La matonne, les secrets d’Annie et les amours de la coach
SPIRALE.- Surveillante pénitentiaire expérimentée, Melissa Dahleb a tourné le dos à l’épuisante vie parisienne et plus encore à la difficile pression de la prison de Fleury-Mérogis. Cette jeune femme de 32 ans s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et Djibrill, son mari. Tous espèrent ainsi vivre un nouveau départ. Melissa intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres. Ici, on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens. Rapidement, la matonne est surnommée Ibiza en référence à la chanson de Julien Clerc. Tandis que Djibrill galère pour décrocher une formation à la menuiserie et que la famille s’embrouille avec un voisin à cause d’un chien, à l’Unité 2 de la prison (où sont regroupés uniquement les Corses), l’intégration de Melissa est facilitée par Saveriu. Ce jeune détenu semble influent et la place sous sa protection. Sa peine purgée, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander… Oh, trop fois rien, faire parvenir une montre à l’un de ses amis détenus… Pendant ce temps, la police détaille les images de caméras de surveillance et se casse la tête sur un double assassinat à l’aéroport d’Ajaccio.
En 2019, on avait beaucoup apprécié La fille au bracelet, le précédent film de Stéphane Demoustier, un film de procès autour de la question « Qui a tué ? » Déjà, le cinéaste proposait une approche singulière du film de genre. Et il le fait encore avec Borgo (France – 1h57. Dans les salles le 17 avril) qui n’est pas tout à fait un film sur la prison, pas vraiment un film policier mais plutôt une réflexion, au coeur d’une action de plus en plus palpitante et angoissante, sur la hiérarchie sociale, la notion d’éthique et aussi le fait d’être étranger à une communauté.
« On a tous déjà ressenti, explique le cinéaste, à des degrés différents bien sûr, l’impression d’être un étranger ou un minoritaire quelque part, au sens où la langue mais parfois simplement les codes ou la culture d’un groupe nous échappe. Le fait de prendre une Française, d’origine maghrébine et de la faire entrer dans un endroit insulaire comme la Corse plaçait d’emblée, et de manière exacerbée, le personnage de Melissa dans la peau d’une étrangère. »
En allant au-delà des grilles de son nouveau lieu de travail, Melissa découvre vite une autre « appréciation des problématiques » comme le souligne la directrice de l’établissement. Outre le fait que la prison fonctionne selon un régime ouvert où les détenus vivent « librement » leur vie, la matonne va constater que, dans ces lieux, les rivalités des bandes sont mise de côté le temps de l’incarcération. Mais, hors les murs, ce n’est pas vraiment la même chose. D’abord parce qu’on sait tout d’elle. Ainsi l’aimable Saveriu va régler aussi bien le conflit de voisinage dans la cité que l’accès à la formation de Djibrill. Ensuite, la redoutable spirale des services rendus se met en place. Saveriu invite Melissa à venir tirer au fusil automatique et lui demande la date de sortie en permission pour un détenu. Bientôt, c’est un beaucoup plus gros service qu’on va demander à la surveillante…
L’excellente Hafsia Herzi incarne cette Melissa tout le temps prise dans un rapport de forces entre les injonctions de sa hiérarchie et les sollicitations (doucement) pressantes de Saveriu et d’autres. Et ce n’est pas parce que Melissa sourit en entendant, de cellule en cellule, les détenus chanter en corse Melissa, métisse d’Ibiza, que la tension qui traverse constamment Borgo chute d’une once !
MENSONGES.- Dans la famille Marsault, c’est jour de liesse. Dans une grande et belle maison, on fête l’anniversaire d’Annie, épouse de François et mère heureuse de trois grands enfants déjà entourés de leurs propres enfants. Bien sûr, quand, devant les bougies du gâteau, François entonne une version arrangée de Happy Birthday aux accents de la Marseillaise, ça vanne un peu. Il est vrai que François a été général dans l’armée française et qu’il prône toujours des valeurs d’honneur, de droiture, de respect et de courage. C’est lorsque François entreprend des aménagements dans les combles de la maison que les choses vont prendre une tournure une peu spéciale. Un vieux carton cède. Un coffret tombe et répand des lettres serrées dans un ruban rouge. Les courriers sont adressés à Annie. Ils datent de quarante ans mais François s’étrangle à l’évocation de la poitrine incandescente de sa femme ou de son triangle de Vénus en éruption ! Annie, elle, affecte d’avoir oublié : « C’est loin tout ça ! » Mais, pour François, c’est maintenant que son infortune lui tombe sur la tête et il ne supporte pas d’avoir été la victime des mensonges de son épouse…
C’est une histoire vraie qui a été le déclencheur de N’avoue jamais (France – 1h34. Dans les salles le 24 avril), celle, il y a quelques années en Italie, d’un Sicilien de 92 ans qui a découvert des lettres d’amour destinées à sa femme, datant de plus de 70 ans… Mais à une époque où cet homme était déjà marié avec elle. Ne réussissant à lui pardonner cet adultère pourtant si ancien, il a demandé et obtenu le divorce, ce qui avait fait de lui le plus vieux divorcé d’Italie… Le fait-divers a fait sourire Ivan Calbérac et lui a inspiré cette comédie dans laquelle il a quand même rajeuni les protagonistes. Ce sont donc André Dussollier tout en élégance et Sabine Azéma toute en grâce qui sont au centre de cette aventure douce-amère où un couple qui semblait aller bien jusque là, se retrouve dans une impasse.
Annie affirme ne plus se souvenir de cette lointaine passade mais François retrouve ses instincts d’homme d’action et décide d’aller casser la gueule d’un rival (Thierry Lhermitte) qui fut aussi un ami… de jeunesse.
Le réalisateur de L’étudiante et Monsieur Henri (2015) ou Venise n’est pas en Italie (2019) développe une histoire où tout le monde a un secret, quelque chose à cacher. C’est le cas d’Annie mais aussi de François auquel son rival rappelle une certaine Sophie. Du côté des enfants également, les choses ne sont pas simples. Amaury, militaire comme son père, se désespère de n’avoir que des filles, Adrien, artiste marionnettiste, n’a jamais réussi à communiquer avec son père et Capucine lui cache depuis toujours son orientation sexuelle… Et lorsque la chanson de Guy Mardel qui donne son titre au film, résonne sur l’écran, on se dit qu’en effet…
TENNIS.- Encore adolescents, Patrick Zweig et Art Donaldson étaient déjà des pointures de la petite balle jaune. Sur les courts, ils frappaient tous les deux comme des sourds et s’affrontaient au petit jeu de celui qui serait le meilleur. Sur le circuit, tous les deux vont tomber sous le charme de Tashi Duncan, la plus talentueuse joueuse de sa génération. Leur existence bascule lorsque les deux se retrouvent sur le même lit que la gracieuse Tashi. Les trois vont rapidement échanger des baisers passionnés et se laisser emporter par un puissant désir… A la suite d’une grave blessure au genou, Tashi Duncan renonce à la compétition pour devenir coach. Elle va se consacrer à la carrière d’Art, devenu son mari et le père de sa fille, le faisant passer de joueur moyen à un champion de Grand Chelem. Pour le sortir d’une récente série de défaites, elle le fait participer à un tournoi « Challenger » où il se retrouve face à Patrick… Une abondance de souvenirs se réveille instantanément.
Si l’on en croit Luca Guadagnino, la force de caractère d’un individu dégage une puissance magnétique et charismatique. Quand elle se manifeste dans la manière dont les gens se consacrent à leur passion, à leur art, à leur vocation, elle peut même se révéler aphrodisiaque ! « Et quand on la perçoit dans leur approche de l’amour et du désir, la force de caractère devient un avantage – même s’il est difficile de savoir qui en bénéficie et qui en pâtit. On peut être fasciné par un mouvement de balancier entre plusieurs sentiments extrêmes. Et séduit par quelqu’un qui exerce son pouvoir. »
Avec Challengers (USA – 2h11. Dans les salles le 24 avril), le cinéaste italien (remarqué pour A Bigger Splash en 2015 et Call Me by Your Name en 2017) signe une aventure où le tennis se mêle au sexe et à l’amour. Manifestement, Guadagnino a décidé d’en mettre plein la vue au spectateur, du genre : Vous allez voir ce dont je suis capable ! Les matches de tennis sont donc l’occasion de contre-plongées et de balles frappées puissamment qui foncent quasiment dans l’oeil du public. Comme la narration (le récit se déroule entre le début des années 2000 et 2019) n’est pas linéaire, on saute d’avant en arrière et d’arrière en avant au point de perdre un peu la notion du temps tout en ne cessant de constater que les rapports entre les trois protagonistes ne sont pas simples. Art aime-t-il toujours sa femme ? Patrick n’a-t-il jamais cessé de désirer Tashi ? Et comment Tashi fait-elle pour continuer à jongler entre les deux amants de ses 18 ans ?
Interprète de Riff dans le West Side Story (2021) de Steven Spielberg, l’Américain Mike Faist incarne Art Donaldson face à Patrick Zweig joué par le Britannique Josh O’Connor qui tint le rôle du prince héritier Charles d’Angleterre dans la série The Crown. Mais Challengers est fait sur mesure pour Zendaya, la nouvelle coqueluche afro-américaine d’Hollywood. Sa Tashi est une femme ambitieuse, forte, féroce, intransigeante et animée par un esprit de compétition…