LES AVENTURES DE JIM, AYMERIC, MASSAMBA, MATI ET CHRISTIANE F.

Roman JimLE ROMAN DE JIM
C’est l’histoire d’Aymeric, un jeune type qui vit tranquillement dans son coin perdu de province, du côté du Haut-Jura. Une existence sans heurts même si, entraînés par des copains un peu voyous, il s’est laissé embarquer dans le cambriolage d’une villa qui lui valut une paire de mois derrière les barreaux… L’existence d’Aymeric bascule lorsqu’au hasard d’une soirée à Saint-Claude, il croise Florence, une ancienne collègue de travail. Ils se reconnaissent et sont ravis de se revoir. En riant, elle lui dévoile son ventre rond. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Aymeric et Florence décident de vivre ensemble sur les hauteurs verdoyantes du Jura. « Qui va s’en occuper de ce loustic ? » interroge Monique, la mère de Florence. « Ben, moi… Avec celui qui sera là quand il sortira. » Quand Jim nait, Aymeric est bien là. Commencent alors de belles années où Jim et Aymeric sont ensemble, jouent, s’amusent, fraternisent au point que, pour le gamin, Aymeric ne peut être un autre que son père. Jusqu’au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque… C’est un homme complètement cabossé -il a perdu sa femme et ses deux filles dans un accident- que Florence accueille puis, petit à petit, installe chez eux. Tout en s’inquiétant confusément, Aymeric donne le change. N’avait-il pas répondu à Jim qui lui demandait pourquoi ils n’avaient pas le même nom, « Nous avons décidé de ne pas faire les choses comme tout le monde ». Arnaud et Jean-Marie Larrieu, avec leur 9e long-métrage, signent une comédie dramatique qui semble réunir les codes du mélo, à cette nuance près, mais elle est capitale, qu’il n’y a aucun côté « tire-larmes » dans Le roman de Jim. Bien, au contraire, le film repose sur une émotion aussi forte que contenue pour traiter, avec finesse et tendresse, d’une vraie odyssée de la paternité. Le scénario s’appuie, autour donc du thème de la paternité, sur l’adaptation du roman éponyme de Pierric Bailly (paru en 2021 aux éditions P.O.L.) Dans un récit qui s’étend sur presqu’un quart de siècle, entre la naissance de Jim et son (jeune) âge adulte, les Larrieu jouent avec le plaisir de l’ellipse et le spectateur est amené à reconstruire ce qui est arrivé, à deviner ce qui va survenir, à s’interroger évidemment sur les liens du sang et les liens du coeur. Au centre du récit, il y a la figure d’Aymeric qui vit de beaux moments avec ce fils qu’il a fait sien, avant de se voir « dépouiller » de cette paternité, de devoir assumer cette perte, de se reconstruire dans une autre vie et enfin de renouer -douloureusement- le fil avec Jim. Si le film est une belle réussite, c’est aussi parce que les frères ont peaufiné de superbes personnages. Florence (Laetitia Dosch) est une mère qui fait des choix de vie atypiques qu’elle défend avec aplomb. Christophe est incarné tout en fragilité par Bertrand Belin qui signe aussi, ici, en conjointement avec Shane Copin, une bonne musique originale. La lumineuse Olivia (Sara Giraudeau) apporte un vent frais dans le quotidien d’Aymeric.. Enfin, Karim Leklou trouve, avec ce rare, au cinéma, garçon gentil (mais pas benêt) qu’est Aymeric, l’un des plus beaux rôles de sa carrière. Un personnage tout en justesse, délicatesse, tendresse et résilience. Il faut voir le regard d’Aymeric chavirer lorsqu’il entend, au téléphone, le petit Jim dire : « C’est toi, mon vrai papa ! » (Pyramide)
AAANiChainesNiMaitresBVNI CHAINES, NI MAITRES
1759. Isle de France (l’actuelle île Maurice). ​Massamba et Mati, esclaves dans la plantation d’Eugène Larcenet, vivent dans la peur et le labeur. Lui rêve que sa fille soit affranchie, elle de quitter l’enfer vert de la canne à sucre. Une nuit, elle décide de s’enfuir. Elle sera traquée sans relâche par Madame La Victoire. Massamba n’a d’autre choix que de s’évader à son tour. Par cet acte, il devient un « marron », un fugitif qui rompt à jamais avec l’ordre colonial. Scénariste chevronné (il a notamment signé le thriller aéronautique Boîte noire (2021) de Yann Gozlan et le thriller « agrochimique » Goliath (2022) de Frédéric Tellier), Simon Moutaïrou passe, ici, pour la première fois à la réalisation. « Instinctivement, explique le cinéaste, je savais que mon premier film traiterait de l’esclavage. Avec du recul, je comprends que cet appel venait de loin. Adolescent, j’ai été profondément marqué par une vision : celle d’une immense porte de pierre rouge face à l’océan. Elle se dresse sur le rivage de la ville côtière de Ouidah, au Bénin, le pays de mon père. Elle se nomme La Porte du Non-Retour. C’est ici que des familles entières étaient arrachées au continent et déportées vers des horizons inconnus. » Lors d’un séjour à Maurice, Moutaïrou va trouver un des grands décors de son film, en l’occurrence le monolithe du Morne Brabant, et entendre le récit de l’un des mythes locaux liés à la période coloniale française de l’île Maurice, faisant état d’un suicide collectif d’esclaves marrons au sommet de ce monolithe, point culminant de l’île. Ayant trouvé un ultime refuge en ce lieu, ces derniers, pourchassés par des soldats et des chiens, choisissent d’y mourir en se jetant du haut de la falaise plutôt que se laisser capturer… Tourné presqu’entièrement en extérieurs, Ni chaînes, ni maîtres, axé sur le thème du marronnage, raconte une terrible traque dans les tréfonds de la nature sauvage et jusque sur les rives de l’océan. Massamba et sa fille Mati, esclaves dans la plantation d’Eugène Larcenet, connaissent les règles. Et d’ailleurs Larcenet ne se prive pas de les annoncer haut et fort. En cas de fuite, le marron est marqué de la fleur de lys. S’il récidive, il aura les oreilles et les jarrets coupés. Et la troisième fuite se soldera par la mort. Massama semble avoir renoncé à toute velléité d ‘évasion. Mati, elle, est prête à tout pour conquérir sa liberté. Bientôt père et fille seront pourchassés par une impitoyable chasseuse d’esclaves engagée par Larcenet. Le personnage de Madame La Victoire a réellement existé. Elle est décrite par l’écrivain et botaniste Bernardin de Saint-Pierre comme « une grande créole sèche qui allait nus pieds suivant l’usage du canton … (…) Elle allait dans les bois, à la chasse aux Noirs marons ; elle s’en faisait honneur… » Par son aspect quasiment documentaire (la résistance à l’esclavage dans la France du 18e siècle) autant que par sa dimension spectaculaire, Ni chaînes, ni maîtres est une chronique épique qui a le souffle du thriller et du film d’action. Enfin, le cinéaste a constitué un solide casting avec Ibrahima Mbaye (vu dans Atlantique de Mati Diop) dans le rôle de Massama, Thiandoum Anna Diakhere (Mati), Benoît Magimel (Larcenet), Felix Lefebvre (le fils Larcenet) et Camille Cottin (Madame La Victoire). (Studiocanal)
Moi Christiane FMOI, CHRISTIANE F., 13 ANS, DROGUÉE, PROSTITUÉE
Jeune Berlinoise de treize ans, Christiane vit très mal le divorce de ses parents et entretient une relation compliquée avec sa mère. La jeune fille qui habite dans un appartement social d’un immeuble délabré de la périphérie de Berlin-ouest, rêve de s’intégrer à une bande d’amis et de s’en approprier les codes. Lorsqu’elle sort en boîte de nuit pour la première fois, sa descente aux enfers commence. La drogue puis la prostitution vont venir ternir le reste de sa jeunesse. En 1978, Kai Hermann et Horst Rieck, deux collaborateurs du magazine Stern, rencontrent Christiane Felscherinow à la sortie d’un tribunal de Hambourg. Les deux journalistes veulent faire un reportage sur les jeunes SDF en Allemagne, récent phénomène de société à cette époque. Leur enquête durait depuis un an, lorsqu’ils ont rencontré Christiane. Dans le cadre de leur projet, ils comptaient brièvement interroger la jeune fille mais, fascinés par l’histoire de cette adolescente de 15 ans, ils ont continué à l’écouter pendant deux mois d’audition à un rythme de quatre à cinq jours par semaine. L’article se transformera finalement en un livre intitulé Wir Kinder vom Bahnhof Zoo publié en Allemagne en 1979 et qui sera vendu, dans le pays, à cinq millions d’exemplaires. En 1981, le cinéaste allemand Uli Edel va adapter le livre en se concentrant sur sa partie centrale (globalement l’année qui précède son témoignage auprès des reporters), en l’occurrence la chute d’une mineure dans la drogue et la prostitution. Le film, qui révèle la jeune Natja Brunckhorst dans le rôle-titre (dans les bonus, la comédienne revient longuement sur la genèse et le tournage), connaîtra un grand succès dans les salles allemandes (4,6 millions d’entrées) et obtiendra immédiatement un statut de film culte en Europe, en sensibilisant le public aux méfaits de l’addiction à l’héroïne. La popularité du film est accrue par la participation de David Bowie (Christiane F. est une fan du chanteur anglais) dans son propre rôle et en tant que principal contributeur à la bande sonore. Moi, Christiane F. (qui sort dans une édition Blu-ray 4K Ultra HD) offre, en décrivant crûment la vie dans les milieux marginaux de Berlin, une plongée poignante et réaliste dans les réalités sombres de l’existence des jeunes toxicomanes, tout en abordant des thèmes tels que la perte d’innocence, la dépendance et la marginalisation sociale. Même avec le recul, le film d’Uli Edel reste un très intéressant témoignage sur la drogue. Le cinéaste, sans tomber dans le sensationnalisme, détaille, en scrutant les visages crayeux des junkies, les irrémédiables ravages physiques et psychologiques des stupéfiants. Dans le night-club qu’elle fréquente, Christiane F. s’initie d’abord au LSD avant de prendre régulièrement de l’héroïne, quitte à se prostituer pour payer ses doses. Lorsqu’elle tentera, avec son ami et amoureux Detlev, de se sevrer brutalement, l’expérience sera atroce avant la rechute dans la schnouf… Une vision sans concession mais bouleversante! (Metropolitan)
TatamiTATAMI
Excellente judoka, Leila Hosseini veut devenir championne du monde à l’occasion des championnats qui se déroulent à Tbilissi en Géorgie. Cette sportive qui remporte les combats à la suite, est soutenue, chez elle, par son mari, son jeune fils et toute une famille enthousiaste. Les choses se compliquent lorsque Leila pourrait affronter, en finale, Shani Lavi, une judoka israélienne. Maryam Ghanbari, la coach de Leila, reçoit alors un appel téléphonique de la fédération iranienne de judo: Leila doit feindre de s’être blessée et déclarer forfait. Surprise, Maryam finit par transmettre cet ordre à Leila, qui refuse catégoriquement. Les pressions se font de plus en plus fortes sur les deux femmes dont les relations se tendent. Leurs familles restées en Iran sont directement menacées… Premier long-métrage co-réalisé par l’Israélien Guy Nattiv et l’actrice iranienne Zar Emir Ebrahimi, couronnée meilleure actrice à Cannes 2022 pour son rôle dans Les nuits de Mashhad, Tatami se présente comme un thriller politique sportif, résolument féministe qui met en scène le combat d’un athlète iranienne pour son droit à la liberté, tant pour conquérir un titre mondial que pour le respect dû à une femme libre et indépendante. Dans un film qui ne laisse pas le spectateur souffler une seconde, le duo de cinéastes (Zar Emir Ebrahimi incarne aussi le personnage de Maryam, la coach déchirée entre le respect des règles et une évidente soif de liberté) montre comment, autour d’une compétition sportive de haut niveau, le régime iranien, tétanisé à l’idée que Leila Hosseini (l’excellente Arienne Mandi connue pour le rôle de Dani Núñez dans la série The L Word: Generation Q) puisse être battue par une compétitrice israélienne, va mettre en œuvre une véritable machination usant de moyens illicites. Tandis que deux officielles de la Fédération internationale tout comme des journalistes sportifs remarquent que quelque chose cloche, Leila Hosseini, le corps indompté mais meurtri, demeure déterminée dans son choix. Mais, à Téhéran, la police vient arrêter les membres de sa famille… Un film courageux et captivant sur deux femmes en lutte. (Metropolitan)
Prisonniere BordeauxLA PRISONNIERE DE BORDEAUX
Grande bourgeoise de province, Alma, la bonne cinquantaine, attend, dans les locaux d’un centre pénitentiaire, de pouvoir se rendre au parloir pour voir son mari incarcéré. Elle remarque une jeune femme, Mina, qui peste parce que les surveillants ne veulent pas lui donner accès au parloir. Las, la femme s’est trompée de jour. Alma propose de l’héberger pour la nuit dans sa vaste maison en ville. Rapidement, les deux femmes s’engagent dans une amitié aussi improbable que tumultueuse… La réalisatrice Patricia Mazuy a souvent donné, dans ses œuvres, de beaux personnages de femmes. C’est encore le cas, ici, où, 25 ans après Saint-Cyr (1999), elle retrouve Isabelle Huppert qui incarnait, alors, Madame de Maintenon. L’actrice incarne Alma, femme fantasque et parfois déroutante qui semble s’accommoder plutôt bien de l’incarcération de son mari. Autant par jeu que par compassion, elle va faire entrer Mina dans une nouvelle existence. La cinéaste observe comment ces deux femmes ont organisé leur vie autour de l’absence de leurs deux maris détenus au même endroit… Tout en montrant l’univers carcéral avec les maisons d’accueil, les parloirs mais aussi l’attente, les femmes entre elles, la cinéaste s’attache à détailler comment Alma et Mina vont devenir poreuses l’une à l’autre. L’arrivée de la seconde dans la grande maison et dans la vie solitaire de la première catalyse chez Alma la conscience de sa vie misérable dans les dorures et les fleurs. « Métaphore renversée de l’amour, dit la réalisatrice, les dames dehors, les maris en prison. » Avec parfois une allure de comédie italienne pour les « délires » d’Alma, La prisonnière de Bordeaux présente cependant quelques coups de moins bien dans son scénario. Mais tout cela est gommé par le brio de l’interprétation d’Isabelle Huppert qui joue à la perfection la dépression, l’appartenance de classe, l’idée fixe, l’absence ou la folie. Avec sa Mina, Hafsia Herzi (qui venait de croiser Huppert dans Les gens d’à côté de Téchiné) se hisse sans peine à sa hauteur dans un mélange d’amitié, de complicité et d’alliance d’occasion. (Blaq Out)
Langue EtrangereLANGUE ÉTRANGÈRE
Sur le quai de la gare de Leipzig, Fanny, 17 ans, est venue retrouver Léna, sa correspondante allemande pour un séjour linguistique. La première n’ose pas trop parler allemand et la seconde est trop stressée à l’idée de parler français. Heureusement, Susanne, la mère de Léna, maîtrise bien le français, pour avoir vécu quelques années dans le sud de la France… Au fil des premières journées, alors qu’elles se retrouvent régulièrement dans le jacuzzi familial, les deux grandes adolescentes finiront par aller doucement l’une vers l’autre, se découvrant mutuellement et trouvant ensemble un terrain d’entente sentimentalo-sexuel… Fanny embarque aussi la jeune Allemande dans des histoires qui l’impressionnent, ainsi lorsqu’elle lui explique qu’elle a une demi-sœur qu’elle n’a jamais rencontrée et qui milite au sein des black blocs… Découverte avec Party Girl (Caméra d’or à Cannes 2014) co-réalisé avec Marie Amachoukeli et Samuel Theis, Claire Burger dresse un portrait d’une jeunesse européenne. Avec la volonté de faire, moitié à Leipzig, moitié à Strasbourg, un film lumineux qui privilégie un mouvement fluide, Claire Burger réussit à montrer deux jeunes filles à la fois anxieuses et politiquement engagées. Sans jamais lâcher ses deux personnages principaux (Lilith Grasmug incarne Fanny et Josefa Heinsius est Léna), la cinéaste évoque des questions comme les changements de repères et d’idéologies qui ont fait suite à la chute du Mur ou encore, pour les jeunes, des convictions politiques qui passent dorénavant beaucoup par la radicalité. Dans cette mise en perspective de jeunes qui veulent s’incarner politiquement mais qui se sentent un peu impuissants et fantasment la question du politique sans nécessairement rentrer dans un groupe,la réalisatrice laisse une place intéressante aux adultes. Spécialement à deux mères (Nina Hoss et Chiara Mastroianni), encore fortes mais un peu larguées et presque dépressives qui ont été pleine d’espoirs et d’idéaux avant de se faire rattraper et miner par le quotidien matériel, la réalité. (Ad Vitam)
 Beetlejuice BeetlejuiceBEETLEJUICE BEETLEJUICE
Après une terrible tragédie, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par le souvenir de Beetlejuice, Lydia voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid, adolescente rebelle, ouvre accidentellement un portail menant à l’Après-vie. Alors que le chaos plane sur les deux mondes, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne prononce trois fois le nom de Beetlejuice et que ce démon farceur ne revienne semer la pagaille… C’est en 1988 que Tim Burton arrive sur le devant de la scène avec son second long-métrage qui sera un grand succès commercial et critique. Racontant l’histoire Adam et Barbara Maitland, deux jeunes mariés, récemment décédés, qui, devenus des fantômes, viennent hanter leur ancienne maison et font appel à un « bio-exorciste » pour faire fuir ses nouveaux occupants, Beetlejuice (qui gagnera l’Oscar du meilleur maquillage) lancera définitivement la carrière de Michael Keaton dans le rôle de Beetlejuice et révèlera Winona Ryder au grand public. Plus de 35 ans après, Tim Burton, devenu un grand d’Hollywood avec des films comme Ed Wood (1994), Sleepy Hollow (1999), Big Fish (2003), Charlie et la chocolaterie (2005) et évidemment le remarquable Edward aux mains d’argent (1990) remet le couvert avec ce nouveau Beetlejuice qui n’était probablement pas nécessaire mais avec lequel Burton semble prendre un malin plaisir dans le registre horrifique-comique. Tim Burton, que certains auraient voulu enterrer lorsqu’il est allé s’acoquiner avec Disney (Dumbo en 2019), n’a pas perdu la main. Il s’amuse à multiplier les gags mais aussi les clins d’oeil en jouant sur ses propres références. Quant à Michael Keaton, Winona Ryder et Catherine O’Hara, qui étaient de l’aventure de 1988, ils sont de retour ici et prennent, manifestement, plaisir à réveiller le bon Beetlejuice. Après tout, il suffit de prononcer trois fois son nom pour que… (Warner)
Rue ConservatoireRUE DU CONSERVATOIRE
« En 1996, j’ai passé le concours du conservatoire. Je l’ai raté. Il y a un an on m’a demandé d’y faire une masterclass sur le jeu d’acteur au cinéma. J’y suis allée. J’ai rencontré une jeunesse vivante, joyeuse et passionnée. Parmi mes élèves, il y avait Clémence. L’année d’après, elle m’a demandé de filmer leur dernier spectacle. J’ai ressenti son urgence et la peur qu’elle avait de quitter ce lieu mythique. Alors j’ai accepté. En filmant cette jeunesse, j’ai revisité la mienne. » C’est Valérie Donzelli qui évoque ainsi la genèse de son documentaire consacré, à travers la dernière année d’une promo du conservatoire, au portrait de l’une de ses jeunes recrues. La réalisatrice de La reine des pommes (2009), Marguerite et Julien (2015), L’amour et les forêts (2023) et bien sûr de l’admirable La guerre est déclarée en 2010, a raté deux fois le conservatoire. Ironie du sort, elle y retourne trente ans plus tard. A l’occasion d’une master class, elle rencontre Clémence Coullon, comédienne et apprentie metteuse en scène sur le point de (re)monter Hamlet de Shakespeare et soucieuse de garder une trace de cette dernière année de conservatoire. En s’appuyant sur le tournage du court-métrage, Valérie Donzelli se fait le témoin de la vie collective des jeunes comédiens, de leur travail, de leur ardeur, de leurs belles aspirations et aussi du cheminement intime de la création. Est-ce qu’à travers Clémence Coullon qu’on’a vu dans la saison 2 de la série d’Arte En thérapie), Valérie Donzelli observe son propre parcours ? La question mérite évidemment d’être posée. On pense évidemment aussi au travail sur la création menée par Valeria Bruni-Tedeschi dans le récent Les amandiers. En tout cas, la cinéaste nous offre, dans une approche sensible, une belle et riche galerie d’actrices et d’acteurs. Une plongée dans le quotidien des élèves du prestigieux Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris qui est aussi une ode à la jeunesse et à la transmission intergénérationnelle dans le milieu du théâtre. (Diaphana)
BarbaresLES BARBARES
À Paimpont, en Bretagne, la communauté villageoise, menée par son maire, prépare l’accueil d’une famille de réfugiés ukrainiens. Toutefois la personne à l’origine de ce projet doit bientôt expliquer à l’édile qu’en raison de la « pénurie » d’Ukrainiens parmi les réfugiés, la préfecture a pris sur elle de leur envoyer une famille originaire de Syrie. Rapidement, face aux demandeurs d’asile syriens, tous les préjugés et les idées préconçues resurgissent. Dans ce qui est déjà son huitième long-métrage en tant que réalisatrice, Julie Delpy pose une question simple mais brûlante : qui sont les barbares ? Pour traiter cette histoire sur le vivre-ensemble, elle choisit le ton de la comédie sociale, une spécialité bien française. « Bien que nous soyons sur le ton de la comédie, je voulais que tout ce qui se passe dans le film s’appuie sur la réalité. (…). Les Barbares est un film choral où chaque personnage devait exister au-delà de l’image qu’il renvoie de prime abord, chacun possédant une fantaisie plus ou moins secrète. Dans cette histoire les personnages sont très nombreux, réussir à les faire coexister sur le papier a été un travail de longue haleine. » Tourné notamment dans les beaux paysages de la forêt de Brocéliande, le film ne surprend guère malgré tout l’engagement et la bonne volonté de Julie Delpy pour mettre à mal les idées reçues et pointer du doigt les défaillances individuelles autant que collectives face à un sujet, on le sait, très clivant. Si on rit pas aux éclats, l’humour sur les braves gens de la campagne profonde nous arrache des sourires, d’autant que ces clichés sur la ruralité sont illustrés par des comédiens en verve. Outre Julie Delpy elle-même, on croise, ici, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, India Hair, Mathieu Demy, Ziad Bakri, Albert Delpy ou Brigitte Roüan. Du beau monde ! (Le Pacte)
Anzu Chat FantomeANZU CHAT FANTOME
Karin, 11 ans, arrive chez son grand-père, moine dans une petite ville côtière du Japon. Son père, immature, qui est venu demander de l’aide financière au vieil homme, a décidé de lui confier sa fille. Le moine demande alors à son chat Anzu, doué de la parole, de prendre soin de la fillette. Celle-ci va demander au curieux greffier de la conduire à Tokyo sur la tombe de sa mère, disparue trois années plus tôt. Présenté notamment au festival d’Annecy et à la Quinzaine des cinéastes à Cannes 2024, Anzu chat fantôme est l’adaptation d’un manga de Takashi Imashiro dans le cadre d’une collaboration franco-japonaise entre les studios Myu Productions (connus pour Linda veut du poulet) et Shin-Ei Animation. Utilisant la technique de la rotoscopie, le film a été tourné en prises de vue réelles par Nobuhiro Yamashita, pour mieux capturer mouvements et expressions de vrais acteurs, avant d’être ensuite retravaillé en animation par Yoko Kuno. Anzu est certainement, à ce jour, le chat le plus cool du cinéma d’animation nippon. Pour être un esprit (à ce titre, il ne peut mourir), Anzu n’en est pas moins un joyeux drille. Il roule en scooter sans permis, ne quitte jamais son téléphone portable, ne s’embarrasse pas de pisser n’importe où, pète sans vergogne, aime boire des coups, jouer aux machines à sous, dispenser des massages à ses voisins et ne déteste pas en griller une. C’est ce chat joyeusement goguenard et… si humain qui va prendre sous son aile, la petite Karin pour lui permettre de s’éloigner d’une certaine fatalité, de faire le deuil de sa mère et de dire un peu adieu à son enfance. Voici, avec des personnages aux traits épurés et une belle richesse graphique, un beau voyage initiatique à la fois fantastique et déjanté. (Diaphana)
Heureuse ElueL’HEUREUSE ÉLUE
Parfait jean-foutre et rejeton de riches bourgeois, Benoît est, cette fois, vraiment mal barré. S’il a souvent monté des affaires foireuses, cette fois, il se retrouve, ligoté dans un local des pompes funèbres par des malfrats qui se proposent de l’incinérer s’il se rembourse pas ses dettes dans les trois jours. Evidemment, Benoît n’a pas le premier sou des 100 000 euros qu’il doit. Acculé, il appelle sa mère, qui vit à Marrakech, espérant lui soutirer de l’argent. À court d’idées, il lui annonce son mariage avec une mannequin. Planté par la copine qui devait faire office de mariée, il finit par se rabattre sur Fiona, la conductrice de Uber, qui doit l’amener à l’aéroport. Evidemment, Benoît propose de rémunérer Fiona… Connu comme l’interprète du journaliste Franky Ki dans les émissions Groland sur Canal+, Frank Bellocq signe, ici, son second long-métrage comme réalisateur et donne une comédie gentiment déjantée. Evidemment, on ne nous demande pas de croire à cette histoire de mariage organisé en deux temps trois mouvements mais bien de goûter une suite de gags souvent enlevés. D’emblée, la « négo » sur la rémunération de Fiona donne le ton. Et puis Bellocq apporte un soin particulier à ce personnage issu de la banlieue (elle donne du « frérot » ou du « cousin » à volonté) qui rêve d’avoir son salon de coiffure. En attendant, complètement brute de décoffrage, Fiona débarque dans un palace marocain de luxe et sème une certaine tempête sur son passage… Gérard Darmon et Michèle Laroque jouent les parents de Benoît (Lionel Erdogan) mais c’est évidemment l’actrice et humoriste Camille Lellouche qui tient la baraque avec sa Fiona en complet lâcher-prise. Il faut voir comment elle met au pas les insupportables neveux de Benoît ou encore comment elle offre une séance d’épilation assez hot à sa future « belle mère »… Un buddy movie plutôt enlevé. (M6)
AbsolutionABSOLUTION
Un homme vieillissant travaillant pour le mafieux Charlie Conner (l’excellent Ron Perlman dans un petit rôle) découvre qu’il souffre d’une encéphalopathie traumatique chronique, une maladie neuro-évolutive liée à son passé de boxeur. Sachant qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre, il tente d’oublier son passé criminel et de renouer avec sa fille Daisy, qu’il n’a pas vue depuis des années et de rencontrer son petit-fils. Le tueur à gages va par ailleurs devoir affronter plusieurs gangsters d’un clan mafieux adverse. Ah, il en aura joué de ténébreux agents secrets malmenés (la série Taken) et des hommes d’action auxquels il convenait de ne pas venir se frotter, le cher Liam Neeson ! Mais reconnaissons aussi que le comédien nord-irlandais, aujourd’hui âgé de 72 ans, a aussi participé à des films de qualité, qu’il s’agisse de Michael Collins (1996), l’admirable Liste de Schindler (1993), Love Actually (2003) sans oublier, évidemment, Star Wars, épisode 1 : La menace fantôme (1999). Si Neeson a annoncé vouloir prendre sa retraite des films d’action, le voilà donc encore dans une histoire de tueur sans nom, malade et fatigué, qui entend boucler, avec élégance et humanité, la boucle auprès des siens. Le comédien retrouve, ici, le réalisateur norvégien Hans Petter Moland qui l’avait dirigé, en 2019, dans Sang froid, un film d’action où il incarnait un conducteur de chasse-neige bouleversé par la mort de son fils, emporté par une overdose… Ici, son personnage, en quête de rédemption, se pose bien des questions et n’a plus beaucoup à faire. (Metropolitan)
A L'ancienneA L’ANCIENNE
Jean-Jean et Henri, deux amis de toujours vivent sur une petite ile de Bretagne. Lorsqu’ils découvrent que l’un des habitants a gagné le gros lot à la loterie nationale, les deux vieilles canailles se mettent à la recherche du mystérieux gagnant afin de s’assurer ses faveurs avant que la nouvelle ne se répande. Mais lorsqu’ils apprennent que ce dernier est mort, ticket gagnant en main, ils décident d’organiser avec la complicité de tout le village une grande arnaque au loto pour prendre sa place… Révélé comme réalisateur avec Tout ce qui brille (2010) puis remarqué avec Un homme pressé (2018) où Fabrice Luchini incarnait un PDG antipathique qui s’humanise après un AVC, Hervé Mimran signe, ici, une comédie d’escroquerie qui permet à Gérard Darmon et à Didier Bourdon de composer un duo comique et de s’amuser avec deux personnages de crapules… sympathiques. Mais le scénario ne tient pas vraiment la route et la réalisation est plutôt poussive. Si ce film, qui traite d’une certaine manière de la désertification rurale, est une adaptation de Waking Ned Devine (Vieilles canailles en v.f.) un film irlando-anglais de 1998, il n’arrive pas vraiment à reproduire l’habituelle efficacité de la comédie britannique. Reste alors, pour les amateurs, les pitreries du tandem Darmon-Bourdon. (Studiocanal)

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