SOPHIA, MARCELLO, UN DÉPUTÉ EN PÉRIL ET LE POLYAMOUR

Hier_0ggi_DomaniHIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN
Quand on songe à Marcello Mastroianni (dont on célèbre, cette année, le centenaire de la naissance), on entend, dans La dolce vita, Anita Ekberg, avançant, l’eau à mi-cuisses, dans la fontaine de Trevi, et lançant : « Marcello, Marcello, come here ! » C’est en compagnie d’une autre légende du cinéma transalpin, Sophia Loren, que l’on retrouve Mastroianni dans Hier, aujourd’hui et demain, superbe fleuron de cette tradition italienne qu’est le « film à sketches » dont le sommet, qualitatif comme quantitatif, est à situer incontestablement au cœur de la période 1953-76, à l’apogée de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « la comédie à l’italienne ». Forme aujourd’hui négligée, voire dévalorisée, le film à sketches avait alors représenté un moyen idéal pour exprimer la grande diversité culturelle, géographique, sociologique d’un pays en pleine reconstruction. C’est en 1962, un an avant Mariage à l’italienne, que Vittorio de Sica tourne ce Ieri, oggi et domani à l’invitation de l’un des plus grands producteurs de l’époque. Carlo Ponti lui demande de mettre en scène un film à épisodes réunissant deux des plus grandes vedettes de l’époque, la Loren étant aussi l’épouse de Ponti. Le film regroupe trois sketches qui portent les prénoms d’Adelina, Anna et Mara. A Naples, hier : poursuivie par la police pour contrebande de cigarettes, Adelina Sbaratti cherche un moyen d’éviter la prison. Découvrant que la loi italienne interdit à une femme enceinte d’être incarcérée, elle demande donc à son mari Carmine de lui faire enfant sur enfant. Jusqu’à l’épuisement de celui-ci… A Milan, aujourd’hui : l’épouse d’un riche industriel napolitain s’offre une virée en voiture avec son amant… A Rome, dans un bel appartement surplombant la Piazza Navona, demain : une splendide prostituée séduit malgré elle son jeune voisin, pourtant aspirant prêtre. A la demande de la grand-mère de celui-ci, et avec l’aide de l’un de ses habitués, elle va tenter de remettre le jeune homme sur la voie du Seigneur… Le succès sera au rendez-vous avec un triomphe public dans les salles italiennes et un Oscar du meilleur film étranger à Hollwyood 1965. Trois villes, trois récits sur le couple, la sexualité et le pouvoir pour naviguer subtilement entre humour, drame et dérision afin de mieux saisir la société italienne des années soixante. En les réunissant pour la première fois dans des rôles principaux, Vittorio de Sica consacre le couple légendaire Marcello Mastroianni – Sophia Loren. Pour la première fois en blu-ray dans une nouvelle restauration 4K. Simplement réjouissant ! (Carlotta)
Le DeputéLE DÉPUTÉ
Roberto Orbea est député dans un parti de gauche. Homosexuel, il a épousé une camarade du parti, en espérant rester fidèle. Mais il est emprisonné pour ses activités politiques. En détention, il devient l’amant de Nes, un prostitué. À sa sortie de prison, Orbea va mener une politique contre le terrorisme. Un groupe terroriste tardofranquiste paie Nes pour qu’il piège Orbea, afin de le faire tomber politiquement. Mis en place pour compromettre l’éminent politicien, le prostitué adolescent se découvre passionnément amoureux de l’homme qu’il doit trahir. Connu comme l’un des représentants du cinéma quinqui, un genre cinématographique populaire (en vogue à la fin des années 70 et début des années 80) qui retrace les aventures de délinquants juvéniles, le réalisateur espagnol Eloy de la Iglesia (1944-2006) signe, en 1978, une œuvre âpre et impressionnante où le sexe et la politique entrent en collision sur fond d’amour interdit, de chantage et de meurtre. Dans l’Espagne de 1977, un an et demi après la mort de Franco, le gouvernement espagnol légalise le Parti communiste, qui vivait caché depuis la fin de la guerre civile. Pour Orbea (José Sacristan), c’est un moment de liesse. Mais, dans cette transition espagnole exemplaire, Franco est toujours présent et l’extrême droite tente d’empêcher l’ouverture vers la démocratie par l’extorsion et la violence. Un contexte politique et social très compliqué pour Orbea parce qu’il cache son homosexualité. Dans un cinéma fortement engagé, De la Iglesia souligne que la démocratie ne va pas de soi et qu’il faut parvenir à pouvoir penser, dire et ressentir sans subir de représailles. Au-delà du portrait de l’homosexualité à travers le personnage ambigu d’Orbea, Le député fustige l’hypocrisie d’une société qui regarde ailleurs lorsqu’il s’agit d’aider les marginalisés. Une œuvre courageuse et rageuse. (Artus Films)
AAAAmoursFinlandaiseAMOURS A LA FINLANDAISE
Lorsque Julia découvre que son mari a une liaison, elle décide de prendre les choses en main pour sauver leur mariage. Elle lui propose d’expérimenter le polyamour tout en inventant les nouvelles règles de leur vie conjugale. Un champ des possibles amoureux s’ouvre alors à eux… Sommes-nous vraiment fait pour vivre en couple ? Peut-on aimer sincèrement deux personnes à la fois ? Et si le polyamour était en fait la meilleure façon d’aimer ? Avec Amours à la finlandaise, un titre qui sonne un peu comme celui d’une comédie romantique, la cinéaste finlandaise Selma Vilhunen remet en question avec délicatesse et intelligence la monogamie, une norme sociétale imposée depuis des siècles. La réalisatrice propose une réflexion sérieuse sur notre perception de l’amour et étudie la complexité des relations. Triolisme, échangisme, couple libre, polyamour : tout est possible. L’amour au pluriel vient alors balayer toutes les croyances, loin des images habituelles de la polygamie. Voici donc une chronique nordique d’amours compliqués qui joue la carte d’une comédie dramatique originale et sincère, dénuée de tout jugement moral. En nous entraînant loin du conformisme avec l’histoire de ce couple qui se cherche à tâtons, la réalisatrice porte un regard rafraîchissant sur l’amour. Elle explore subtilement le thème de l’émancipation amoureuse, sur fond de culpabilité et de peur de l’abandon. A travers des dialogues lucides et touchants, drôles et sensibles, elle signe un film lumineux, rempli de tolérance. Sur l’affiche, on lit « Scènes de la vie extraconjugale… », allusion claire à Bergman mais le film, ici, n’est pas un sombre drame mais bien une œuvre lumineuse et pleine de tolérance qui repose sur des dialogues lucides et touchants et sur des comédiens épatants parmi lesquels on reconnaît, dans le rôle de Julia, l’épouse trompée, Alma Pöysti découverte naguère dans Les feuilles mortes du maître finlandais Aki Kaurismaki. (Blaq Out)
Door_1_2DOOR 1 & 2
Membre de la Directors Company, célèbre défricheuse de talents dans les années 1980 avec des réalisateurs comme Kiyoshi Kurosawa ou Shinji Somai, le cinéaste nippon Banmei Takahashi explore avec Door et Door 2 la face sombre de son pays. En puisant à la fois dans les codes du giallo italien, du thriller psychologique dans le style de Brian De Palma, comme du pinku eiga national, Takahashi révolutionne le cinéma d’exploitation japonais. Inédits en France (Door a été présenté dans la section Retromania du Festival du film fantastique de Gérardmer 2024), les deux premiers opus de la série des Door sont à découvrir en version restaurée HD et en version originale sous-titrée français. Dans Door, réalisé en 1988, on suit Yasuko Honda , une femme au foyer qui vit avec son mari et son fils dans un grand immeuble d’un quartier résidentiel. Régulièrement harcelée par les démarcheurs et les canulars téléphoniques, la jeune femme, excédée, finit par claquer la porte sur les doigts d’un vendeur. Choqué, celui-ci refuse d’en rester là. Sa vengeance se mue bientôt en véritable obsession… Réalisé en 1991, Door 2 raconte les aventures d’Ai, une call-girl de 20 ans. La jeune femme parcourt Tokyo au gré de ses rendez-vous, ne sachant jamais sur quel client elle va tomber. Malgré les risques qu’elle encourt quotidiennement, Ai aime la liberté et l’indépendance que lui procure son métier. Sa rencontre avec le peintre Mamiya va la pousser plus loin dans l’exploration de sa sexualité… Dans les suppléments, on trouve un entretien (25 mn) avec Banmei Takahashi. Après avoir évoqué son arrivée à la Directors Company, le cinéaste japonais revient en détail sur Door : sa collaboration avec sa femme, l’actrice Keiko Takahashi, les prouesses techniques du film et sa découverte récente à l’international. (Carlotta)
PriscillaPRISCILLA
Dans l’Allemagne de 1959, Priscilla, collégienne de 14 ans et fille d’un officier américain en poste sur une base militaire, s’ennuie ferme. Elle a suivi sa mère et son père Paul Beaulieu, officier de l’US Air Force, d’origine franco-canadienne, sur une base militaire américaine de la Hesse. Un jour, dans une party, elle va croiser Elvis Presley qui fait alors son service dans la 3e division blindée basée à Friedberg. En s’appuyant sur les mémoires de Priscilla Presley, Sofia Coppola signe son huitième long-métrage pour s’intéresser au rêve éveillé d’une gamine qui devient réalité. A Elvis qui lui demande ce qu’écoutent les jeunes de son âge, elle sourit : « Bobby Darin, Fabian et… toi ! » Bouleversé par la mort récente de sa mère bien-aimée, Presley va immédiatement s’intéresser à cette timide adolescente qui lui avoue que sa chanson préférée est Heartbreak Hotel dont le King fit, en 1956, un tube planétaire… C’est de l’intérieur que la cinéaste choisit de montrer la vie de Priscilla. Comme un conte vécu sur fond de souvenirs, d’abord enfantins, quasiment idéalisés avant que l’horizon ne s’élargisse tandis que « Cilla » mesure, peu à peu, combien son univers est à la fois tentateur mais surtout étouffant. Priscilla va devenir adulte en expérimentant à la fois une immense célébrité et une profonde solitude. La figure zombiesque d’Elvis occupe une position extérieure au parcours de Priscilla. Grâce à la forte interprétation de Cailee Spaeny, Priscilla apparaît comme un vrai personnage de chair et de sang qui va s’inscrire pleinement, au côté d’Elvis, dans l’histoire culturelle américaine. Le film s’achève sur la jeune femme quittant Graceland au volant de sa voiture tandis que s’élève la voix de Dolly Parton chantant le célèbre I Will Always Love you dans un mélange de chagrin et d’excitation. Priscilla vient de quitter Elvis et de renoncer au rêve que représente Graceland pour aller mener sa propre vie. (ARP)
Festin NuLE FESTIN NU
« Nothing is true, everything is permitted » (Rien n’est vrai. Tout est permis) est la citation qui introduit le film et abolit d’emblée tout souci de vraisemblance. Au milieu des années cinquante, William « Bill » Lee, junkie récemment désintoxiqué, travaille dans une société new-yorkaise d’extermination de cafards. Il découvre que sa femme lui dérobe de l’insecticide pour se l’injecter en intraveineuse comme usage récréatif. Elle lui suggère de tenter la chose. L’addiction est immédiate, à tel point que William consulte un médecin qui lui prescrit un traitement de substitution apparemment efficace. Mais William (Peter Weller dans l’un de ses meilleurs rôles avec… Robocop) est placé en garde à vue pour détention de substances psychotropes. Privé de son traitement, il est victime d’hallucinations. Il part se réfugier dans l’Interzone, lieu fantasmé et localisé au Maghreb cristallisant toutes ses obsessions. Là-bas, aux prises avec une réalité incertaine et fluctuante, il est persuadé d’être un agent secret au centre d’une gigantesque machination. Lee commence alors à rédiger des rapports pour le compte d’une mystérieuse corporation internationale. En 1991, David Cronenberg (qui a déjà à son actif des bijoux comme Videodrome, La mouche ou Faux-semblants) tente l’adaptation de Naked Lunch , un roman, réputé inadaptable, de William S. Burroughs, publié en 1959 en France et interdit de 1962 à 1966 dans certains états des Etats-Unis (pour obscénité). Ce roman d’une forme délibérément incohérente, situé aux frontières de la science-fiction et du surréalisme, traduit les errances, sous l’emprise de diverses substances hallucinogènes, de l’esprit de l’auteur emblématique de la Beat Generation, qui s’est adonné à un dérèglement systématique des sens. Pari risqué pour Cronenberg qui reçoit des critiques bienveillantes alors que le film est un flop considérable, ne rapportant, pour un budget de quelque 18 millions de dollars, qu’environ 2,6 millions. Mais Le festin nu va remporter de nombreux prix et vite devenir un film culte, acclamé pour ses éléments visuels et thématiques surréalistes. La musique composée par Howard Shore, incluant des pièces du jazzman Ornette Coleman, a contribué aussi à la réputation du film. Etrangement, Le festin nu, conte macabre et vertigineuse descente aux enfers, est peut-être le film le plus poétique de Cronenberg. (Metropolitan)
Kokomo CityKOKOMO CITY
Daniella, Dominique, Koko et Liyah se livrent sans tabou, avec humour et lucidité sur le travail du sexe, la communauté noire-américaine, la transidentité, les rapports femmes/hommes et l’amour. Elle même concernée par ces enjeux, la réalisatrice D.Smith offre un regard cru, nerveux et rare sur la vie de femmes hors du commun. Loin de tout misérabilisme ou d’une forme de culpabilisation, ce documentaire construit de façon thématique, avec un caméra en mouvement et tourné dans un beau noir et blanc travaillé, donne la parole à ses quatre protagonistes qui évoquent, sans jugement, le travail du sexe mais aussi le regard des hommes sur elles ou encore leurs difficultés en tant que personnes trans dans la communauté noire. Partageant le vécu de ses « personnages », D. Smith signe un film sincère qui donne une autre image que celle souvent à l’oeuvre dans l’imaginaire collectif. Parfois très près des visages, la cinéaste valorise ces quatre femmes, leurs corps et leurs histoires. Les vécus sont souvent tristes et violents mais leur authenticité est réelle. En traitant également de l’homosexualité et de l’homophobie, D. Smith parle aussi du rapport à la virilité des hommes qui fréquentent Daniella, Dominique, Koko et Lyah. Loin des tabous, Kokomo City, primé dans différents festivals, est un documentaire original, coup de poing, surprenant et éclairant. En supplément, un entretien (17 mn) avec la réalisatrice. (Pyramide)
Vie Revee Miss FranLA VIE REVEE DE MISS FRAN
Employée de bureau dans une petite entreprise portuaire d’Astoria sur la côte du Pacifique dans l’État de l’Oregon, Fran passe la plupart de son temps isolée et s’abandonne dans d’étranges rêveries à imaginer… sa propre mort. La vie bien rangée et organisée de cette jeune femme à la timidité maladive, va soudain être bouleversée par l’arrivée de Robert, un nouveau collègue… La cinéaste Rachel Lambert filme avec une grâce infinie et une tendresse omniprésente cette célibataire à l’existence millimétrée. Dans le décor plutôt tristounet d’Astoria, cité portuaire aux rues rectilignes, Fran cultive sa dépression. Et le film l’observe avec attention autant dans le vide de sa vie privée que dans son travail au bureau. Pour Fran, tout est de l’ordre du rituel. Passer une porte, retirer sa parka, la poser sur un un fauteuil, allumer sa lampe de bureau avant de mettre son ordinateur en marche. Autour d’elle, se déroule le ballet habituel de la vie de bureau avec ses réunions, ses blagues foireuses, ses fêtes d’anniversaire ou un départ à la retraite. Au milieu de tout cela, Fran est quasiment invisible à tous. Mais pas vraiment au fantasque et sympathique Robert qui semble s’intéresser à elle au point de l’inviter à aller au cinéma, à gouter une pâtisserie et même à échanger un baiser. Alors La vie rêvée de Miss Fran montre comment cette jeune femme, à l’allure triste, à la morne coiffure, sans âge et sans joie, va doucement sortir de sa coquille pour permettre, lentement, à ses sentiments de monter à la surface. La comédienne britannique Daisy Ridley a accédé à la célébrité internationale en 2015 avec son premier rôle majeur, celui de Rey dans Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force. Elle se glisse avec ce qu’il faut de raideur presque douloureuse dans la peau de la fantomatique Fran et apporte à ce personnage un état d’être humain à part entière. Il faudra une soirée entre amis au cours de laquelle est organisée une murder party pour que Fran se lâche franchement, montrant un réel talent pour simuler… l’agonie ! Une étrange, déroutante mais savoureuse (fausse) comédie romantique. (Condor)
Visages VictoireLES VISAGES DE LA VICTOIRE
Elles s’appellent Chérifa, Aziza, Jimiaa, Mimouna… Des femmes dont on n’entend quasiment jamais la parole. Les femmes des immigrés des fameuses Trente glorieuses, la période de forte croissance économique entre 1945 et 1975. Elles ont dû renoncer à leurs désirs de jeunesse, pour suivre des hommes qu’elles ont rarement choisis, et se résigner à leur sort, afin d’élever leurs enfants du mieux qu’elles ont pu. Leur victoire, c’est leur résilience et leur volonté d’émancipation, qui leur donnent au visage un sourire de jeune fille, comme retourné au fond du coeur. Réalisateur, acteur et dialoguiste, Lyèce Boukhitine a été remarqué pour ses courts-métrages primés dans différents festivals avant de signer un premier long-métrage, La maîtresse en maillot de bain (2002). Avec ce second « long », le cinéaste interroge la domination masculine vue à partir des témoignages d’épouses de travailleurs immigrés venues du Maghreb en France. Ce documentaire plein d’émotion est une belle leçon de vie offerte par des femmes d’une magnifique dignité filmées dans ce qu’elles ont de plus intime… Le cinéaste pose sur l’émigration un regard certes bienveillant mais dépouillé de toute complaisance pour raconter la réalité d’être femme, mère et/ou grand-mère maghrébines. C’est beau car Les visages d’une victoire renvoit à leurs études ceux qui pensent l’intégration impossible. Dans les suppléments, on trouve Les volets (2006, 12 mn), le court-métrage de Boukhitine nominé aux Césars du court-métrage 2007. (Pyramide)
Moi CapitaineMOI, CAPITAINE
Seydou et Moussa, deux jeunes Sénégalais de 16 ans, décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe. Mais, sur leur chemin, les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont très vite anéantis par les dangers de ce périple. Leur seule arme dans cette odyssée restera leur humanité… Seydou et son cousin Moussa n’étaient pas franchement malheureux dans leur pays natal. Ils ne souffraient pas de faim et la guerre était absente de leur univers. Pourtant, il y avait l’horizon d’une Europe idéale qui ne manquera pas de leur offrir, autour de leur passion pour la musique, la gloire et l’argent. Se refusant à écouter toutes les histoires qu’on raconte, Seydou va mentir à sa mère pour rejoindre tous ceux qui composent la longue et souvent tragique cohorte des migrants économiques. Commence alors, pour deux quasi-gamins toujours craintifs, une fuite en avant dans un Sahara superbe mais dangereux mais encore moins que les trafics et la violence des mafias de Libye. Les deux garçons, face à l’horreur, tentent encore de s’accrocher à la vie en montant sur un bateau où s’accumule une immense détresse… Lauréat du Lion d’Argent à la Mostra de Venise 2023, Io Capitano (en v.o.) marque le retour de l’Italien Matteo Garonne, réalisateur en 2008 du puissant Gomorra ou plus près de nous de Dogman (2018). Cette fois, le cinéaste romain compose un récit subtil, bouleversant et nécessaire, à l’approche oscillant tour à tour entre le documentaire et l’onirique, alliant la cruauté de l’existence des migrants aux rêves qui les traversent. Enfin Garrone peut compter sur deux interprètes magnifiques : Moustapha Fall et Seydou Sarr, récompensé du Prix du Meilleur Espoir à Venise. Une odyssée poignante ! (Pathé)
AquamanAQUAMAN ET LE ROYAUME PERDU
Quatre ans après les événements d’Aquaman (2018), Arthur Curry alias Aquaman est devenu le roi de l’Atlantide après avoir réussi à empêcher son demi-frère Orm de détruire le monde des humains. Orm emprisonné, Arthur est monté sur le trône. Il tente tant bien que mal de concilier sa vie de super-héros avec sa nouvelle vie de roi et de père de famille auprès de sa femme Mera et leur bébé, Arthur Jr.. Cependant, son règne est perturbé par un haut conseil qui lui impose de rester caché des « Surfaciens », les Terriens vivants à la surface. De plus, David Kane alias Black Manta est toujours en quête de vengeance depuis la mort de son père. Il a mis la main sur un Trident Noir lui conférant de nouveaux pouvoirs. Il utilise une ancienne technologie atlante qui provoque un imposant réchauffement climatique, qui touche aussi bien la terre que les océans. Aquaman va tout faire pour l’arrêter. Pour y parvenir, il devra demander l’aide d’un allié improbable, son frère Orm, toujours détenu pour ses crimes. Orm paraît être le seul à pouvoir les guider jusqu’à Kane. Aquaman part alors le libérer en douce, histoire d’éviter un incident diplomatique, accompagné d’un poulpe de communication dénommé Tobo… Après le film de 2018, le cinéaste australien James Wan est également à la manœuvre pour ce nouvel opus, quinzième et dernier film de l’univers cinématographique DC. Il apporte à son film un côté divertissement pop-corn qui se laisse déguster alors même que la narration est compliquée et que l’histoire est pourtant plutôt mince. Les effets spéciaux nous laissent un peu sur notre faim mais on peut se raccrocher au tandem des frères (pas si) ennemis incarnés par Jason Momoa (Aquaman) et Patrick Wilson (Orm) qui donnent au film une dimension buddy-movie… (Warner)
Wish Asha BonneEtoileWISH, ASHA ET LA BONNE ETOILE
Dans le royaume de Rosas, situé au large de la péninsule ibérique en Méditerranée et dirigé par le tyrannique roi Magnifico et la reine Amaya, Asha, une jeune fille de dix-sept ans se prépare à passer un entretien pour devenir l’assistante du Roi Magnifico. Ce dernier cherche quelqu’un pour l’aider à accomplir sa mission : exaucer les souhaits de son peuple. Mais la réalité qu’elle va découvrir est assez différente de la légende que cette tête couronnée entretient. Dans un moment de désespoir, Asha adresse un vœu à une force cosmique. Star, une petite boule d’énergie, répond à son appel. Ensemble, elles vont affronter le plus redoutable des ennemis et prouver que le souhait d’une personne déterminée peut faire des miracles. Disney a soufflé sa centième bougie pour les fêtes de Noël 2023 avec le 62e « classique d’animation » de ses studios. Combinant animation par ordinateur et animation traditionnelle à l’aquarelle, le film reprend un thème majeur de nombreux films Disney, à savoir la concrétisation des souhaits en jouant sur des clins d’œil à ses classiques. Les cinéastes Fawn Veerasunthorn et Chris Buck livrant en effet une lettre d’amour à plusieurs classiques de l’animation. La thématique du vœu est au cœur de la démarche et il n’est pas surprenant d’entendre, au post-générique, Quand on prie la bonne étoile…, la chanson qui sert d’identité sonore à Disney depuis des décennies. Wish, Asha… n’a pas reçu un accueil critique très favorable. On a parlé d’intrigue souffreteuse ou de scénario faiblard mais la magie opère néanmoins et le film prend alors, notamment avec une jolie héroïne aux amusantes mimiques, les atours d’un divertissement tout à fait respectable et convaincant. (Disney)
TentaculesTENTACULES
Ocean Beach est une station balnéaire américaine, tranquille et familiale. Tout bascule lorsqu’un bébé et un marin disparaissent. Quelques heures plus tard, leurs corps sont retrouvés atrocement mutilés. L’enquête mettra à jour l’existence d’une créature gigantesque et monstrueuse, cachée au fond de l’océan. Au milieu des années 1970, le cinéma américain vit le choc Jaws. Le film de Steven Spielberg va connaître un succès au retentissement mondial. Les dents de la mer va donner naissance à de multiples avatars… En 1977, avec Tentacules, le réalisateur gréco-italien Ovidio G. Assonitis décide en effet de surfer sur cette vague de succès et de faire son propre film de monstre marin. Mais quel autre animal des profondeurs pourrait s’avérer aussi terrifiant qu’un requin ? Son choix se porte alors sur une pieuvre géante, créature effrayante et repoussante avec toutes ses tentacules à ventouses… Film de catastrophe sous-marine, Tentacules reprend évidemment des clichés du genre. Les scènes d’attaques sont cependant très diversifiées et assez spectaculaires, certaines scènes étant même d’une grande cruauté. Mais il y a peu de gore à l’écran et les agressions suggérées laissent la place à l’angoisse lorsqu’on aperçoit l’ombre menaçante de la créature avant qu’elle ne passe à l’attaque. Après la mort de l’énorme véritable pieuvre qui devait apparaître dans la plupart des plans, le réalisateur a été contraint de faire preuve d’inventivité pour ses effets spéciaux. Il rassemble aussi un casting « deluxe » puisqu’on croise ici John Huston, Bob Hoskins, Shelley Winters ou Henry Fonda. Ce cauchemar des profondeurs sort en combo blu-ray + DVD accompagné d’un livret (24 pages) signé Marc Toullec. (Rimini Éditions)
TransgressionsTRANSGRESSIONS
Assurément, Tinto Brass est un personnage du cinéma italien. Oh, pas celui de l’art et essai mais bien celui, plus particulier de l’érotisme. Entre 1963 et 2005, le cinéaste milanais, aujourd’hui âgé de 91 ans, a tourné plus d’une vingtaine de longs-métrages dont les plus connus sont Caligula (1979) même s’il n’est crédité qu’en tant que chef-opérateur ou La clé (1983) dans lequel Stefania Sandrelli livra une composition charnelle spectaculaire. En 2000, il met en scène dans Tra(sgre)dire (en v.o.) les aventures de Carla, une jolie Vénitienne de 20 ans, à la recherche d’un appartement à Londres, pour s’installer avec Matteo, un étudiant dont elle est très amoureuse. Mais le couple propriétaire de l’agence immobilière cultive des mœurs très libres. Ils vont entraîner une Carla très en demande dans une course folle à travers le Londres érotique… Comme Matteo a décidé de la rejoindre, Carla retarde le plus possible son arrivée… Du Tinto Brass pur jus qui confie, une fois de plus, à une ravissante jeune femme le soin de « divertir » le spectateur en lui dévoilant, abondamment, les charmes de son anatomie. Ici, c’est la ravissante actrice ukrainienne Yuliya Mayarchuk qui se charge de faire voleter ses (légers) vêtements. On a compris rapidement que le scénario pas plus que la mise en scène ne nous révélera d’inoubliables instants. Mais, on s’en doute, ce n’est pas le souci du bon Tinto qui se contente d’un vaudeville hard, inédit en blu-ray, qui vient enrichir la collection Tinto Brass de l’éditeur… (Sidonis Calysta)
FalloFALLO !
Pour l’heure, Fallo ! (qui peut se traduire en français par Fais-le!) est l’avant-dernier film de Tinto Brass, réalisé en 2003. Dans la bonne tradition du cinéma transalpin (voir plus haut), il compose son film en six sketches qui montrent des couples qui vont mal au milieu d’un monde de connivence, de trahison et de mensonges. Dans Alibi, Cinzia fête son septième anniversaire de mariage avec son mari à Casablanca et ce dernier lui offre un beau serveur marocain. Avec Double trouble, l’épouse d’un directeur d’une chaîne de télévision renoue avec son mari qui vient de la tromper. Dans Deux coeurs, Katarina serveuse dans une pension du Tyrol du sud, poussée par son petit ami Ciro, cède aux avanaces de Bertha, une grosse dominatrice allemande. Avec Jolly Bangs, l’innocente et perverse Raffaela fait croire à Ugo, son mari, que ses aventures extra-conjugales sont salutaires à leur vie de couple. Dans Honni soit qui mal y pense, la sensuelle Anna se lance à corps perdu dans l’ambiance échangiste du Cap d’Agde… Enfin, dans Call me Pig… I like it, la frivole Rosy, professeur à Venise, lors de son voyage de noces à Londres, s’offre à son mari inexpérimenté sous les regards avides d’un voyeur anglais… Autant d’épisodes qui permettent à Sara Cosmi, Silvia Rossi, Federica Tommasi, Raffaella Ponzo, Virginia Barrett, Angela Ferlaino, Maruska Albertazzi ou Federica Palmer d’exhiber largement leurs charmes et à Brass de les filmer goulument. Inédit en blu-ray. (Sidonis Calysta)

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