UN BRIN DE NOSTALGIE OLYMPIQUE ET LE JARDINIER AMOUREUX
JEUX OLYMPIQUES PARIS 1924
Ce vendredi 26 juillet, Paris accueille les Jeux de la 33e Olympiade. Et c’est une immense fête sportive qui est attendue… malgré un « JO bashing » qui a été assez lourd. Ce sera la troisième fois que la capitale accueillera les Jeux après l’édition de 1900 et celle de 1924. Cette dernière est en majesté dans un document exceptionnel et complètement inédit disponible pour la première fois chez Carlotta en Blu-ray et en DVD dans une restauration 2K. Si la France de 1924 était à bien des égards différente de celle d’aujourd’hui, ces JO ont soulevé des problématiques communes à celles de 2024 sur le financement, les transports, les équipements ou la sécurité. C’est le Français Jean de Rovera qui couvre cet événement majeur en tournant des images en noir et blanc de tous les principaux sports à l’affiche. Cent ans après, on découvre donc avec une certaine nostalgie, ce film officiel des JO de Paris 1924 qui témoigne de la ferveur mondiale pour l’olympisme et met en lumière les exploits de grands sportifs. Le documentaire muet et avec accompagnement musical (174 mn) s’ouvre longuement, dans le cadre du stade de Colombes, sur la cérémonie d’ouverture de la VIIIe Olympiade placée sous la présidence de Gaston Doumergue avec son défilé des délégations et au cours de laquelle l’ancien athlète et rugbyman Géo André prêta le serment olympique devant une foule imposante et enthousiaste. En 1924, la participation atteint un nouveau record: 44 nations (dont 27 pays européens) et 3088 athlètes (mais seulement une grosse centaines de femmes) pour un total de 126 épreuves. Devant des juges en canotier, chapeau ou casquette, le Finlandais Paavo Nurmi va devenir une star des Jeux de Paris en s’imposant sur les épreuves de fond et de demi-fond. Un certain Barnes deviendra champion olympique à la perche en passant 3,95m tandis que les sprinters creusent, sur la ligne de départ, des trous dans la cendrée pour avoir de meilleurs appuis et piaffent « comme des lévriers tirant sur leur laisse » ! Des champions comme les Britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell écrivent des pages épiques qui leur vaudront d’être immortalisés par le cinéma dans Les chariots de feu (1981). Un autre champion va connaître la gloire à Paris 1924, c’est l’Américain Johnny Weissmuller qui s’impose en natation avant de connaître la gloire hollywoodienne en incarnant Tarzan en 1932. Les Français se font remarquer en water-polo tandis que les « Mousquetaires » Borotra, Lacoste, Brugnon et Cochet s’imposent en tennis. Le documentaire distille encore des images de lutte libre (dans le cadre du Vel d’Hiv), d’escrime, d’aviron, de voile, d’équitation, de marathon, de polo, de cyclisme, de rugby à 15, de boxe ou de football. En 1924, la France finira troisième au tableau des médailles avec 38 breloques dont 13 en or. Dans les suppléments, Les Jeux Olympiques de Chamonix 1924 (37mn). Organisée à Chamonix du 25 janvier au 4 février 1924, la Semaine Internationale des sports d’hiver a précédé de quelques mois les Jeux Olympiques de Paris 1924. Mêlant patinage artistique, course de ski et bobsleigh (entre autres épreuves), cette compétition sera rétrospectivement considérée comme la première édition des Jeux Olympiques d’hiver. (Carlotta)
L’HOMME D’ARGILE
C’est une vie de grande routine que celle de Raphaël, le gardien du domaine campagnard dans lequel se trouve la demeure décatie mais pleine de charme de la famille Chaptel. Il passe ses journées à chasser les taupes à l’explosif, effectue divers travaux de jardin avant de rentrer chez Lucienne, sa vieille mère avec laquelle il se chamaille volontiers. Raphaël s’évade dans la pratique de la cornemuse dont il joue au sein d’un groupe local de musique traditionnelle. Le costaud taiseux et borgne s’offre aussi des escapades érotiques avec Samia, la factrice du bourg qui aime l’entraîner dans des jeux coquins. Pourtant, une nuit de gros orage, l’existence de Raphaël va basculer. Débarquant sans bagages d’une grosse limousine, Garance Chaptel demande qu’on lui ouvre le manoir familial. Tandis qu’en hâte, Raphaël retire les draps qui couvrent meubles et fauteuils, Garance s’installe et demande qu’on la laisse en paix. L’héritière Chaptel n’est pas du genre commode mais c’est aussi une artiste-plasticienne qui s’est taillée une réputation grâce à des performances remarquées. Si on ignore ce que Garance vient faire sur les lieux de son enfance, on a d’emblée la certitude que Raphaël est tombé fou amoureux d’elle. Tandis que Raphaël tourne comme un ours en cage, refusant désormais les invitations de Samia à la gaudriole et se demandant encore ce que Garance, la bourgeoise froide et cassante, recherche, cette dernière va lui faire une proposition inattendue. Elle lui demande de poser pour elle. « Nu ? » demande Raphaël qui s’y refuse d’abord… Fille des comédiens et réalisateurs Karl Zéro et Daisy d’Errata, Anaïs Tellenne signe, ici, à 36 ans, son premier long-métrage et réussit d’emblée une belle et surprenante histoire de passion amoureuse qui explore aussi le thème de la création artistique. Un homme simple, d’apparence frustre, est bouleversé par l’amour et va devenir, face à Garance, une sorte de muse au masculin. Pour Raphaël, emporté dans un univers aussi inconnu que fascinant, cette femme-artiste représente tout ce dont il est exclu, en l’occurrence le monde de l’art, la société des riches, l’esthétisme… En s’appuyant sur une belle image, une lumière très travaillée, une musique captivante, la cinéaste construit, ici, une fable contemporaine touchante, drôle et sensible sur la manière dont le regard de l’autre nous façonne et nous transforme. Surtout, elle réunit deux comédiens magnifiques. Emmanuelle Devos (qu’on a vu récemment dans Boléro et qui est actuellement au cinéma à l’affiche de Pourquoi tu souris?) incarne parfaitement une artiste en plein questionnement. Quant au gardien, il est incarné par le brillant Raphaël Thiéry et on finit par ne plus voir que lui tant son Raphaël est merveilleux. (Blaq Out)
HORS SAISON
La belle cinquantaine grisonnante, Mathieu est un acteur de cinéma qui tourne beaucoup et que le public apprécie. Mais le comédien a le bourdon. Le voilà débarquant d’un taxi dans un hôtel breton et immaculé pour un séjour de thalasso. On lui attribue une suite prestige Océan spirit et va pour le peignoir blanc, les bains à remous, les soins et les massages. Stéphane Brizé plante un décor à la Tati dans lequel Mathieu a l’air bien emprunté. Tout cela serait d’ailleurs assez burlesque si le comédien n’éclatait pas en sanglots en entendant le metteur en scène de la pièce de théâtre qu’il a laissé en plan à un mois de la générale, le traiter de « petit mec… » L’aventure bascule avec un message déposé à la réception et envoyé par Alice. Elle a dépassé la quarantaine, est mariée et a une fille adolescente. Elle donne des leçons de piano non loin de la thalasso. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps a passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Remarqué avec sa trilogie sociale (La loi du marché, En guerre et Un autre monde), le cinéaste signe, ici, une authentique chronique sentimentale autour du sentiment de désillusion. Sans jamais perdre de vue Alice et Mathieu. Guillaume Canet incarne cet acteur en plein doute face à cette Alice (excellente Alba Rohrwacher) qui a masqué son désarroi derrière un sourire poli. Une femme qui a renoncé à ce qui l’habite profondément pour se réfugier dans une vie avec un homme aimant qui ne lui fera jamais de mal. Depuis quinze ans, elle s’est protégée en se réfugiant dans une existence rangée. Mais le pansement commence aujourd’hui à se décoller. Alice se révèle une femme audacieuse qui décide de se mettre en danger. C’est elle qui pose tendrement sa main sur la nuque de Mathieu pour une brève rencontre de quelques jours. On croit entendre alors les paroles de la chanson (signée Delerue/Colpi en 1961) qu’Alice fait chanter aux pensionnaires de l’Ehpad où elle intervient : Trois petites notes de musique – Ont plié boutique – Au creux du souvenir – C’en est fini de leur tapage – Elles tournent la page – Et vont s’endormir. (Gaumont)
MADAME DE SEVIGNE
« Où est la marquise de Sévigné qui m’enchantait ? » Françoise de Grignan se désole. Elles sont loin, les heures indolentes et ensoleillées où, sur les bords d’un fleuve, la mère promettait : « Je vous veux heureuse, indépendante et maîtresse de votre destinée. » Une destinée qui passe par la fréquentation de la Cour et la perspective d’un beau parti. Las, par une nuit de fête et sous les éclats des feux d’artifice, le roi croise la jeune Françoise et la bouscule dans un fourré. Marie de Sévigné, en réussissant à arracher sa fille aux ardeurs royales, signe aussi une forme de disgrâce. La ravissante Françoise devient difficile à marier. En 1669, Françoise épouse le comte de Grignan, déjà veuf deux fois et nettement plus âgé qu’elle. Dans ce mariage, elle apporte l’argent, lui le nom… Pour son second long-métrage de fiction, Isabelle Brocard, dans une mise en scène fluide qui privilégie l’intime, orchestre le duo mère-fille le plus célèbre de la littérature française mais montre surtout les tourments d’une relation fusionnelle et finalement dévastatrice. Car, en ce milieu du 17e siècle, la marquise veut faire de sa fille une femme brillante et libre, à son image. Plus elle tente d’avoir une emprise sur le destin de la jeune femme, plus celle-ci se rebelle… Avec deux belles comédiennes (Sara Giraudeau et Karin Viard), la cinéaste décrit une relation emplie de déception, de provocations entre les deux femmes. Françoise pourrait tout à fait se séparer de sa mère : elle préfère adopter une posture de victime permanente. Madame de Sévigné pourrait prendre ses distances et cesser d’empiéter sur la vie de sa fille… Mais l’une et l’autre en sont incapables. (Ad Vitam)
COMME UN FILS
Pour Jacques Romand, l’enseignement, c’est terminé. Naguère, le prof a été une « vedette » des réseaux sociaux pour s’être retrouvé au coeur d’une bagarre entre deux lycéens qu’il tentait de séparer. Un soir alors qu’il fait ses courses, Jacques est témoin d’un vol commis par trois individus. Deux réussissent à s’enfuir mais Jacques ceinture le troisième, un adolescent de 14 ans, sans papiers et sans adresse. Plus tard, Jacques est victime d’un cambriolage. Dans une chambre, il trouve son jeune voleur endormi. Jacques va alors complètement s’investir dans le « sauvetage » de Victor. Nicolas Boukhrief brosse le portrait d’un enseignant qui a perdu sa vocation et s’attache donc à l’un de ces « piliers de la République » dans sa vie quotidienne. Une existence évidemment bouleversée par un jeune Rom sauvage et soupçonneux qui va, petit à petit, passer de la survie dans la rue à une approche, d’abord timide puis prometteuse, de cette éducation qui permet d’être dans la société et non pas à côté. Dans un rôle écrit pour lui, le monstre sacré Vincent Lindon se glisse, avec son habituelle aisance, dans la peau d’un héros du quotidien confronté aux silences et aux non-dits d’un Victor qui explique qu’il vole pour éviter de se faire battre par son oncle. Victor (Stefan Virgil Stoica) devient la première préoccupation de l’ancien prof. Cependant, alors que Victor et les siens disparaissent de leur campement, l’histoire se met un peu à tourner à vide. Jacques devient bénévole dans une association d’aide à l’enfance en danger. Et on voit sans peine se pointer une romance entre Jacques et la responsable de l’association… Mais l’hommage à l’éducation reste évidemment bienvenu. (Le Pacte)
SON NOM DE VENISE DANS CALCUTTA DESERT
Le cinéma a toujours occupé une place de choix dans le parcours de Marguerite Duras. Du scénario d’Hiroshima mon amour (pour Resnais) à ses adaptations de ses propres écrits au grand écran (La Musica, Détruire, dit-elle) en passant par ses réalisation originales comme Nathalie Granger, La femme du Gange ou Baxter, Véra Baxter, l’écriture en images a volontiers captivé la romancière. En 1975, elle porte à l’écran India Song, adapté de sa pièce de théâtre éponyme de 1973. Duras filme magnifiquement Delphine Seyrig dans l’emblématique personnage d’Anne-Marie Stretter, autrefois épouse de l’ambassadeur… Un soir, lors d’une réception à l’ambassade et dans la torpeur estivale de la mousson, le vice-consul de France (Michael Lonsdale) à Lahore avait crié son amour à Anne-Marie au beau milieu de la réception… Pour India Song, Duras pratique la désynchronisation de ce qu’elle nomme « le film des voix » et « le film des images ». L’année suivante, avec Bruno Nuytten à la photographie et Carlos d’Alessio pour la sublime musique, la cinéaste retrouve les voix de Delphine Seyrig et Michael Lonsdale et ira plus loin encore avec Son nom de Venise dans Calcutta désert, œuvre hypnotique et extrême qui s’applique à briser complètement la représentation au cinéma. Radical, étrange, âpre (dans son long cri d’amour), provocant évidemment dans sa permanente voix off, cette quête vagabonde et mortifère d’un amour (le mystère Anne-Marie Stretter) et cette réflexion sur la mémoire, traversée par des fantômes et des lieux vides et hantés, est un fameux moment de cinéma. Déroutant mais étourdissant. (Gaumont)
BIS REPETITA
« Si on la ferme, on peut avoir 19 ! » Propos d’élève de la minuscule classe de latin d’un lycée public d’Angers. C’est là que Delphine est professeur. Elle a en charge une section de classe d’une demi-douzaine d’élèves auxquels elle a tout bonnement renoncé à enseigner. Cependant la prof accorde à sa petite bande de très bonnes notes (19/20) et a donc acquis une excellente réputation pédagogique. Et voilà donc que, patatras, sa classe est sélectionnée pour participer à un concours académique international en Italie. Pas question de faire faux bond. Contrainte par des raisons administratives, la proviseure du bahut lui ordonne de se rendre à cette compétition. Mieux, Delphine devra se rendre en Italie en compagnie de Rodolphe, un doctorant en lettres classiques qui se trouve être le neveu très zélé de la proviseure. Voilà, notre bande de cancres, leur prof désabusée et un accompagnateur lunaire en route pour le championnat du monde de latin, à Naples. Pour sauver l’option latin, et surtout sa situation confortable, Delphine ne voit qu’une solution : tricher ! Après avoir travaillé sur différentes séries télé comme HP, Parlement, Les sept vies de Léa ou Loulou, Emilie Noblet est passée au grand écran avec cette comédie dans l’univers du lycée. Bien sûr, ce n’est pas la première fois que le cinéma choisit ce cadre, de préférence avec des adolescents bien nazes ou complètement amorphes. Mais jusqu’à présent, on n’était pas encore entré dans une classe de latinistes. Quant à la prof, même si elle a de « mauvaises idées » pour réussir son championnat, elle parvient cependant à embarquer ses élèves dans une belle aventure. Et puis, comme c’est souvent le cas pour que ce genre de production, il faut un duo d’acteurs qui tiennent la route. Ici, c’est Louise Bourgoin et Xavier Lacaille (vu en assistant parlementaire novice dans la série Parlement de France Télévisions) qui s’y collent. Et ça marche agréablement. (Le Pacte)
ROBOT DREAMS
Chien solitaire, Dog vit à Manhattan. Un jour, il décide de se construire un copain robot. Leur amitié grandit, jusqu’à devenir inséparables, au rythme du New York des années 1980. Une nuit de fin d’été, après avoir nagé à Ocean Beach, Robot commence à rouiller au point d’être immobilisé. La saison se terminant et la plage ne rouvrant qu’à partir du début juin de l’année suivante, Dog est contraint de l’abandonner sur la plage car le poids trop important l’empêche de le déplacer. Les saisons passent, Dog essaye de vivre sa vie tout en espérant revenir réparer son ami lors de la réouverture, et Robot continue de rêver de son côté. Tous deux continuent de garder l’espoir de se retrouver un jour. Tombé rapidement sous le charme de l’émouvante histoire d’amour contée par le roman graphique américain éponyme de Sara Varon, le cinéaste espagnol Pablo Berger (remarqué en 2012 pour Blancanieves, une libre adaptation de Blanche-Neige dans l’Andalousie des années 20) a décidé de l’adapter en film d’animation en mettant fortement l’accent sur les thématiques de la solitude mais surtout de l’importance et de la fragilité de l’amitié. Berger réussit un film efficace, qui avec une animation de belle qualité, parvient à contourner les clichés et à procurer, sans mots, une émotion véritable. Récompensé dans divers festivals dont celui d’Annecy et nommé à l’Oscar du Meilleur film d’animation, ce film est un petit bijou d’animation sensible. (Wild Side)
IL N’Y A PAS D’OMBRE DANS LE DESERT
Ecrivaine française, Anna se rend à Tel Aviv pour assister au procès d’un ancien nazi. Son père doit venir la rejoindre pour témoigner au procès. Dans la salle d’audience, Anna est observée par Ori, un homme dont la mère doit également témoigner. Ils ont en commun d’avoir des parents victimes de l’extermination des Juifs par les nazis mais surtout Ori affirme qu’ils se sont connus et aimés vingt ans plus tôt à Turin. Anna n’en a aucun souvenir. Et pourtant, elle propose de ramener Ori et sa mère chez eux en voiture quand Ori victime de crises d’angoisse devient incapable de conduire. Puis Anna accepte de se faire accompagner à l’aéroport par Ori tout en ne cessant de lui répéter qu’il l’importune… Mais, peut-être qu’au milieu du désert, les choses deviendront plus claires… Car, sur la route de l’aéroport, Ori (Yona Rozenkier) décide d’entraîner Anna dans les sables… « On était écrasés par une souffrance qui n’était pas la nôtre ». Alors que la génération des survivants de la Shoah disparaît peu à peu, le poids du traumatisme historique et de la culpabilité pèse toujours sur leurs familles. À travers l’intrigue mystérieuse et romantique entre deux descendants de survivants, Il n’y a pas d’ombre dans le désert mêle habilement les thèmes de mémoire collective et de souvenirs intimes. Entre quête d’identité, film de procès, road-movie désertique et histoire d’amour, le second film de l’Israélien Yossi Aviram s’avère aussi inclassable qu’original. Drame profond et mélancolique, superbement photographié dans le désert israélien, sur les souvenirs incertains d’une relation passionnelle, le film doit beaucoup à Valerie Bruni-Tedeschi dans un personnage de femme entre force et fragilité. (Blaq Out)
LE SUCCESSEUR
Nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de haute couture française, Ellias Barnès, heureux et accompli, peut voir la vie en rose. Quand il apprend que son père, avec lequel il n’entretient plus de relation depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. En vidant la demeure paternelle, le « prince de la mode » va découvrir une horrible vérité enfouie. Le jeune créateur, aussi réputé que torturé, va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du coeur fragile de son père. Largement fêté par la critique qui célèbre son intensité et sa maîtrise, Xavier Legrand avait frappé un grand coup en 2017 avec Jusqu’à la garde, un premier film sur les violences conjugales qui lui valut pas moins de quatre César dont celui du meilleur film et celui du meilleur scénario original. Autant dire qu’on attendait de découvrir le second « long » du cinéaste… Avec l’envie de parler de « la violence des hommes et de montrer comment le patriarcat peut écraser les femmes, les enfants mais aussi les hommes », Legrand se lance franchement, ici, dans le cinéma de genre en entraînant le spectateur dans les profondeurs très noires d’un thriller familial traversé par la question de l’hérédite. Car la découverte que va faire Ellias dans la cave de la maison de son père, va l’emporter dans une histoire vertigineuse. Le fils, sans alerter la police, va tenter de gérer lui-même une tragédie qui va forcément l’éclabousser au moment même où il arrive sur le devant de la scène lumineuse et immaculée de la mode internationale dont il pourrait devenir l’un des maîtres… Librement inspiré de L’ascendant, le roman d’Alexandre Postel, publié en 2015 chez Gallimard, Le successeur a, cette fois, divisé la critique. Les uns vantant une ambiance asphyxiante, une mise en scène précise et flamboyante, les autres pointant un scénario invraisemblable et l’absence de toute idée de mise en scène un peu maline. Mais la critique s’accord à saluer les belles interprétations des comédiens québécois Marc-André Grondin (dans le rôle d’Ellias) et d’Yves Jacques. (Blaq Out)
DANS LA PEAU DE BLANCHE HOUELLEBECQ
Michel Houellebecq a accepté d’honorer de sa présence un concours de sosies de lui organisé en Guadeloupe. Une compétition dont le jury est présidé par Blanche Gardin, une artiste aux opinions politiques assez éloignées des siennes. Assez réticent à s’y rendre, le romancier accepte cependant et part, accompagné de Luc, son assistant et garde du corps. Ce dernier profite de ce voyage pour régler une obscure et mystérieuse affaire avec des amis qu’il avait sur place. S’en suivent de burlesques et rocambolesques épisodes qui verront Michel témoin d’un meurtre, attaché par des menottes à Blanche Gardin après avoir échappé à la police, ou sous l’emprise de champignons hallucinogènes. À cela s’ajoute un climat de revendications indépendantistes sur l’île qui va perturber le concours… Connu pour ses films noirs (Une affaire privée, Cette femme-là, La Clef), Guillaume Nicloux s’est ensuite diversifié, adaptant notamment La religieuse de Denis Diderot. Le cinéaste a aussi fait tourner à plusieurs reprises Michel Houellebecq dans son propre rôle, au cinéma dans L’enlèvement de Michel Houellebecq (2013), Thalasso (2019) et donc désormais dans ce nouvel opus. Réalisateur prolifique et surprenant, Nicloux signe, ici, une fantaisie loufoque dans laquelle on sent clairement que le cinéaste s’amuse à expérimenter, incluant notamment dans sa mise en scène, les imprévus du tournage. Nicloux, qui aligne une série de caméos (Françoise Lebrun, Gaspar Noé, Jean-Pascal Zadi) laisse aussi la bride sur le cou à son duo-vedette… Houellebecq a toujours l’air « décalé » et décati tandis que Blanche Gardin se régale, s’offrant même quelques écarts pipi-caca… Irrévérencieux, caustique, absurde, politiquement incorrect. (Blaq Out)
KARAOKE
« Chanter, c’est ma passion ! » Mais voilà, Fatou ne chante pas juste. Ce que Bénédicte traduit par un « Vous avez une voix un peu difficile… » La première est femme de chambre dans un hôtel de luxe. La second est une diva de la scène qui vit, depuis toujours, dans le dit hôtel. Deux femmes que rien, évidemment, ne devait amener à se rencontrer. Sauf qu’après une soirée pleine d’excès, la célèbre chanteuse d’opéra, voit sa carrière s’écrouler. Fatou, passionnée de karaoké, est la seule à lui tendre la main. Mais la pétulante femme de chambre a une idée derrière la tête : convaincre Bénédicte de participer au grand concours national de karaoké. La parfaite maîtrise vocale de l’une et la ténacité de l’autre pourraient bien faire des étincelles et les amener très loin. Scénariste et réalisateur, Stephane Ben Lahcene utilise un ressort classique de la comédie de cinéma, en l’occurrence les tensions puis la rencontre amicale, enfin l’énergie partagée d’un tandem dépareillée. D’un côté, la coincée déconnectée du vrai monde et surtout de la culture populaire, de l’autre une femme de la réalité qui doit se bagarrer avec des problèmes abondants. Mais, entre les deux, quelque chose va se jouer. Autour du… karaoké et d’un (improbable) concours qui va les entraîner jusqu’au Japon. Le cinéaste peut, ici, s’appuyer sur un duo qui fonctionne bien avec Michèle Laroque en diva reconvertie et Claudia Tagbo, l’humoriste franco-ivorienne, en passionnée de karaoké. Bien complices, ces deux-là réussissent à entraîner le spectateur dans une sympathique comédie musicale. (UGC)