, sur le chemin du retour, le contrôle de son véhicule et s’écrase dans le précipice. Le tournage du film (dans le sud de la France, notamment en Camargue) sera très chaotique avec deux noyades accidentelles de militaires recrutés pour construire un ponton, des conditions météo défavorables avec de fortes précipitations pendant près de quarante jours. Par ailleurs, Véra Clouzot (Linda) tombera malade tandis que le réalisateur se cassera la cheville… Sorti sur les écrans en avril 1953, le film sera un triomphe avec près de sept millions de spectateurs dans les salles. Le salaire de la peur est enfin le seul film de l’histoire du cinéma à avoir remporté la même année la Palme d’or (alors appelée Grand Prix international) du Festival de Cannes (Charles Vanel y reçoit également le prix d’interprétation masculine) et l’Ours d’or au Festival de Berlin. (Seven Sept)
Diamant BrutDIAMANT BRUT
Téméraire et incandescente, Liane, 19 ans vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour la neuvième saison de l’émission Miracle Island. « Liane n’a pas, dit la cinéaste, le caractère que son physique inspire. Elle est insolente, impulsive, effrontée. Elle vole, se moque de l’autorité, bidouille. Elle empoigne sa vie avec une véhémence presque animale. Et si elle est aussi féroce, c’est qu’elle ne se sent pas aimée. » Agathe Riedinger va alors suivre, au plus près, une jeune fille qui, pour combler ce besoin désespéré d’amour, fait tout pour qu’on la regarde et se tourne vers ce qu’elle pense être sa seule arme : sa beauté. Alors Liane se façonne pour être la plus parfaite possible, peu importe la souffrance physique qui peut en découler. Car sa beauté est une façon de renverser, de prendre le pouvoir : quiconque la regarde la fera exister, quiconque la désire sera, de fait, soumis à elle. Sa beauté lui donne sa valeur et sa dignité. Film sur le regard -qui amène l’attente et le jugement- Diamant brut, dont l’image est superbement travaillée, évoque le regard de la société sur Liane, le regard amour/haine de son public qui la nourrit et aussi le regard de dépit qu’elle a pour ses amies et sur les hommes. Remarquée en 2017 pour le court-métrage J’attends Jupiter dans lequel elle interroge les désirs d’une jeune femme voulant faire de la télé-réalité, Agathe Riedinger entre dans la grande arène du cinéma lorsque Diamant brut, son premier « long » est immédiatement retenu en compétition et en sélection officielle à Cannes. Mais, c’est cependant au Festival interrnational du film francophone de Namur que le film obtiendra le prix de la critique et Malou Khebizi le prix d’interprétation féminine. Dans la poursuite effrénée d’un rêve où l’apparence règne en maître, Liane se sent écrasée par la société et a conscience de subir un certain mépris de classe. Alors finalement, par le clinquant de son corps, elle trouve un moyen de se dérober à la réalité, une façon de se sauver, de ne pas s’avouer vaincue. « Si je suis belle, je suis regardée. Si je suis regardée, je suis désirée. Si je suis désirée, c’est qu’on m’aime. » L’amalgame de Liane est si radical qu’elle s’est enfermée dans un paradoxe : elle a un terrible besoin d’amour, mais n’a pas suffisamment confiance pour en recevoir. Même si elle porte un regard tendre sur ses personnages, la réalisatrice distille un regard critique sur l’aliénation qui les menace à travers un diktat qui suppose que l’estime de soi est dans la puissance, et la puissance dans l’argent et la beauté. Enfin Diamant brut bénéficie de l’impressionnante interprétation de Malou Khebizi qui fait de Liane une guerrière toujours prête à bondir. L’envers de la télé-réalité ! (Pyramide)
Michel LegrandIL ETAIT UNE FOIS MICHEL LEGRAND
Entrant au Conservatoire de Paris à seulement 10 ans, Michel Legrand va très vite s’imposer comme un surdoué de la musique. Trois Oscars et 75 ans plus tard, il se produit pour la première fois à la Philharmonie de Paris devant un public conquis. De la chanson jusqu’au cinéma, ce véritable virtuose n’a jamais cessé de repousser les frontières de son art, collaborant avec des légendes comme Miles Davis, Jacques Demy, Charles Aznavour, Barbara Streisand ou encore Natalie Dessay. Son énergie infinie en fait l’un des compositeurs les plus acclamés du siècle, dont les mélodies flamboyantes continuent d’enchanter l’oreille. Le tournant des années 1960 et l’émergence de la Nouvelle Vague vont ancrer définitivement Michel Legrand dans le monde de la musique de film pour donner, à terme, plus de 200 bandes originales de films. Il travaille pour Agnès Varda (Cléo de 5 à 7 en 1962), Jean-Luc Godard (Une femme est une femme en 1961, Vivre sa vie en 1962 et Bande à part en 1964) et surtout Jacques Demy (Lola en 1961, Les parapluies de Cherbourg en 1964, Les demoiselles de Rochefort en 1967, Peau d’âne en 1970) avec qui il invente la comédie musicale à la française. En 1966, après avoir été nommé aux Oscars pour son travail sur Les parapluies de Cherbourg, il décide d’aller tenter sa chance à Hollywood et s’installe à Los Angeles. Ses amitiés avec Quincy Jones et Henry Mancini l’aident grandement à se faire une place dans ce milieu hautement concurrentiel. Au total, trois statuettes viendront récompenser ce parcours. 1969 : meilleure chanson originale pour The Windmills of Your Mind dans L’affaire Thomas Crown, 1972 : meilleure musique de film pour Un été 42 et 1984 : meilleure adaptation musicale pour Yentl. Véritable génie de la musique, Michel Legrand était un compositeur, arrangeur, pianiste, chanteur et chef d’orchestre à la carrière exceptionnelle. Passionné de musique classique et de jazz dès son adolescence, cette sensibilité deviendra sa marque de fabrique. Authentique et passionnant, le film de David Hertzog Dessites retrace à merveille l’histoire de cet immense artiste et révèle toute la richesse d’une vie dédiée à la musique. Le cinéaste, qui a pu filmer Michel Legrand dans son métier et son intimité pendant les deux dernières années de sa vie, donne un documentaire très complet avec de nombreuses images d’archives, sur scène ou dans sa vie privée, ainsi que des témoignages de proches. Présenté à Cannes Classics 2024, voici un beau moment de bonheur musical dans un coffret collector (trois disques) enrichi de bonus comme Michel Legrand vu par… : interviews avec de nombreuses célébrités et proches de Michel Legrand (32 min) ou Le film du film, de celui qui fait le film du film ! Une plongée dans les coulisses du film (48 min). (Blaq Out)
Requiem DreamREQUIEM FOR A DREAM
Harold Goldfarb, alias Harry, son meilleur ami Tyrone et sa petite amie Marianne passent leurs journées à se droguer à l’héroïne et à s’inventer un paradis artificiel, où ils se sentent invulnérables et heureux, Harry savourant de surcroit avec Marianne le plaisir des sens. Sara, la mère d’Harry, une femme âgée accro au petit écran, passe son temps à récupérer chez le prêteur sur gage le téléviseur qu’Harry y dépose régulièrement afin de se fournir sa came. Malgré tout, Sara aime profondément son fils unique qui le lui rend bien. Harry et Tyrone se lancent dans le trafic de drogue afin de pouvoir acheter un magasin pour Marianne qui veut être styliste de mode. Leur revente de drogue est une réussite et les trois amis consomment de plus en plus. Sara pense être bientôt invitée à son émission favorite. Afin de rentrer dans son ancienne robe rouge quand le grand jour sera venu, elle décide de commencer un « régime ». Elle consulte un médecin qui lui prescrit des pilules amaigrissantes qui sont en fait des amphétamines qui lui apporteront dans un premier temps euphorie, désinhibition et bien-être. Sara devient dépendante des amphétamines. Harry s’en aperçoit et tente brièvement de raisonner sa mère. Une guerre des gangs asséchant brutalement le marché local de la drogue, il doit rapidement faire face à son propre manque et à celui de Marianne… Vingt-cinq ans après sa sortie en salles, Requiem for a Dream n’a rien perdu de son impact et continue de fasciner les spectateurs. D’une puissance émotionnelle rare, son exploration magistrale de la dépendance et surtout de l’aliénation reste à ce jour l’une des plus impressionnantes. Avec Ellen Burstyn (Sara), Jared Leto (Harry), Jennifer Connelly (Marianne) et Marlon Wayans (Tyrone), l’interprétation est excellente et la mise en scène de Darren Aronofsky réussit prodigieusement à créer le malaise. Un beau coffret, avec une restauration en 4K, incluant des suppléments, notamment l’interview d’Ellen Burstyn (16 min), Sur le tournage en 1999 (5 min) et la bande-son de Requiem… (17 min) ainsi qu’un livre (90 pages), des cartes postales, une affiche… (Bubblepop)
DahomeyDAHOMEY
En novembre 2021, vingt-six trésors royaux du Dahomey s’apprêtent à quitter Paris et le musée du quai Branly pour être rapatriés vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. Avec plusieurs milliers d’autres, ces œuvres furent pillées lors de l’invasion des troupes coloniales françaises en 1892. Mais comment vivre le retour de ces ancêtres dans un pays qui a dû se construire et composer avec leur absence ? Tandis que l’âme des œuvres se libère, le débat fait rage parmi les étudiants de l’université d’Abomey Calavi… Ils s’interrogent sur le fait de s’exprimer en Français, la langue du colonisateur, sur les visées politiques de cette restitution (propagande des présidents Macron et Patrice Talon?), le statut de ces objets dans un pays où la muséographie est inexistante… Récompensé de l’Ours d’or 2024 à la Berlinale, Dahomey est un documentaire fantastique qui, à travers ses statues vivantes, réussit le pari d’être aussi un film politique poignant. Fondé au 17e siècle, le royaume africain du Dahomey était à l’époque une puissance considérable. Mais lorsque les troupes coloniales françaises l’envahissent, les villes et les palais sont pillés, et de nombreuses œuvres d’art sont saisies. Connue pour Atlantique, grand prix du festival de Cannes 2019, qui évoquait, de manière fantastique, le désœuvrement de la jeunesse de Dakar, la cinéaste franco-sénégalaise Mati Diop passe, ici, de la fiction au documentaire pour aborder de façon originale le sujet brûlant de la restitution d’objets du patrimoine africain, et le douloureux passé colonial qui y est associé. Mais Dahomey dépasse le simple documentaire. En intégrant des éléments fantastiques, le film se situe à la frontière de la fiction. Cette voix mystérieuse par laquelle s’exprime les œuvres leur confère force et dignité, et plonge le spectateur dans une étrange atmosphère. Multipliant les idées de montage, d’image et de mise en scène, le film s’avère une expérience unique et une véritable merveille de lyrisme. Elle montre comment, en retrouvant son héritage, un peuple peut retrouver son âme, mais elle s’interroge aussi : comment peut-on mesurer la perte de ce que l’on n’a pas conscience d’avoir perdu ? Un voyage cinématographique très poétique ! (Blaq Out)
LimonovLIMONOV, LA BALLADE
Tout à la fois militant, révolutionnaire, dandy, voyou, majordome ou sans abri, il fut un poète enragé et belliqueux, un agitateur politique et le romancier de sa propre grandeur. La vie d’Edouard Limonov, comme une trainée de soufre, est un voyage à travers les rues agitées de Moscou et les gratte-ciels de New-York, des ruelles de Paris au cœur des geôles de Sibérie pendant la seconde moitié du XXe siècle. « Jeune homme, se souvient Kirill Serebrennikov, je lisais son journal « Limonka » qui était très populaire notamment auprès de la jeunesse, pour son côté non conformiste, alternatif. La vie de Limonov s’est déroulée sous nos yeux, en quelque sorte. C’est son courage, sa manière d’être différent de tous les autres qui produisaient sur moi une grosse impression. Mais, en m’intéressant à lui de plus près et en suivant son évolution politique, mon regard a changé. Son parti, le Parti national-bolchévique, fondé en 1993, donnait en fait un avant-goût du fascisme et de ce qu’allaient devenir les fascistes russes. » C’est en lisant Limonov, le livre d’Emmanuel Carrère, paru chez P.O.L. en 2013, que le cinéaste russe décide, avec Paweł Pawlikowski et Ben Hopkins, de s’atteler au scénario de cette œuvre très rock et libre à l’image même de son sujet. Après avoir mis en scène la descente aux enfers de La femme de Tchaïkovski (2022), le virtuose Serebrennikov se lance à nouveau, en mêlant tous les formats, la couleur et le noir et blanc, dans une aventure visuelle très riche avec des reconstitutions du New York des années 70 mais aussi de l’URSS des années 60 et 70 puis de celle des années 90. Le tournage sera interrompu par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et amènera ses producteurs à reprendre l’aventure en Europe. De son personnage, le cinéaste dit qu’il est controversé et contradictoire… « Ce sont les mots-clefs pour comprendre Limonov. Encore une fois, je ne parle pas du personnage historique, mais de mon personnage, le Eddie lyrique. Comme le dit Emmanuel Carrère, c’est un héros de roman, qui n’a aucun sens moral, et en même temps il a quelque chose de poétique. C’est un poète alternatif, amoureux, passionné… qui devient militariste, impérialiste, fasciste… Il se met à haïr le monde entier à cause de la perte de son grand amour Elena, et parce qu’il n’arrive pas à avoir la gloire à laquelle il aspire. C’est véritablement un anti-héros, une sorte de « Joker » russe. » Enfin Serebrennikov a confié son personnage central à l’acteur britannique Ben Whishaw. L’interprète de Jean-Baptiste Grenouille dans Le parfum (2006), de Q dans Skyfall (2013) et de la voix de Paddington, réussit ici une composition exceptionnelle ! (Pathé)
Full River RedFULL RIVER RED
Dans quelques heures, dans la Chine du 12e siècle, va se tenir une rencontre diplomatique d’une importance cruciale entre Qin Hui, chancelier de la dynastie Song, et une délégation Jin de haut rang. Or voilà qu’à la veille des pourparlers, le diplomate Jin dépêché sur place est assassiné et la lettre destinée à l’Empereur dérobée. Le chancelier demande alors au caporal Zhang Da (Shen Teng), escorté par le commandant en second Sun Jun, de ramener la précieuse missive avant le lever du soleil. Au fil de leurs recherches, des alliances vont se former et des secrets seront révélés… Zhang Yimou est l’une des figures marquantes du cinéma chinois des années 80-90. Après avoir été directeur de la photographie pour Chen Kaige sur ses deux premiers films (Terre jaune en 1984 et La grande parade en 1986), il réalise son premier long métrage Le sorgho rouge qui lui vaut d’emblée l’Ours d’or au Festival de Berlin en 1988. La plupart du temps en compagnie de la comédienne Gong Li, le cinéaste, aujourd’hui âgé de 73 ans, va enchaîner des fresques marquées par la grande beauté des images et par la critique sous-jacente des modèles historiques chinois (la féodalité impériale, la révolution culturelle, la république de Deng Xiaoping…). Ainsi on le verra souvent à Cannes, notamment avec Judou (1990) ou Vivre ! qui obtient, en 1994, le Grand prix mais aussi à la Mostra de Venise avec Epouses et concubines (1991) ou Qiu Ju, une femme chinoise qui décroche le prestigieux Lion d’or. Si on a moins entendu parler ensuite de Zhang Yimou (hormis une présence cannoise en 2004 avec Le secret des poignards volants), le réalisateur n’a pas cessé de tourner. Autour de meurtres, de trahisons et de complots politiques, Full River Red, avec une approche… shakespearienne, mêle enquête policière et intrigues de cour sur fond de comédie. Le réalisateur de Hero (2002) dynamite le film historique grâce à une mise en scène ultra-rythmée et un subtil travail sur les tonalités gris-bleu, faisant de ce whodunit en huis clos un véritable tour de force visuel et narratif. Énorme succès au box-office chinois, Full River Red, qui sort pour la première en Blu-ray, est considéré, à juste titre, comme l’une des plus grandes réussites du cinéaste. C’est en tout cas, un divertissement spectaculaire haut de gamme qui ne craint pas un certain lyrisme nationaliste. (Carlotta)
HereticHERETIC
Deux jeunes missionnaires de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours d’une petite ville de banlieue dans le Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, ces sœurs mormones décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant M. Reed qui les accueille, les invite à entrer pour s’abriter du mauvais temps et leur assure que sa femme prépare une tarte aux myrtilles à l’arrière de la maison. Ils commencent à discuter de religion, Reed faisant plusieurs remarques gênantes sur leur foi et la nature de la croyance. Très vite, les timides sœurs Barnes et Paxton réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. Lorsque Reed sort de la pièce, Barnes réalise que l’odeur de tarte aux myrtilles provient d’une bougie, que la porte d’entrée est verrouillée et qu’il n’y a pas de réseau téléphonique. Elles suivent Reed dans son bureau, où il leur fait un sermon menaçant, arguant que toutes les religions sont des adaptations les unes des autres et prétendant avoir trouvé la seule vraie religion. Reed prévient que la porte d’entrée est verrouillée et ne s’ouvre pas. Il leur propose deux portes pour sortir de la maison: une si elles croient encore en Dieu, et une autre si elles n’y croient plus. Barnes se rebelle, répudiant plusieurs de ses affirmations. Ils entrent par la porte « Croyance », mais découvrent que les deux portes mènent au même donjon. Scénaristes de Sans un bruit (2018), gros succès en salles et réalisateurs de Haunt (2019) puis de 65 : la terre d’avant (2023), Scott Beck et Bryan Woods passent à nouveau derrière la caméra pour un sujet qui intéresse beaucoup de monde : la religion. Il s’attachent à montrer comment la foi peut être une source de réconfort et de soutien, mais comment elle peut aussi tromper et basculer dans la folie lorsque le dogme et les textes sacrés sont brandis dans un but machiavélique. Comme la maison de Reed est un véritable labyrinthe où les deux missionnaires ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie, Heretic vaut par son décor avec ses petites fenêtres, ses portes verrouillées et ses couloirs trompeurs, un espace qui porte l’empreinte de Reed, un domaine lugubre aux multiples méandres, à l’image de son esprit. Enfin, ce thriller horrifique est porté par un Hugh Grant qui semble savourer pleinement le contre-emploi. Le séducteur enjoué et romantique de Quatre mariages et un enterrement (1994), Coup de foudre à Notting Hill (1999), Love Actually (2003) et de trois volets de la saga Bridget Jones incarne le sournois Reed qui adore jouer les iconoclastes et mettre à l’épreuve la foi des autres. A ses côtés, Chloé East (vue dans Les Fabelmans de Spielberg) est sœur Paxton et Sophie Thatcher sœur Barnes. Les deux comédiennes ont été élevées dans la foi mormone avant de s’en détourner à l’adolescence. (Le Pacte)
Kafka Dernier EtéKAFKA LE DERNIER ÉTÉ
À l’été 1923, au bord de la Baltique, Franz Kafka va mieux. L’air de la mer lui fait du bien. C’est dans la station balnéaire où il séjourne qu’il rencontre Dora Diamant, une institutrice du foyer juif de Berlin. Il en tombe amoureux et est payé de retour. Le célèbre écrivain le sait, tout s’oppose à cette idylle : sa santé déclinante, son spleen chronique, la mainmise de son père sur sa vie. Mais auprès de la jeune femme, Franz retrouve le goût d’écrire et l’envie de profiter de chaque minute. Comme pour faire du temps qu’il lui reste un grand chef d’œuvre. Franz décide de s’installer dans la capitale. Ce qu’il fait malgré l’opposition de sa famille. Dora le rejoint dans son petit appartement le plus souvent possible, malgré la surveillance de la logeuse. Avec elle, il goûte enfin un peu de bonheur conjugal, alors qu’il ne croyait plus la chose possible. Mais le rigoureux hiver berlinois réactive sa tuberculose et son état se détériore. Soutenu avec constance par Dora et par son ami Max Brod, il s’éteint au sanatorium de Kierling à l’âge de 40 ans le 3 juin 1924. Dora ne l’oubliera jamais et Max contribuera à sa gloire posthume. Surtout connu pour ses romans Le Procès, L’Amérique et Le Château, ainsi que pour les nouvelles La Métamorphose et La Colonie pénitentiaire, Franz Kafka (1883-1924) a donné une œuvre caractérisée par une atmosphère cauchemardesque, sinistre, où la bureaucratie et la société impersonnelle ont de plus en plus de prise sur l’individu. Celui qui disait « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois » a volontiers été représenté au cinéma, notamment par Steven Soderbergh dont le Kafka (1991) était incarné par Jeremy Irons. Ici, ce sont les réalisateurs allemands Judith Kaufmann et Georg Maas qui évoquent l’atmosphère mélancolique et sensible des derniers mois de l’un des écrivains majeurs du 20e siècle. Franz Kafka a la quarantaine et il souffre gravement de tuberculose. Dora, 25 ans (Henriette Confurius) est la vie même et elle va apporter à Franz un sentiment amoureux puissant qui fera de leur rencontre un moment d’émerveillement. Avec sobriété et une agréable justesse de ton, le duo de cinéastes montrent une passion amoureuse naissante et vibrante confrontée au profond spleen de l’écrivain incarné par le comédien Sabin Tambrea dont le regard fiévreux convient bien à Kafka. Die Herrlichkeit des Lebens (en v.o.) est le portrait intime d’un artiste bouleversé par le merveilleux d’un grand amour qui lui offre un ultime souffle avant que la maladie ne l’emporte. (Condor)
Travaux HerculeLES TRAVAUX D’HERCULE
Roi d’Iolcos, Pélias fait venir Hercule à sa cour pour lui confier l’éducation de son fils, Iphitos. A cette occasion, Hercule croise Iole, la fille du roi (Sylvia Koscina), dont il tombe immédiatement amoureux. Jaloux de la force de son précepteur, Iphitos trouve la mort en affrontant le lion de Némée. Pélias envoie alors Hercule combattre le taureau de Crète. Mais le trône de Iolcos revient de droit à Jason, l’héritier légitime, Pélias n’étant qu’un fourbe usurpateur. Hercule va s’embarquer avec Jason sur l’Argos à la recherche de la Toison d’or afin de l’aider à reconquérir son royaume. En 1958, Pietro Francisci met en scène Hercule le héros mythologique de la Grèce antique, dans des aventures qui s’inspirent librement des Argonautiques, un poème sur l’expédition des Argonautes, écrit par Apollonius de Rhodes, poète du IIIe siècle avant Jésus-Christ et directeur de la bibliothèque d’Alexandrie. Le cinéaste italien (1906-1977), déjà réalisateur de La reine de Saba (1952) et Attila, fléau de Dieu (1954), sera considéré comme le père du peplum des années 50-60. On s’en doute, Francisci interprète la mythologie grecque de manière assez libre, l’objectif étant de faire avant tout du spectacle. Evidemment la critique fait la moue devant cette mythologie de bas étage mais le public s’enthousiasme pour ces récits épiques « d’épée et de sandale ». Immense succès en Italie, dans le reste de l’Europe et aux États-Unis, Les travaux d’Hercule lança la la mode des peplums peuplés de gaillards spécialement musclés. Aux Etats-Unis, Francisci avait remarqué le physique avantageux du culturiste américain Steve Reeves (1926-2000), vainqueur du concours Mister Univers en 1950. Il l’invite à venir en Europe pour incarner Hercule. A cette époque, Reeves, même s’il n’est pas un comédien accompli, est, avec Sophia Loren, l’acteur le mieux payé d’Italie. Contraint de prendre prématurément sa retraite à cause d’une blessure à l’épaule, Reeves ouvrira la voie, dans le peplum, à d’autres culturistes comme Ed Fury, Reg Park ou Mark Forest… On se souvient évidemment de la scène finale où, lançant de lourdes chaînes autour des colonnes, Hercule fait s’écrouler la façade du palais sur les chevaliers du méchant Pélias. Dans les suppléments, on trouve Hercule déchaîné, un entretien avec le comédien italien Willy Colombini, interprète de Pollux ainsi qu’un livret (64 pages) sur Steve Reeves conçu par Emmanuel Rossi. Le premier et mythique Hercule ! (Artus Films)
Nuit MaléficesLA NUIT DES MALEFICES
Dans l’Angleterre du 18e siècle, Ralph Gower, un jeune homme, affirme avoir vu la marque du diable dans un champ qu’il labourait. Il décrit un crâne humain déformé recouvert d’une étrange fourrure. Pourtant, très cartésien, le juge du comté refuse de le croire. Mais, rapidement, des événements anormaux se produisent dans la bourgade. Des jeunes filles se retrouvent couvertes de morceaux de peau brune poilue et les villageois sombrent dans la démence en se mutilant ou en commettant des meurtres. Une adolescente pieuse, Angel Blake (Linda Hayden), semble être à la solde de Satan et se livre à des sabbats et des orgies sataniques en ramenant à sa cause la grande majorité des enfants et adolescents du village. Face à ce chaos, le juge (Patrick Wymark) comprend qu’il faudra abattre une bête démoniaque responsable de cette folie pour arrêter ce cauchemar. Alors que le filon de l’horreur gothique commence à s’épuiser, le cinéma d’horreur britannique voit émerger, au début des années 70, un nouveau genre : celui de la Folk Horror. Considéré avec The Wicker Man (1973) et Le grand inquisiteur (1968) comme l’un des films emblématiques du genre, La nuit des maléfices (1971) plonge le spectateur au cœur d’un village rural isolé de l’Angleterre puritaine, durant le siècle des Lumières. À cette époque, la société est alors partagée entre obscurantisme et modernité, entre le mouvement naissant des intellectuels, et les croyances et superstitions de la population. Avec ses cultes démoniaques et ses incantations sexuelles, le film de Piers Haggard, qui s’appuie sur une belle photographie de Dick Bush, distille une atmosphère maléfique par le comportement des personnages entre violence, mutilations, rituels orgiaques et course à la pureté. Dans la Collection angoisse, le film est accompagné d’un entretien (42 mn) avec Olivier Père, directeur de l’Unité Cinéma d’Arte France et d’un livret Sous le Soleil de Satan (24 pages) conçu par Marc Toullec. (Rimini Editions)
Venus FourrureLA VENUS EN FOURRURE
Pour travailler à l’écriture de son prochain livre, Séverin s’est installé dans un hôtel au bord d’un lac. C’est là que débarque Wanda, un mannequin au pouvoir de séduction hypnotique. Séverin va d’abord espionner discrètement Wanda, qui aime se promener nue dans son manteau de fourrure tout en rêvant aux premiers et douloureux émois érotiques de son enfance. Il la voit sous la douche ou aller avec des inconnus. Puis Séverin va l’entraîner dans une relation sadomasochiste sulfureuse mais la relation échoue. Séverin se console avec Gracia, la femme de ménage tandis que Wanda rencontre Bruno. Trop humilié par ce rival, Séverin veut guérir sa frustration avec une prostituée qui se révèle être Wanda. Mais il ne pourra supporter cet amour impossible et basculera dans la folie. C’est 1870 que paraît Venus im Pelz (la Vénus à la fourrure en français), le roman érotique de l’écrivain allemand Leopold von Sacher-Masoch (1836-1895) qui se présente comme une autobiographie romancée dans laquelle la femme idéale est avant tout «  une femme de goût, une femme de la haute société, une femme cultivée. (…) Elle est toujours forcément animale sauvage, « Venus ensauvagée d’une fourrure ». C’est la femme aux formes opulentes, au regard froid, aux nerfs d’acier, vêtue de fourrures. Elle porte toujours un fouet à la ceinture, des bottes, très souvent ces bottes sont de maroquin rouge comme celles que portait Handscha, sa nourrice… » D’abord directeur de la photographie (il le fut en 1964 et 1965 pour Sergio Leone dans Pour une poignée de dollars et Et pour quelques dollars de plus), Massimo Dallamano tourne, avec Le malizie di Venere (en v.o.), son troisième long-métrage de fiction qui sort, dans une version 2K restaurée, en coffret digipack Blu-ray/DVD. Sorti en 1969 en Allemagne et en Italie, le film est immédiatement censuré, ne ressortant que six ans plus tard dans une version édulcorée. Loin de tomber dans des dérives pornocrates de voyeurisme, La Venus en fourrure adapte au plus près le roman de Sacher-Masoch, mettant en images les passions perverses d’un jeune couple. Le personnage de Wanda, une « déesse de l’amour en personne » selon l’expression de Sacher-Masoch, va lancer , à 28 ans, la carrière de Laura Antonelli, l’une des vedettes italiennes les plus sensuelles des années 70-80… (Artus Films)
RossosperenzaROSSOSPERENZA
Dans l’Italie des années 90, Zena, 16 ans, fille du médecin du Pape et petite-fille d’un ancien fasciste, est admise à Villa Bianca, un discret établissement qui apparaît comme le dernier recours de la bonne société italienne pour « soigner » les déviances d’une génération aussi cabossée que rebelle. Zena va y croiser trois adolescents avec lesquels elle se lie d’amitié. Marzia est une jeune fille nymphomane, Alfonso, un jeune homosexuel fantasque, et Adriano, un garçon enfermé dans un mutisme attachant et terrorisant. Sorti en 2024, Rossosperenza est une tragi-comédie politique, poétique et surréaliste dans laquelle la cinéaste italienne Annarita Zambrano, pour son second long-métrage, a mis beaucoup d’elle-même. Avec ce récit aussi audacieux que foutraque, jubilatoire et cathartique, la réalisatrice s’inspire en effet de son propre vécu pour dénoncer l’emprise du conservatisme sur l’Italie des années 90. Dans les suppléments du dvd, la cinéaste avoue qu’elle a pris le parti d’un cinéma qui ne s’embarrasse pas vraiment d’écriture tout en flirtant autant avec le cinéma de genre en adoptant les codes du giallo et en y greffant une dimension queer. Avec quatre solides freaks, enfermés dans une maison de redressement, qui cherchent par tous les moyens et notamment par la musique, à s’arracher à la bienséance prônée par leur classe sociale, Annarita Zambrano replonge dans les turbulentes années 90 italiennes pour dire l’importance de défendre sa singularité, sa liberté et sa dignité, face à la famille « respectable », à la violence bourgeoise et hétéropatriarcale. Dans une atmosphère propice au rassemblement des corps, le film raconte les aventures d’un groupe d’adolescents nés avec une cuillère d’argent dans la bouche mais en total état de rébellion face à un présent auquel ils ne veulent plus appartenir. Très sociopathe, Zéna (Margherita Morellini) a tenté de tuer à l’insecticide anti-cafards un évêque ami de sa famille. Malgré son père démocrate-chrétien, Alfonso (Leonardo Giuliani) n’a pas l’intention de réprimer son homosexualité. Tout en rêvant de devenir un enfant-star à la télé, Marzia (Ludovica Rubino) séduit des adultes riches convaincus de pouvoir obtenir tout ce qu’ils veulent… Si les tristes héros sont plutôt inquiétants, les éducateurs qui tentent de les ramener dans le « droit chemin » sont, eux, complètement grotesques. Une rude allégorie d’un monde décadent. (Blaq Out)

 

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