LES ACTEURS, LES TRAVAILLEURS ET UNE PARENTHESE ENCHANTÉE
LE DEUXIEME ACTE
Dans un petit matin brumeux et triste, un gros type barbu arrête sa voiture dans un coin de campagne. L’homme, manifestement extrêmement stressé, va ouvrir les portes du Deuxième acte, un restaurant au look de Dinner américain, installé au milieu de nulle part. Non loin de là, David et son copain Willy marchent dans cette campagne. David a un gros problème. Il s’estime harcelé par Florence, une fille follement amoureuse de lui. Mais David n’éprouve rien pour elle. Surtout il n’arrive pas à se débarrasser de l’importune. Son idée, c’est de jeter Florence dans les bras de Willy, dragueur, semble-t-il, émérite… Mais Willy flaire un piège. Et si Florence était moche ? Et si Florence était en fait un homme ? Ca, Willy ne le conçoit pas. Pas question pour lui de batifoler avec un mec. Pire, il balance à la figure de David sa bisexualité. David le somme de cesser de suite : « Tu veux qu’on se fasse cancel ! » C’est alors que David s’adresse, hors champ, à l’équipe du film. On a compris que les deux compères sont comédiens et qu’ils tournent un plan dans un film. Tout Le deuxième acte va alors se développer autour de cette dualité entre la vraie vie et l’illusion d’une vie filmée, donc constamment réinventée. Même si, en ces temps délicats dans l’univers du cinéma, ses dialogues paraîtront clivants à d’aucuns, Dupieux peut cependant s’amuser à distiller sa satire sur ce mensonge éminemment séduisant qu’est la fiction. On assiste alors à un jeu souvent savoureux où, par exemple, Guillaume, le père de Florence, s’indigne de la futilité du cinéma alors que le monde n’est plus qu’un grand chaos. Mais le même oublie très vite toutes ces questions lorsqu’il apprend que le brillant cinéaste hollywoodien Paul Thomas Anderson veut l’engager pour sa prochaine production. Ce 13e opus de Dupieux n’est peut-être pas le plus enlevé. Mais le cinéaste peut toujours compter sur des comédiens en verve (Raphaël Quenard, Louis Garrel, Léa Seydoux et Vincent Lindon) qui viennent faire un tour dans son univers déjanté… Enfin, le réalisateur, qui semble toujours travailler avec la décontraction (apparente) d’un joyeux artisan, porte, à notre connaissance, le premier coup cinématographique à une inquiétante évolution qui touche notre société. On parle évidemment de l’IA. Car on apprend que le film qui se fabrique sous nos yeux est produit et réalisé par la fameuse Intelligence artificielle. Le dernier (très long) plan – un travelling porté par une musique jazzy sur des rails de cinéma-, atteste de la permanence de la magie du 7e art. D’ailleurs, répondant à son collègue qui affirme que les gens « s’en foutent de nous. Ils sont passés à autre chose », David préfère croire au cinéma : « Il y a plein de merveilleux cinéphiles qui nous regardent ». (Diaphana)
DISSIDENTE
Dans la Vallée du Richelieu, région agricole du Québec, Ariane, une femme célibataire de la quarantaine, elle-même d’origine sud-américaine, est embauchée en tant que traductrice dans une usine de produits alimentaires. Très rapidement, elle se rend compte des conditions de travail déplorables imposées aux ouvriers guatémaltèques. D’abord tiraillée puis faisant face à sa responsabilité, elle va entreprendre à ses risques et périls une résistance quotidienne pour lutter contre l’exploitation dont ils sont victimes… Il a fallu pas moins de dix années d’enquête à Pier-Philippe Chevigny pour écrire et réaliser ce premier film coup de poing inspiré de faits réels. Véritable immersion dans la réalité d’ouvriers guatémaltèques immigrés au Québec, Dissidente plonge le spectateur au cœur d’une déshumanisation implacable. Les travailleurs sont exploités sans cesse au détriment de leur santé et où tout refus, toute rébellion est synonyme d’expulsion. Apres avoir songé à réaliser un documentaire mais n’ayant pas pas réussi à convaincre les victimes de témoigner, le cinéaste québécois a opté pour une fiction politique et sociale engagée où il dénonce une forme d’esclavage moderne et pointe la perversité d’un système capitaliste où chacun se retrouve à la fois victime et complice, ainsi le patron de l’usine qui agit sous la pression des nouveaux actionnaires et est acculé aux diktats de rentabilité tout comme les ouvriers qui acceptent la situation par peur d’être licenciés. Dissidente doit beaucoup à ses interprètes principaux. Marc-André Grondin incarne Stéphane, un directeur brutal et antipathique tandis qu’Ariane Castellanos, d’origine guatémaltèque, est bouleversante en traductrice chargée d’un lien de parole entre les ouvriers et la direction. Une femme courageuse qui va pousser les travailleurs immigrés à ne plus baisser la tête, à ne plus accepter, par exemple, de vivre dans des dortoirs surveillés par des caméras. Une œuvre poignante qui interroge intelligemment notre capacité à réagir face à l’absurdité du système sans verser dans le manichéisme. (Blaq Out)
MEMORY
La vie simple de Sylvia est réglée comme du papier à musique. Elle s’occupe avec attention de sa fille adolescente, travaille dans un centre d’aide pour handicapés adultes et suit avec régularité les réunions des Alcooliques anonymes. Elle, que rien ne semble devoir faire sortir de ses rails, accepte un soir, à l’instigation de sa sœur aînée, d’assister à une fête organisée par les anciens de son lycée. Sylvia s’y ennuie ferme mais lorsqu’un homme vient s’asseoir à ses côtés. Elle se lève et rentre chez elle. L’homme la suit dans la rue, le métro et jusqu’à sa porte. Au matin, l’homme est toujours là, endormi sous des sacs de plastique. Sylvia décide d’aller voir qui est ce mystérieux individu. Après avoir songé à un polar sur le thème de la vengeance, Michel Franco a changé d’idée et, avec en référence le Minnie and Moskowitz (1971) de John Cassavetes, a filmé une love story entre deux solitudes bouleversées, l’une par un terrible secret, l’autre par une démence qui gagne, même si Saul Shapiro est encore lucide et sa mémoire émotionnelle intacte. Le cinéaste mexicain organise une « parenthèse enchantée » où Sylvia et Saul vont doucement aller l’un vers l’autre. Sylvia va d’abord intervenir comme aide à la personne. Mais le fragile et tendre Saul va parvenir à « attendrir » Sylvia au point d’entrer ensemble, aux accents de A Whiter Stade of Pale de Procol Harum, dans une relation amoureuse. Couronné meilleur acteur à la Mostra de Venise 2023 pour sa sensible interprétation de Saul, Peter Sarsgaard donne la réplique à une remarquable Jessica Chastain. Visage dur et émacié, sa Sylvia est une bonne personne que la vie (et sa famille) a rudement maltraité. (Metropolitan)
JULIETTE AU PRINTEMPS
Jeune illustratrice de livres pour enfants, Juliette débarque au coeur des Dombes. Elle revient vers sa famille et s’installe chez Léonard son père auquel elle confie : « J’ai fait un genre de dépression. Mais ça va mieux maintenant. » Pudique, le père constate : « C’est vrai que c’est pas facile, la vie ». Au fil de quelques jours, Juliette va retrouver Marylou, sa sœur aînée, une mère de famille débordée par un quotidien qui la dévore. Alors cette belle femme ronde se risque à des parenthèses charnelles. Et puis il y a Nathalie, la mère de Juliette et Marylou, une artiste-peintre qui croque la vie à pleines dents, sans oublier Simone, dite Nona, la grand-mère chérie qui perd un peu pied… Comme Nona est maintenant installée dans une maison de retraite, on s’apprête à vendre sa maison. C’est alors que Juliette va découvrir un secret qui traumatise depuis toujours la famille… Avec Juliette au printemps, Blandine Lenoir réalise son quatrième long-métrage après Zouzou (2014), Aurore (2017) et Annie Colère (2022), trois films qui faisaient déjà la part belle à des personnages féminins. Ici, en adaptant Juliette, les fantômes reviennent au printemps, le roman graphique de Camille Jourdy, paru chez Actes Sud, la cinéaste s’inscrit dans une chronique familiale qui joue tout à la fois la carte de la tendresse, de la mélancolie et de la comédie pour aborder une série de sujets comme la dépression, la place qu’on occupe dans une famille sans parvenir à la déplacer malgré les années, la pudeur, l’amour, la sexualité, le deuil, la maternité… Le récit choral s’ordonne alors d’un père (Jean-Pierre Darroussin) si pudique qu’il ne peut s’exprimer qu’en blagues et d’une grande fille (Izïa Higelin) qui est comme arrêtée dans sa vie. On croise aussi, dans ce joyeux bazar, une drôle de grand-mère (Liliane Rovère), une aînée hyperactive (magnifique Sophie Guillemin), Pollux (Salif Cissé), un jeune homme poétique et attachant et même un sautillant petit canard. Agréablement touchant. (Diaphana)
COFFRET LAMBERTO BAVA
Descendant d’une famille qui a toujours travaillé dans le cinéma et la télévision (son grand-père Eugenio fut chef opérateur et son père Mario fut l’un des maîtres italiens du cinéma d’épouvante), Lamberto Bava, né à Rome en 1944, a été acteur, scénariste, assistant-réalisateur de son père et réalisateur pour le cinéma et surtout pour la télévision… Dans un coffret, on retrouve deux raretés (inédites en Blu-ray et présentées dans des versions restaurées HD) qui réunissent suspense, érotisme et polar, trois ingrédients indispensables au giallo, ce genre cinématographique éminemment italien qui a connu son âge d’or des années soixante aux années 80. Deux films qui lorgnent aussi vers le slasher et des classiques de l’angoisse comme Le voyeur de Michael Powell ou Body double de Brian de Palma et dans lesquels le metteur en scène de La maison de la terreur (1983) fait preuve d’une maîtrise des codes du genre, à travers des scènes de meurtres à la perversité ludique et souvent virtuose, glissant parfois vers le surréalisme.. Dans Delirium (Le foto di Gioia en version originale), réalisé en 1987, Lamberto Bava met en scène Gloria (Serena Grandi, vedette du cinéma érotique italien des années 80) un ancien mannequin qui a hérité de la fortune de son défunt mari et notamment d’un célèbre magazine de charme qui suscite bien des convoitises. Aussi Gloria se sent-elle naturellement visée lorsque ses collaborateurs commencent à tomber comme des mouches sous les coups d’un tueur en série à l’humour grinçant, qui ne tarde pas à lui envoyer des photos des cadavres de ses victimes, associées à ses propres clichés dénudés de jeunesse… Avec Body Puzzle (1992), le cinéaste raconte comment un meurtrier psychopathe tue et mutile ses victimes en les découpant en morceaux. Les différentes parties du corps sont retrouvées au domicile de Tracy, une jeune et belle veuve (Joanna Pacula), incapable d’expliquer ce qui la lie à ces meurtres. Pour élucider cette série de meurtres sans lien apparent, le chef de la police et la jeune femme vont devoir reconstituer le puzzle de ces organes secrètement livrés à domicile… Le coffret comprend deux suppléments : Chic et violent (22 mn) et Façon puzzle (21 mn), deux conversations inédites entre Gérald Duchaussoy et Romain Vandestichele, auteurs de Lamberto Bava, conteur-né : le frisson et l’émerveillement (Éd. Carlotta). Dans le premier, ils évoquent comment Bava envisage Delirium sous l’angle du film érotique télévisuel des années 1980 tout en conservant la brutalité et l’aspect surréaliste du cinéma des années 1970. Dans le second, ils observent comment Body Puzzle est rattrapé par tout un pan du cinéma angoissant et ambigu des années 1980 avec un sentiment de mal-être généralisé et l’impression que le film est tiré vers le fond. (Carlotta)
LA BELLE DE GAZA
Alors qu’elle tourne, en 2018, M, un documentaire qui lève le voile sur la pédophilie dans les milieux orthodoxes juifs en Israël, Yolande Zauberman a l’occasion de se confronter, dans la rue Hatnufa à Tel Aviv, à l’univers des femmes transexuelles. Elle voit notamment des femmes qui prennent la fuite. « Elles étaient une vision fugace dans la nuit, observe la cinéaste. On m’a dit que l’une d’entre elles était venue à pied de Gaza à Tel-Aviv. Dans ma tête je l’ai appelée La Belle de Gaza. » Et Yolande Zauberman ajoute : « Tout ce que veulent ces femmes, c’est devenir elles-mêmes. C’est ce qu’on désire tous. Elles ont une hallucinante intelligence de la vie. » Voici une impressionnante et captivante plongée dans un monde méconnu dont le décor nocturne est celui des rues de Tel Aviv à travers le regard d’une cinéaste complètement habitée par son sujet. Filmé avant le début de la guerre entre Israël et le Hamas, La belle de Gaza entremêle les vies très diverses et souvent tragiques de plusieurs femmes trans, dont certaines sont prostituées. Ainsi Israela, venue d’un milieu juif orthodoxe, explique ses trois ans de mariage avec un rabbin qui ne savait pas qu’elle était transgenre. Quand elle décide de le quitter, elle lui permet de voir ses papiers, il lui accorde immédiatement l’acte de divorce. Venue des territoires palestiniens, Danielle a été kidnappée par des hommes de son ancien village pour la punir. Elle a survécu mais sa mère lui a dit : « Je regrette qu’ils ne t’aient pas tuée ». À l’inverse, l’Israélienne Talleen Abu Hanna, élue Miss Trans Israel en 2016, se sent acceptée et exprime sa gratitude à l’égard de son pays. Dans un documentaire sur la transidentité conçu comme une œuvre d’art, voici de beaux portraits sensibles et touchants. (Pyramide)
TRILOGIE DE LA VENGEANCE
Scénariste, critique de cinéma, homme politique, producteur de cinéma et metteur en scène, le Sud-coréen Park Chan-wook connaît la réussite en 2000 avec Joint Security Area qui deviendra, avec cinq millions de spectateurs, le deuxième plus gros succès de l’histoire du cinéma coréen. Ce succès lui permet de revenir à un projet ancien, celui d’une trilogie de la vengeance. Il l’entame, en 2002 avec Sympathy for Mister Vengeance, un drame violent et noir très controversé mais soutenu par de nombreux festivals internationaux. Ryu est un sourd-muet qui travaille dur pour aider sa sœur, gravement malade. Il a bien tenté de donner un rein pour effectuer la greffe qui pourrait la sauver mais il n’est pas donneur compatible. Pire, leurs moyens, déjà maigres, se réduisent encore quand il est soudainement licencié. Ryu contacte alors des criminels spécialisés dans le trafic d’organes. Las, il va se faire flouer… En 2003, le cinéaste enchaîne avec Old Boy (Grand prix du jury en 2004 à Cannes) qui raconte l’aventure d’Oh Dae-su enlevé et séquestré dans une pièce, sans savoir par qui ni pourquoi, avec pour seul lien avec l’extérieur une télévision, par laquelle il apprend que sa femme a été assassinée, qu’il est le principal suspect du meurtre et que sa fille a été confiée à des parents adoptifs. Relâché quinze ans plus tard, toujours sans explication, Oh Dae-su va se lancer dans une enquête hallucinée et sauvage pour comprendre… Park Chan-wook achève sa trilogie en 2005 avec Lady Vengeance. Injustement accusée du kidnapping et du meurtre d’un enfant, la jeune Lee Geum-ja se retrouve incarcérée dans une prison pour femmes et y prépare une vengeance envers le vrai coupable. Les trois films sont présentés dans un coffret et une belle édition limitée enrichie de plus de douze heures de suppléments, ainsi que le storyboard d’Old Boy et un livret avec une interview exclusive du cinéaste. (Metropolitan)
LES RIVIERES POURPRES
Légende vivante de la police française, le commissaire Pierre Niémans se rend dans la ville universitaire de Guernon, afin d’enquêter sur le meurtre du bibliothécaire de la faculté locale, dont le corps a été retrouvé dans la montagne, suspendu dans le vide et sauvagement mutilé. Dans la petite ville de Sarzac, à environ deux cents kilomètres de Guernon, le jeune lieutenant Max Kerkérian enquête quant à lui sur la profanation de la tombe d’une certaine Judith Hérault, morte dans un accident de la circulation en 1982, à l’âge de 10 ans. À Guernon, Niémans découvre un second cadavre, qui porte les mêmes traces de mutilation que la première victime. Il n’est autre que le suspect recherché par Kerkérian… En 2000, Mathieu Kassovitz adapte le roman éponyme de Jean-Christophe Grangé pour signer un polar mâtiné de fantastique dont le climat constamment sous tension distille un vrai malaise. Au fil de l’enquête que les deux flics (Jean Reno et Vincent Cassel) vont mener ensemble, on découvre ce qui se passe dans l’étrange université de Guernon. L’établissement sert à créer une nouvelle race humaine en sélectionnant des couples vigoureux et intellectuels parmi les étudiants. Cette sélection des unions implique cependant une consanguinité qui nécessite d’échanger les nouveau-nés malades ou handicapés avec des enfants bien portants nés au sein de la maternité de l’université. Voici un thriller français bourré de rebondissements et servi par une mise en scène efficace qui joue habilement des codes du genre avec la pluie, la nuit, le suspense et l’action. On songe parfois au Seven de Fincher et malgré quelques faiblesses dans le scénario, on se prend largement au jeu. Le film sort, en édition limitée et en Blu-ray 4K UltraHD. (Gaumont)
BOY KILLS WORLD
Le jeune Boy vit avec sa mère et sa sœur cadette Mina dans une ville dirigée par la famille Van Der Koy. Une fois par an, la cheffe de cette famille, Hilda, fait rassembler douze personnes de la ville pour participer à The Culling. Ces douze personnes sélectionnées sont ensuite tuées en direct à la télévision. Boy, Mina et leur mère font partie des gens choisis. Seul survivant, Boy est laissé pour mort. Il s’échappe dans la jungle et est recueilli par un mystérieux chaman qui va l’entraîner à réprimer son imagination enfantine et à devenir plutôt un instrument de la mort. Des années plus tard, devenu sourd et muet mais toujours animé par la volonté de se venger, Boy retourne en ville et tombe sur Glen et Gideon Van Der Koy qui rassemblent les victimes pour l’abattage de l’année. Dans sa quête de vengeance, Boy qui a constamment des visions de Mina, va se lier d’amitié avec un certain Basho… Le cinéaste Moritz Mohr puise allègrement dans le registre très défoulatoire des comics et des jeux vidéo pour construire une intrigue parfois cartoonesque fondée sur la vengeance d’un gaillard qui, comme dans un jeu, va éliminer un à un les membres des Van Der Koy pour finir par le sommet de cette horrible famille d’affreux. Boy Kills World doit beaucoup au comédien suédois Bill Skarsgård (qu’on verra prochainement au cinéma en comte Orlok dans un nouveau Nosferatu) épatant dans sa manière d’incarner une innocence enfantine dans le corps d’un malabar aussi musclé que traumatisé. Du beau boulot qui s’achève en apothéose… (Metropolitan)
LES GUETTEURS
Mina est une Américaine (Dakota Fanning, révélée dans La guerre des mondes de Spielberg) travaillant dans une animalerie en Irlande. Ayant du mal à accepter la mort de sa mère, elle s’est séparée de sa sœur jumelle. Alors que son patron lui demande de lui livrer un oiseau précieux, un conure doré, sa voiture tombe en panne. Mina se retrouve alors bloquée dans une vaste forêt qui n’apparait sur aucune carte du monde. Après avoir entendu des bruits inhabituels ainsi que le cri d’une femme, elle court dans la forêt jusqu’à un bâtiment aux allures de bunker, surnommé « Le poulailler ». Elle y rencontre trois occupants, Kiara, Madeline et Daniel. Madeline dévoile à la nouvelle arrivante les règles de ce lieu très secret : chaque nuit, les habitants doivent se laisser observer par les mystérieux occupants de cette forêt. Ils ne peuvent pas les voir, mais eux regardent tout. Chez les Shyamalan, le cinéma est une affaire de famille. On connaît fort bien M. Night, le père, depuis Le sixième sens (1999), Incassable (2000) ou Signes (2002) On a vu tout récemment Saleka Shyamalan en pop-star dans Trap (2024) signé de son père. Avec The Watchers (en v.o.), c’est son autre fille, Ishana, qui signe sa première réalisation. Celle-ci réussit à créer une vraie atmosphère sur fond de monstres demeurant longtemps hors-champ et de grande forêt qui procure un solide sentiment de claustration. Un premier film plutôt réussi. (Warner)
FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX
Alors que le monde s’écroule, la jeune Furiosa est arrachée de la Terre Verte des Vuvalini et tombe entre les mains d’une grande horde de motards dirigée par Dementus, le seigneur de la guerre. En parcourant le Wasteland, ils tombent sur la Citadelle présidée par Immortan Joe. Alors que les deux tyrans se font la guerre pour la domination, Furiosa doit survivre à de nombreuses épreuves pour trouver le moyen de rentrer chez elle… Il est déjà loin le temps où Mel Gibson incarnait « Mad » Max Rockatansky, un policier devenu justicier en Australie dans un futur proche en plein effondrement sociétal. C’était en 1979 et George Miller signait le premier volet d’une franchise qui allait largement marquer les esprits tant en matière d’action que de science-fiction violente. Après un volet 2 en 1981 et un volet 3 en 1985 dans lequel Mel Gibson est Mad Max pour la dernière, il faudra attendre trente ans pour renouer avec la saga. Et de quelle manière ! Mad Max Fury Road (2015) devient rapidement l’objet d’un véritable culte en matière de cinéma d’action. Toujours aux manettes, George Miller remet le couvert, pour une cinquième fois, en centrant son film sur Furiosa. Incarné par Charlize Théron, le personnage est repris, ici, par Anya Taylor-Joy. Mais le cinéaste australien qui se refuse à jouer la carte du remake, n’a rien perdu de sa verve lorsqu’il orchestre ces « standards » virevoltants que sont l’assaut d’un convoi ou le ballet des engins volants. Certes, le récit, contraint par les « obligations » de la saga, ne tient pas toujours complètement la rampe mais, au total, ce Furiosa (dans lequel Charlize Théron vient même faire une apparition) est quand même du beau travail qui en met plein les yeux au spectateur. (Warner)
IL ETAIT UNE FOIS, CES DROLES D’OBJETS
Voici, avec les volumes 5 et 6, une nouvelle saison de la série d’animation Il était une fois… qui parvient à mêler la richesse et la justesse de l’information scientifique avec le ton agréablement humoristique caractéristique, depuis les débuts, de ce programme. Une série qui s’adapte aussi à notre époque en évoquant l’environnement, le respect des autres, la place de la femme ou l’inclusion pour sensibiliser les enfants aux valeurs humanistes et écologistes. Depuis plus de quarante-cinq ans, Maestro, grand sage à la barbe abondante, fait voyager les petits et les grands dans l’Histoire. Il dévoile, désormais, les histoires passionnantes qui se cachent derrière les objets du quotidien, pour apprendre en s’amusant. Qu’il s’agisse de l’automobile, du téléphone, du thermomètre, du télescope, de la caméra ou encore de l’ordinateur. Chaque épisode d’Il était une fois… ces drôles d’objets est consacré à un objet du quotidien, de ceux qui existent depuis des centaines d’années aux plus récents. Tous les thèmes abordés -la technologie, la maison, l’école, le sport, les moyens de transport- sont prétexte à éveiller la curiosité des enfants et à leur permettre d’apprendre en s’amusant ! (Arte éditions)
BREATHE
Depuis que notre planète a été rendue inhabitable par manque d’oxygène, Maya et sa fille sont obligées, depuis des années, de vivre recluses sous terre. Seuls de brefs voyages à la surface restent possibles grâce à une combinaison à oxygène ultramoderne fabriquée par Darius, le mari de Maya, qu’elle présume mort. Lorsqu’un mystérieux couple arrive, prétendant connaître Darius, Maya accepte de les laisser entrer dans leur bunker, mais sont-ils vraiment ce qu’ils semblent être ? Dans un futur proche, le réchauffement de la planète a carrément privé la Terre de son oxygène et forcément les humains sont confrontés à une existence… sans respirer. Sinon à se réfugier dans un bunker pourvoyeur d’oxygène. Deuxième film de science-fiction signé par Stefon Bristol, après See You Yesterday (2019), Breathe mêle le survival post-apocalyptique avec le drame familial. Si le scénario ne réserve guère de surprise, Sam Worthington, Jennifer Hudson et Milla Jovovich font le job dans cette petite série B pas déplaisante. (M6)
BRICKLAYER
Quelqu’un fait chanter la CIA en assassinant des journalistes étrangers et en donnant l’impression que l’agence américaine est responsable de ces crimes. La CIA reprend alors contact avec Steve Vail, un ancien de la maison qui officie désormais comme maçon à Chicago et passe son temps libre à écouter du jazz. Sans surprise, Vail va accepter de rempiler. A lui de localiser et de démanteler un groupe de criminels rançonneurs. Le scénario n’est pas fameux et compile les plus gros clichés du genre. Aaron Eckart se glisse dans un personnage qui aurait pu aussi bien être tenu par Gerard Butler, Nicolas Cage ou même Steven Seagal. Le plus surprenant, c’est que le film porte la signature de Renny Harlin qui donna quand même 58 minutes pour vivre (1990), Cliffhanger (1993) ou Au revoir à jamais (1996) qui s ‘y entendaient en matière de rythme et d’action. Mais le cinéaste américano-finlandais semble avoir perdu la main. Une petite série B d’espionnage et de géopolitique. (Metropolitan)
LES BODIN’S ENQUETENT EN CORSE
De Pouziou les Trois Galoches à l’île de Beauté, il n’y a qu’un pas… Investi d’un pouvoir surnaturel transmis par le fantôme de son père, Christian voit s’accomplir un futur meurtre dans un rêve prémonitoire. Un certain Pasqualini, producteur de clémentines dans la région d’Aléria, sera assassiné dans sept jours. Mais comment interpeller le meurtrier d’un mort-qui-n’est-pas-mort ? « Le polar est un genre qui plaît beaucoup au public. Là encore, un terrain inexploré par nos deux héros, qui s’est révélé être un formidable catalyseur de comédie », explique la productrice Clémentine Dabadie qui ajoute : « Si l’intrigue policière est solide, elle reste surtout un prétexte pour que les Bodin’s restent les Bodin’s, avec leur fantaisie, leurs codes et leur manière unique d’être au plus près des gens ». Grâce au bon sens légendaire et au caractère tyrannique de Maria (Vincent Dubois), prête à emmerder tous les Corses pour en sauver un et aux rares éclairs de génie de son grand benêt de fils Christian (Jean-Christian Fraiscinet), voici une aventure insulaire qui ravira les fans des Bodin’s. Et tant mieux s’il leur faut au passage s’imprégner des mœurs locales, se déguiser en bandit, s’essayer aux polyphonies corses ou forcer Christian à manger du brocciu… (M6)