De violences et de vengeance
PRISON.- Fonctionnaire de l’administration pénitentiaire danoise, Eva est une surveillante de prison aguerrie et tout à fait exemplaire. Cependant cette femme cache un secret. Et celui-ci va revenir la bouleverser lorsque Mikkel, un jeune homme de son passé, est transféré dans le quartier de haute sécurité de l’établissement où Eva travaille… C’est un véritable dilemme qui se présente à cette femme marquée par une profonde blessure. Sans dévoiler son secret et arguant d’une liaison malheureuse avec un collègue de son quartier, Eva sollicite sa mutation dans le QHS, unité réputée comme la plus violente de la prison. Bientôt, elle se retrouve face à Mikkel.
On avait découvert le cinéaste suédois Gustav Möller en 2018 avec The Guilty, un passionnant thriller autour d’un répartiteur d’appels d’urgence au 112 qui tente, avec son seul téléphone, de résoudre le kidnapping d’une femme. C’était déjà un huis-clos reposant sur un brillant travail sonore.
Avec Sons (Danemark – 1h40. Dans les salles le 10 juillet), son second long-métrage, Möller s’inscrit à nouveau dans un huis-clos en revisitant ce sous-genre du thriller qu’est le film de prison. Le cinéaste avoue une fascination pour le monde carcéral : « Je trouve que la prison est un espace cinématographique très fort. Elle abrite toutes sortes de personnages au comportement extrême, les règles y sont clairement définies et les rapports de force dominent. En outre, le lieu lui-même est empreint de symboles et d’archétypes. »
Mais si l’univers carcéral offre un cadre propice à la dramaturgie, les récits qui s’y déroulent se ressemblent souvent beaucoup. Möller, en observant au plus près le personnage d’Eva, invite le spectateur à entrer, avec elle, dans le contexte d’une authentique prison mais également dans celui d’une prison métaphorique.
Ce personnage de surveillante qui accomplissait paisiblement mais aussi avec une humanité non feinte, son job, va basculer dans la violence. Celle-ci a quasiment un effet physique sur elle. Elle la transforme, la pousse dans ses retranchements et finit par bousculer ses valeurs. Quant à Mikkel (Sebastian Bull, très inquiétant), le détenu toujours prêt à exploser, il ne comprend pas ce qui anime Eva mais il devine aisément le parti qu’il peut tirer des errements d’Eva.
Evidemment Sons doit beaucoup à Sidse Babett Knudsen, l’inoubliable interprète de la Première ministre Birgitte Nyborg dans la série Borgen. La plus grande actrice danoise de sa génération (vue en France dans L’Hermine et La fille de Brest), sanglée dans l’uniforme d’Eva, campe une femme d’apparence minérale dont le visage demeure opaque tout en laissant apparaître de brèves et subtiles émotions. Quand elle cède à la violence envers Mikkel, on a le sentiment d’avoir affaire à une femme à la fois exaltée et terrorisée par son geste, dont elle est à la fois fière et honteuse.
Enfin, Gustav Möller, à travers sa fiction, interroge aussi le spectateur : « Nous n’avons toujours pas décidé du modèle de prisons qu’on veut mettre en place et, par extension, de notre modèle de société. Sommes-nous des êtres rationnels ou émotionnels ? Croyons-nous au pardon et à la réinsertion ? Ou préférons-nous la vengeance et la punition ? À l’heure actuelle, le système judiciaire tente de satisfaire ces deux approches, même si elles sont en totale contradiction ».
AVENTURES.- C’est une Méditerranée démontée que doit affronter le navire à bord duquel Edmond Dantès est marin. En ces jours de 1815, n’écoutant que son courage et contre les ordres de son capitaine, Edmond sauve une naufragée nommée Angèle. La jeune femme est porteuse d’une lettre de Napoléon que le capitaine Danglars lui dérobe. Arrivé à Marseille, Danglars se plaint du comportement de Dantès auprès de l’armateur Morrel qui lui retire son poste de capitaine pour avoir manqué à son devoir de sauver les naufragés. Dans la foulée, l’armateur nomme Edmond à sa place. Au château des Morcerf où son père travaille comme majordome, Edmond retrouve ce dernier avec une vive émotion. Il revoit aussi la belle Mercédès de Morcerf (Anaïs Demoustier) à qui il annonce qu’il va devenir capitaine, ce qui lui permettra de l’épouser. Puis, il annonce ce mariage à son ami et cousin de Mercédès, Fernand de Morcerf, ce qui semble désespérer ce dernier. Le jour de la cérémonie à l’église, alors qu’il est sur le point de convoler, Edmond Dantès est arrêté et emmené devant Gérard de Villefort, substitut du procureur du roi à Marseille, qui lui apprend qu’il est accusé de bonapartisme… Dantès a beau clamer son innocence, il se retrouve bientôt dans un cul-de-basse-fosse au château d’If.
Avec Le comte de Monte-Cristo (France – 2h58. Dans les salles le 28 juin), les producteurs Dimitri Rassam et Ardavan Safaee poursuivent leur quête de Dumas et trouvent, avec les aventures d’Edmond Dantès, l’occasion de mettre au grand écran, un vengeur masqué aux allures de héros contemporain. Déjà aux manettes d’un précédent Dumas de cinéma (le diptyque des Trois mousquetaires de Martin Bourboulon dont ils étaient les scénaristes), Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte endossent, cette fois, la casquette de réalisateurs. Ils observent que Le comte… est « un véritable mythe qui permet de traverser plusieurs genres du cinéma : l’aventure, le thriller, sur fond d’une très grande histoire d’amour ».
Après de nombreux autres cinéastes, de Francis Boggs et Thomas Persons en 1908 à André Hunebelle en 1968, le tandem De la Patellière/Delaporte puise dans un riche matériau littéraire, de quoi alimenter une épopée de trois heures sans épuiser toutes les péripéties d’un énorme roman. Alors on retrouve bien sûr les geôles du château d’If, la rencontre avec l’abbé Faria, la découverte du trésor des Templiers sur l’île de Montecristo, la transformation d’Edmond Dantès en mystérieux et inquiétant personnage dont l’immense fortune lui permet de peaufiner une terrible vengeance. Car Edmond est bien décidé à faire rendre gorge à Danglars, Fernand de Morcef et Villefort.
Travaillant une image volontiers en clair-obscur, les cinéastes développent donc essentiellement le thème de l’implacable vengeance d’un homme blessé qui va punir méthodiquement un sacré trio de traîtres doublés de crapules. Dantès (incarné par un Pierre Niney crédible) pense que sa rédemption est impossible mais il lance quand même à une Mercédès toujours amoureuse, ces derniers mots : « Attendre et espérer ».