LA DEFAITE D’UN COUPLE, LES AVENTURES D’APU ET LE CINEMA DE JEANNE
ANATOMIE D’UNE CHUTE
Samuel est mort. Son corps git dans la neige au pied du grand chalet alpin dans lequel il s’était installé, il y a un an, avec sa femme Sandra et leur fils Daniel. Mais comment Samuel est-il mort ? A-t-il chuté du haut des combles ? Faut-il chercher une autre explication ? Et s’il s’agissait d’un homicide ? Car Sandra et Samuel n’étaient pas avares de disputes… Sandra, affolée, bouleversée, a appelé les secours. Les enquêteurs ont investi les lieux. Une autopsie a lieu. On parle de traumatisme crânien mais aussi de lésions à la tête antérieures au choc avec le sol. Désormais, l’affaire prend une autre tournure. Et Sandra Voyter fait figure de suspecte. A Vincent Renzi, un vieil ami avocat, Sandra dit fermement : « Je ne l’ai pas tué ! » L’engrenage de la justice s’est cependant mis en branle. La « machine », avec son impressionnant décorum, ne s’arrêtera plus. Mais l’essentiel du propos n’est pas là. Justine Triet le dit bien : « Je souhaitais faire un film sur la défaite d’un couple. L’idée, c’était de raconter la chute d’un corps, de façon technique, d’en faire l’image de la chute du couple, d’une histoire d’amour. » De fait, Anatomie d’une chute est à la fois un authentique film de procès et la fin d’une histoire d’amour vue à travers ses deux protagonistes principaux qui remontent le temps pour faire apparaître leurs blessures, leurs doutes, leurs désastres… La grande force du quatrième long-métrage de Justine Triet, c’est qu’il parvient, avec brio, à nous faire entrer, avec une précision rarement vue au grand écran, dans les arcanes d’un procès d’assises et à nous amener, dans un même mouvement, à partager le cheminement d’une femme accusée d’homicide. Le tribunal est un lieu où l’histoire n’appartient plus aux personnages puisqu’elle est jugée par d’autres qui doivent la reconstituer à partir d’éléments épars et ambigus. Devant ses juges, Sandra est ainsi brutalement mise à nu. Son intimité, sa bisexualité, tout y passe, tout explose, y compris cette utopie magnifique mais très difficile à atteindre qu’est l’égalité dans le couple. Dans le rôle de Sandra tour à tour bouleversante et inquiétante, l’actrice allemande Sandra Hüller est constamment au coeur du propos. Son jeu révèle (ou dissimule) les secrets et les angoisses d’une femme au coeur d’un chaos judiciaire et personnel. Swann Arlaud, comédien « hanté » tout en finesse et en regards, est l’avocat de Sandra. C’est à lui que cette femme, désormais brisée, livrera ce rude constat : « Quand on perd, on perd. Quand on gagne, on espère une récompense. Mais c’est juste fini ». Palme d’or à Cannes, Anatomie… a raflé récemment les prix du Cinéma européen. Une superbe réussite ! (Le Pacte)
LA TRILOGIE D’APU
« Ne pas avoir vu le cinéma de Ray revient à exister dans le monde sans avoir vu le soleil ou la lune… » C’est le grand maître japonais Akira Kurosawa qui parle ainsi de son homologue bengali… En fait, en marge de Bollywood, Satyajit Ray (1921-1992) a fait découvrir au monde le cinéma d’auteur indien grâce à son premier film, La complainte du sentier en 1955. Avec L’Invaincu en 1956 puis Le monde d’Apu en 1959, il réalise une chronique à la profonde beauté de la vie d’Apu, de son enfance dans une famille pauvre du Bengale rural jusqu’à l’âge adulte à Calcutta, au rythme de l’inoubliable musique de Ravi Shankar. Cette trilogie mythique sort, pour la première fois, dans un coffret (trois disques) Blu-ray et dans une superbe restauration 4K. Première œuvre de Ray en 1955, La complainte du sentier (Pather Panchali) raconte la vie d’une famille pauvre dans un village du Bengale occidental, vers 1910. Elle a été obligée de vendre le verger qu’elle possédait. Leur petite fille, Durga, avec la complicité de la vieille femme Indir, de la famille du père, hébergée par eux, continue de prendre des fruits dans le verger. Le père, brahmane, lecteur de textes sacrés, qui travaille à Bénarès, rentre pour la naissance de leur deuxième enfant, Apu. Dans L’invaincu (Aparajito, 1956), nous sommes en 1920, Apu, âgé d’environ dix ans, vit avec ses parents installés à Bénarès, logés dans une ancienne maison au cœur de la ville. Tandis que le père, brahmane, officie sur les ghats sur les bords du Gange, Apu le regarde, observe les gens et la vie en ces lieux où, avec d’autres enfants, il se promène dans les ruelles étroites de la ville… Enfin, en 1959, Ray achève sa trilogie avec Le monde d’Apu (Apur Sansar) dans la Calcutta de 1930 où, Apu, qui vit dans une modeste chambre donnant sur une voie ferrée, doit renoncer à poursuivre ses études. Face aux réclamations pour des mois de loyers impayés, il vend ses livres pour avoir de l’argent et cherche du travail pour payer ses mois de loyer en retard. Pour réconfort, il reçoit une lettre l’informant que sa nouvelle, L’Homme de la terre, sera publiée. Riche de nombreux suppléments dont Satyajit Ray, documentaire-fleuve réalisé en 1985 (137 mn) par Shyam Benegal où l’illustre réalisateur revient en détail sur son parcours, son œuvre et sa vision de la mise en scène, illustrée par de nombreux extraits de films, le coffret est accompagné d’un livret inédit (80 pages) dans lequel Charles Tesson analyse comment les aventures du jeune Apu, adaptées d’un classique en deux tomes de la littérature bengalie, ont ouvert une nouvelle voie aux cinémas de l’Inde. (Carlotta)
COFFRET JEANNE MOREAU CINEASTE
Avec Simone Signoret et Romy Schneider, Jeanne Moreau (1928-2017) est l’une des plus grandes actrices du cinéma français. A travers plus de 130 films, dont Ascenseur pour l’échafaud, Les amants, Moderato cantabile, Jules et Jim, Eva, Le journal d’une femme de chambre ou La mariée était en noir, elle a imposé l’image d’une comédienne exigeante et brillante et d’une femme touchée par la grâce. Mais sait-on que l’actrice la plus libre du cinéma français a aussi écrit et réalisé trois films entre 1976 et 1983 ? Restaurés à l’initiative de la Fondation Jeanne Moreau, on découvre pour la première fois dans un coffret Blu-ray, ses deux longs-métrages de fiction ainsi que son moyen-métrage documentaire Lillian Gish. Autant d’attachants portraits de femmes ! Avec Lumière (1976), Jeanne Moreau met en scène le parcours sentimental et professionnel de quatre amies comédienne. Elles vivent intensément et font tour à tour face à différentes préoccupations, en tant que femmes et actrices. Leur solide complicité s’incarne dans la figure centrale de Sarah (Jeanne Moreau, cette fois, devant la caméra), la plus célèbre d’entre elles… Dans L’adolescente (1979), on partage l’été de Marie, 12 ans, qui, comme chaque année, s’apprête à partir, avec ses parents, pour les grandes vacances chez sa grand-mère paternelle (Simone Signoret) dans le centre de la France. Nous sommes en juillet 1939 et l’été de Marie sera marqué par la découverte de l’amour, alors que plane bientôt l’ombre de la guerre… Enfin Lillian Gish (1983) est un portrait-hommage dans lequel la cinéaste part à la rencontre de l’une des stars les plus marquantes du cinéma muet hollywoodien. La vedette d’ Intolérance, Le lys brisé, Naissance d’une nation ou encore La nuit du chasseur revient sur sa carrière depuis ses débuts en 1913 et sur sa passion pour le septième art, guidée par une curiosité insatiable… Le coffret est accompagné d’un livret rédigé par Jean-Claude Moireau, photographe et biographe officiel de Jeanne Moreau, illustré de nombreuses photos des films et enrichi de multiples suppléments sur le tournage de Lumière ou de L’adolescente mais aussi Vive le cinéma !: Jeanne Moreau et Orson Welles (Jacques Rozier, 31 mn) où les deux amis, au cours d’un dîner, se racontent des souvenirs d’enfance et de cinéma ou encore l’interview cannoise réalisée par Jeanne Moreau du réalisateur, producteur et acteur américain Clint Eastwood, alors président du jury du Festival de Cannes 1994. (Carlotta)
COFFRET 100 ANS DE LA WARNER
1923-2023 : en cent ans d’existence, la Warner Bros a su imposer sa marque de fabrique : l’ambition artistique des projets et la fidélité aux créateurs. Audacieux depuis toujours dans le choix des thèmes abordés, la Warner réussit à se réinventer au fil du temps et devient l’un des fers de lance du Nouvel Hollywood… Et la firme qui doit son nom aux quatre fondateurs Harry, Albert, Sam et Jack Warner, a su encore se réinventer au tournant du 21e siècle avec des sagas rapidement devenues légendaires. A l’occasion du centenaire, sort un imposant coffret Blu-ray Anniversaire Ultime qui réunit 100 films iconiques du studio. Ce coffret contient quatre collections de 25 films classés par genres : volume 1 Grands classiques, volume 2 Romances et comédies musicales, volume 3 Drames et thrillers, volume 4 Fantastique et science-fiction. Les quatre volumes sont également disponibles à l’achat séparément. A l’affiche : Casablanca ou Rio Bravo, Bonnie & Clyde ou Ben-Hur, Chantons sous la pluie ou Le bal des vampires, Sur la route de Madison ou Eyes Wide Shut, Les hommes du président ou La horde sauvage, Amadeus ou Mystic River, Vol au-dessus d’un nid de coucou ou Joker, 2001 ou Blade Runner, Orange mécanique ou Dune, Shining ou L’exorciste… Pour tout achat du coffret (499,99 euros), est offert un échantillon de pellicule 35 mm, avec certificat d’authenticité, de l’un des films suivants : La mort aux trousses, Les affranchis, Impitoyable ou Matrix. (Warner)
YANNICK
Sur la scène d’un théâtre parisien, trois comédiens jouent Le cocu, une pièce de boulevard, devant un public plutôt clairsemé. Le texte n’est pas très bon. Et c’est un euphémisme. Les comédiens le donnent mollement, sans y croire. C’est alors que se produit l’inconcevable. Dans les rangées, un type se lève et interrompt le spectacle. Il se prénomme Yannick, vit à Melun et est veilleur de nuit dans un parking. Il a pris un congé pour venir au théâtre. Pour ce faire, il a fait près d’une heure de transport en commun et de marche à pied. Alors, il le dit tout de go. Il n’aime pas la pièce. Il est venu pour se divertir, se changer les idées, oublier un quotidien sans joie. Et quoi ? On lui casse le moral comme jamais. Sur la scène, les trois comédiens sont bouchée bée. Ils se demandent quoi faire, comment réagir. Quentin Dupieux est décidément l’un des cinéastes les plus surprenants du cinéma français. D’abord, parce qu’il fait des films courts, ensuite parce qu’il en réalise beaucoup et enfin et surtout parce qu’il réussit, à chaque fois, à être parfaitement original. Yannick est une pure comédie qui a le mérite de poser la question du spectacle et du public. Et oui, si le public, à l’instar de Yannick, décidait d’intervenir, de donner son avis, de proposer sa propre vision des choses. Bien sûr, Yannick a des arguments « frappants » mais il va contraindre les comédiens, et en premier chef, Paul Rivière, à franchir un seuil, passer un cap, péter lui-même gravement les plombs. Tout cela est intense, rapide, efficace et très drôle. Pio Marmaï, Blanche Gardin et Sébastien Chassagne sont drolatiques. Dupieux a écrit Yannick pour le plaisir de diriger Raphaël Quenard auquel il permet une composition mémorable. On se régale ! (Diaphana)
ASTERIX ET OBELIX – MISSION CLEOPATRE
L’histoire commence il y a bien longtemps, à Alexandrie (ou en Alexandrie, on peut dire les deux…) Jules César défie Cléopâtre de lui construire un palais en trois mois. Délai impossible à tenir pour Numérobis, l’architecte égyptien. Son seul espoir : Panoramix et sa potion magique. Avec Astérix, Obélix et Idéfix, nos héros vont devoir déjouer les plans du vil Amonbofis, l’architecte rival, jaloux de ne pas avoir été choisi… En 2001, Alain Chabat réalise la deuxième adaptation des aventures d’Astérix et Obélix sur grand écran. Ce nouveau volet est un triomphe avec presque quinze millions d’entrées. Sur les cinq adaptations réalisées à ce jour, l’Astérix de Chabat détient le record du box-office. Crépitant de vannes et de blagues scandées par un casting cinq étoiles, ce film-culte qu’on ne se lasse pas de revoir, a été rénové en totalité et en 4K. Après une ressortie en salle l’été dernier (plus de 400 000 spectateurs dans les salles), voici les aventures de l’inoxydable Gaulois disponible dans deux éditions : un coffret collector limité et numéroté ainsi qu’un Steelbook inédit contenant l’affiche de la ressortie en version rénovée 4K, un jeu inédit en forme de course contre le sablier pour construire le Palais à temps ! Plus de 450 questions sur le film, des défis, de bonnes ou mauvaises situations et même des trucs pointus (pour les experts en Mission Cléopâtre) ! En bonus, un documentaire sur la restauration du film (inédit), le commentaire audio d’Alain Chabat, le making of – « Le Comankonafé » -, des scènes inédites et le director’s cut… Pour finir, disons-le simplement, Mission Cléopâtre est le meilleur de tous les films sur Astérix ! (Pathé)
INTEGRALE JOANNA HOGG
Née à Londres en 1960, Joanna Hogg grandit dans une ville du Kent. Elle travaille comme photographe pendant quelques années avant d’intégrer la National Film and Television School dans les années 80. Elle travaille pendant vingt ans pour la télévision et la vidéo, avant de réaliser son premier film en 2007 avec Unrelated qui évoque Le rayon vert (1986) d’Eric Rohmer et offrira à Tom Hiddleston son premier rôle au grand écran avant de devenir célèbre en incarnant Loki, un super-méchant de l’univers Marvel. En 2019, elle réalise The Souvenir, un film autobiographique qui traite de l’emprise et de la relation toxique vécue lorsqu’elle était étudiante. Et, en 2022, elle met en scène, tel une mise en abyme, The Souvenir II qui suit Julie, étudiante en cinéma qui réalise son film de fin d’études, alors qu’elle sort tout juste de sa relation toxique. Dans les deux Souvenir, la cinéaste retrouve sa compatriote Tilda Swinton. Pour la première fois, Joanna Hogg se dévoile dans un coffret (trois dvd) reprenant l’intégralité de sa filmographie. Une carrière unique, pour une cinéaste avant-gardiste de l’introspection dont les discrets personnages, souvent en retraite, observent le monde autour d’eux. De cette réalisatrice ovationnée par ses pairs, on découvre aussi Archipelago (2010), Exhibition (2013) et The Eternal Daughter (2022) dans lequel Julie et sa mère âgée séjournent dans un hôtel de la campagne anglaise. Réalisatrice en plein doute, elle espère y retrouver l’inspiration. Sa mère est déjà venue dans sa jeunesse dans cet hôtel. Julie est saisie par l’étrange atmosphère des lieux où les couloirs sont déserts, la standardiste a un comportement hostile, et son chien n’a de cesse de s’échapper. La nuit tombée, les circonstances poussent Julie à explorer le domaine. Elle est alors gagnée par l’impression tenace qu’un indicible secret hante ces murs. (Condor)
LE COLIBRI
Une superbe villa, au bord de la mer… Début des années 70. C’est là que la famille Carrera passe ses vacances. Ce soir-là, les parents sortent dîner avec des amis. Leurs grands enfants, Marco, Giacomo et Irène, restent à la maison. Giacomo, l’alcool aidant, est effondré sur le sofa. Irène, qui souffre de problèmes mentaux, écoute de la musique. Marco, lui, doit retrouver discrètement Luisa, une jeune Française dont il est tombé amoureux. C’est un amour qui ne sera jamais consommé mais qui ne s’éteindra jamais… Mais, cette nuit-là, la tragédie survient… L’Italienne Francesca Archibugi adapte le best-seller éponyme de Sandro Veronesi paru en 2019. Au centre du livre comme du film, apparaît le personnage-pivot de Marco Carrera, un homme qui a un problème, non pas de courage, mais d’intégrité, de rectitude morale. Il crée le désastre en voulant le bien. « Il n’est pas en capacité, dit la cinéaste, de comprendre la portée de ses actes : on ne peut pas conserver en soi, comme prisonnier d’un coffre-fort ou d’un donjon, un tel sentiment amoureux, sans que cela mène à la catastrophe. » Grand mélodrame qui charrie un mäelstrom de sensations émouvantes, le film s’attache à un homme qui explose de désir contenu. Le sexe, c’est le désordre et il ne rêve que d’ordre. Cependant, lors d’une soirée de poker, Marco (l’excellent Pierfrancesco Favino) va comprendre qu’il n’est pas obligé de suivre les règles du jeu… (Orange Studio)
THE HOST
A Séoul, Park Gang-du tient un petit snack décrépi qui vend des calamars grillés au bord de la rivière où il vit avec sa famille, dont sa fille adorée Hyun-seo. Un jour, un monstre géant surgit des profondeurs de la rivière et attaque la foule. Gang-du tente de s’enfuir avec sa fille, mais elle est enlevée brusquement par le monstre, qui disparaît au fond de la rivière. La famille Park décide alors de partir à la recherche de la créature, pour retrouver Hyun-seo… D’autant qu’il reçoit un appel téléphonique de Hyun-seo, qui lui dit qu’elle est coincée quelque part dans les égouts avec la créature avant que son portable s’arrête de fonctionner… Remarqué en France avec Memories of Murder (2003), un polar ironique et très maîtrisé qui prenait brillamment ses aises avec le genre, Bong Joon-ho conserve son ironie mordante pour s’attaquer au film de monstre. Et il a frappé fort dans son pays, The Host établissant un record absolu avec 14 millions de spectateurs ! Il est vrai que la mise en scène est simplement époustouflante, les effets spéciaux épatants et le cinéaste n’oublie pas, tout en se régalant des codes du genre, de distiller un discours autour d’une machination politique et des risques écologiques. Car c’est bien le déversement dans le fleuve Han d’un produit très toxique qui a donné naissance au monstre… Cette très belle édition (en version restaurée 4K) sort, avec en suppléments, notamment le storyboard complet de 334 pages en coréen et traduit en anglais et français, Histoire(s) de famille, un documentaire exclusif (52 mn) réalisé par Jésus Castro qui revient sur The Host quinze ans plus tard, la masterclass donnée par Bong Joon-ho au Grand Rex en février 2023, des documents sur le tournage etc. The Host a été présenté en 2006 à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes. Bong Joon-ho reviendra sur la Croisette en 2019 pour rafler la Palme d’or avec Parasite ! (The Jokers)
LA VOIE ROYALE
Brillante lycéenne, Sophie Vasseur, encouragée par son professeur de mathématiques, quitte la ferme familiale installée dans le Rhône pour suivre une classe préparatoire scientifique à Lyon. De succès en échecs, face à une compétition acharnée où tous les coups sont permis (ou presque), la jeune fille réalise que son rêve, en l’occurence intégrer Polytechnique, représente plus qu’un concours… un vrai défi d’ascension sociale. Après Complices (2008) et Moka (2016), le Suisse Frédéric Mermoud s’inscrit dans le genre du film d’apprentissage pour détailler le « chemin de croix » d’une jeune fille très douée qui décide de laisser derrière elle l’élevage de porcs de sa famille pour aller vers les grandes écoles. Révélée, en 2021, dans Les choses humaines d’Yvan Attal, Suzanne Jouanet incarne une bûcheuse qui s’avance, avec courage et ténacité, dans un système impitoyable. Mais le cinéaste, en cultivant une écriture à la fois romanesque et réaliste, ne fait jamais de Sophie, une victime. De par son parcours et ses racines, Sophie est moins consciente de certains enjeux sociaux que ses condisciples qui comprennent mieux qu’elle l’échiquier social et maîtrisent les codes qui le régissent. Sophie est elle-même son premier obstacle. Mais elle va chercher à bousculer ce qui lui semble prédestiné… Un film social aussi intelligent que son personnage central. (Pyramide)
BUG
Serveuse solitaire au passé tragique, Agnès loge dans un vieux motel peu fréquenté au bord d’une route perdue dans l’immensité de la plaine américaine. Elle vit dans la peur de Jerry Goss, son ex-mari violent qui vient d’être libéré sur parole. Par l’entremise d’une collègue, elle rencontre Peter, un nouveau client du bar. Agnès (Ashley Judd) retrouve espoir en esquissant une romance avec cet homme calme, excentrique et mystérieux, jusqu’à ce qu’il lui révèle que des insectes particulièrement rares s’introduisent sous sa peau… En 2006, alors qu’il est sur la fin de sa carrière (il ne tournera plus que deux films après Bug), William Friedkin, célèbre autant pour French Connection (1971) que pour L’exorciste (1973), met en scène un thriller adapté de la pièce de théâtre éponyme écrite en 1996 par Tracy Letts qui signe également le scénario du film. Ce drame doit beaucoup au personnage de Peter, cet ancien militaire (Michael Shannon, mystérieux à souhait) avec lequel Agnès se sent en sécurité au point d’accepter d’entrer dans son univers auto-destructeur… Une histoire allégorique sur le couple et une renaissance par l’amour… (Metropolitan)
HYPNOTIC
Inspecteur au département de police d’Austin, Danny Rourke fréquente une ergothérapeute à laquelle il parle de l’enlèvement de sa fille Minnie, âgé de 7 ans, survenue il y a quelques années. Malgré la médiatisation de l’affaire et l’arrestation d’un suspect, son corps n’a jamais été retrouvé et cela a par ailleurs provoqué le divorce de Danny avec sa femme Viv. Reconnu apte à un retour au travail, Danny retrouve ensuite son partenaire, Randy Nicks. Leur service a été informé de manière anonyme que le coffre-fort d’une banque d’Austin va être cambriolé dans la journée. Alors que la police surveille les lieux, ils voient un mystérieux homme donner des instructions aux civils sur place, aux employés de banque et même à des policiers. Tous ont ensuite des comportements étranges dès que les braqueurs arrivent dans la banque. Dans le coffre-fort ciblé, Danny retrouve une photo de Minnie avec le message « Trouve Lev Dellrayne ». Réalisateur de Desperado (1995), Une nuit en enfer (1996) ou Sin City (2005), Robert Rodriguez signe, avec Ben Affleck en tête d’affiche, un solide thriller d’action qui multiplie les péripéties autour d’un mystérieux et délirant programme gouvernemental secret pouvant influencer le comportement et les agissements d’autrui… (M6)
BORIS VIAN FAIT SON CINEMA
À la fois écrivain, poète, parolier, chanteur, musicien, scénariste et acteur, Boris Vian est un artiste aux multiples talents. Bien qu’il ait toujours entretenu une relation passionnée avec le cinéma, il n’a jamais eu l’occasion de passer derrière la caméra. Avec Boris Vian fait son cinéma, voici une collection de courts-métrages, tous inspirés ou adaptés de scénarios du célèbre écrivain. Dès l’âge de six ans, Vian se passionne pour cet art naissant encore muet. Sous l’Occupation, alors que le jeune écrivain n’a encore rien publié, il s’essaye à composer ses premiers scénarios. Sa rencontre avec Raymond Queneau et le cinéaste Pierre Kast en 1945 va déboucher sur de vrais projets, dont hélas aucun n’aboutira. Pourtant, il reste fasciné par le 7e art : il participe à l’écriture de nombreux scénarios, fait de la figuration aux côtés de Jean Marais et Jeanne Moreau, et va même jusqu’à fonder une société de films ! Des décennies plus tard, les nouveaux talents de la scène française reprennent ses scénarios et les adaptent sous forme de court-métrages. Chaque film court est accompagné de la reprise d’une chanson de Boris Vian, rassemble de nombreux comédiens connus (Audrey Fleurot, Lou de Laâge, Hugo Becker, Claude Perron, Jean-François Galotte, Annelise Hesme) et respire le goût très vianesque de l’insolite, du rêve et de l’humour. Entre satire sociale, thriller, romance ou chronique parisienne, chacun de ces films illustrent une facette différente de l’artiste rappellent les trésors de fantaisie, d’inventivité et de liberté d’esprit de Vian. (Blaq Out)
SILENT ISLAND
Adam et Anna, charmant couple polonais, a loué une belle villa sur une île italienne, histoire de profiter pleinement d’un farniente ensoleillé. Mais ils déchantent en découvrant leur villégiature car la piscine est vide… Le loueur leur conseille d’aller se baigner dans la mer toute proche. Mais après avoir tergiversé, il envoie un ouvrier pour faire des travaux. Hélas, celui-ci se tue en tombant dans la piscine. Confrontés à la police et ne s’exprimant pas en italien, Adam et Anna perdent pied d’autant que les autorités se demandent s’ils sont intervenus pour porter secours… La cinéaste polonais Aga Woszczyńska s’empare d’un cadre paradisiaque pour sonder les secrets et les troubles d’un couple tandis qu’affleurent des questions et des fissures inattendues. D’autant que la présence d’un étranger -l’ouvrier réparateur- amplifie le sentiment d’insécurité d’Adam (Dobromir Dymecki) et d’Anna (Agnieszka Zulewska). Tandis que le couple tente de retrouver une existence normale en rencontrant un moniteur de plongée (Jean-Marc Barr) et en se livrant à des activités nautiques, un sentiment d’étrangeté permanent s’installe dans leur existence… On peut se demander si la cinéaste a été marquée par le cinéma de Michael Haneke ou par la trilogie Paradis d’Ulrich Seidl… En tout cas, Silent Land, jusqu’à son dénouement fantastique, est une aventure intime sur un couple en crise bien menée et qui réussit à distiller une atmosphère tour à tour angoissante et mystérieuse. (The Jokers)
LA BETE DANS LA JUNGLE
En s’inspirant librement de la nouvelle éponyme d’Henry James paru en 1903, le cinéaste autrichien Patric Chiha donne un voyage hypnotique à travers la musique et le temps en racontant l’histoire d’une errance en suspension : celle d’un couple d’amis, qui durant 25 ans, se retrouve tous les samedis dans une immense boîte de nuit à attendre un obscur événement, tout en tissant une romance obsessionnelle au rythme des époques musicales. Sélectionné au festival de Berlin, La bête dans la jungle est une expérience fascinante et unique par le son et l’image. Tandis que le monde réel change autour des protagonistes, la boîte de nuit devient une véritable capsule temporelle où la vie s’écoule comme dans un rêve. Un endroit hors du temps où les corps se font sensuels, langoureux, dans une insouciance purement juvénile. Le cinéaste peut compter, pour porter un récit magnétique, sur des interprètes incandescents avec Anaïs Demoustier (à l’affiche au cinéma, actuellement, dans Le temps d’aimer) à la beauté glamour et Tom Mercier, taciturne et mystérieux. Ils incarnent jusqu’à l’envoûtement deux êtres pris dans une relation unique et fusionnelle, mais passant à côté de leur vie, car bloqués dans une attente angoissée. Dans le rôle de la physionomiste du club, Béatrice Dalle est ténébreuse à souhait. (Blaq Out)
ORGUEIL ET PASSION
En 1811, les armées napoléoniennes se battent, depuis de longs mois, contre les Espagnols. Les Anglais, alliées des Espagnols, ont envoyé sur place le capitaine Anthony Trumbull avec pour mission de de s’emparer d’un gigantesque et puissant canon abandonné par l’ennemi. Tandis que la guerre gagne encore en intensité, Trumbull rencontre Miguel, le chef de la guérilla, ainsi que sa maîtresse Juana. En dépit de leur rivalité amoureuse et de stratégies différentes, Trumbull et Miguel se dressent avec détermination contre les troupes de l’empereur, parvenant à leur arracher le canon et à libérer la cité d’Avila. En 1957, l’Américain Stanley Kramer signe son second long-métrage en adaptant The Gun, un roman écrit en 1933 par Cecil Scott Forester. Le cinéaste (qui deviendra célèbre avec La chaîne (1958), Jugement à Nuremberg (1961) et Devine qui vient dîner (1967) donne une superproduction historique qui bénéficie d’une belle tête d’affiche avec Cary Grant, Frank Sinatra et Sophia Loren. (Sidonis Calysta)
SOUS LE TAPIS
Odile se prépare à fêter son anniversaire. Alors que ses enfants et petits-enfants sont en route pour la soirée, Jean, son mari, décède brutalement. Incapable de faire face à cette réalité, elle le cache sous son lit… Comment réagir face au décès d’un proche ? Le deuil est au cœur de la première réalisation de l’actrice Camille Japy, (vue dans Alceste à bicyclette de Philippe Le Guay), qui entre au sein d’une famille où les secrets sont bien gardés. Comédie dramatique drôle, légère et audacieuse, Sous le tapis apporte un regard tout en délicatesse, sur la façon d’apprivoiser la mort. À la fois lumineux, subtil et émouvant, le film transporte le spectateur dans un véritable ascenseur émotionnel, le faisant passer du rire aux larmes en un instant. Les personnages ont, chacun, leurs propres réactions face au déni de deuil, à l’acceptation digne, au deuil festif ou encore face aux attitudes innocentes des enfants… La cinéaste peut s’appuyer sur un bon casting avec Ariane Ascaride et Bérénice Béjo dans un duo mère-fille tout en finesse, plein d’amour et de non-dits. Sur un musique de Matthieu Chedid, un hymne à la vie sur la force réparatrice de l’amour et des liens familiaux… (Blaq Out)
LES TOURNESOLS SAUVAGES
Jeune Barcelonaise, Julia est tombée amoureuse d’Oscar, un garçon passionné et conflictuel qui vient de sortir de prison. Oscar oscille continuellement entre un amour ravi, des explosions de violence et un retour à l’amour aveugle. Une nuit, après une dispute de jalousie, tout se termine par une scène de violence conjugale. Quelques jours plus tard, Julia (Anna Castillo) décide de revenir vers Marcos, le père de ses trois enfants, jeune militaire affecté à Melilla, une enclave espagnole au Maroc. Quelques mois heureux s’écoulent avant que tout ne retourne à l’apathie et à une nouvelle séparation. Enfin, Álex, un ancien ami du lycée, devient son nouveau partenaire. En relatant, en 2022, la vie amoureuse de la solaire Julia découpée en trois parties dont chacune porte le nom d’un homme (Oscar, Marcos et Alex), le cinéaste espagnol Jaime Rosales, volontiers présenté comme le cousin ibérique de Michael Haneke, « livre le portrait empathique d’une fille tournesol, cherchant à se tourner vers un vrai soleil ». (Condor)
LE CONTINENT DES HOMMES POISSONS
Après le naufrage d’un navire qui se dirigeait vers le bagne de Cayenne avec une cargaison de déportés, le lieutenant Claude De Ros a la chance avec quelques-uns d’entre eux de gagner une île mystérieuse. Alors qu’ils recherchent de quoi manger, Claude et deux de ses compagnons tombent entre les mains d’Edmond Rackham, étrange personnage qui vit dans une villa de style colonial, protégé par Shakiva, une sorcière vaudou, chargée de surveiller la séduisante Amanda. De Ros comprend qu’il doit son salut au fait qu’il est médecin et qu’on lui confie la tâche de maintenir en vie le professeur Marvin, spécialiste en biologie et père d’Amanda. Attaché à Amanda, Claude découvre les laboratoires où Marvin a réussi à créer des créatures, croisement génétique entre les hommes et les poissons. Ceux-ci doivent récupérer un trésor enseveli dans les profondeurs souterraines de l’île. Sur fond d’Atlantide, l’Italien Sergio Martino tourne, en 1979, cette série Z de science-fiction dans laquelle on croise Joseph Cotten, le héros avec Orson Welles, du Troisième homme et, dans le rôle d’Amanda, Barbara Bach qui, fut en 1977, la Bond Girl de L’espion qui m’aimait… D’un autre maître italien du cinéma bis, en l’occurrence Lucio Fulci, Artus Films sort également Murder Rock (1984) dans lequel le propriétaire d’une prestigieuse école de ballet de New-York s’allie avec un mannequin masculin pour l’aider à résoudre une ténébreuse série de meurtres parmi ses étudiantes. (Artus Films )
DOUCE NUIT, SANGLANTE NUIT
Enfants, Billy et Ricky ont assisté au meurtre de leurs parents par un criminel en cavale déguisé en Père Noël. Devenu adulte, Billy travaille dans un magasin de jouets. Un jour, il doit revêtir un costume de Père Noël. Les traumatismes du passé ressurgissent alors soudainement… Il se déguise en Père Noël pour tuer les personnes qu’il juge « vilaines », à commencer par la mère supérieure dont il fut le souffre-douleur pendant ses années passées à l’orphelinat… Sorti au cinéma en novembre 1984, le film de Charles E. Sellier Jr. rencontra un joli succès en salles avant de voir sa carrière rapidement stoppée. Son distributeur le déprogramma sous la pression de nombreuses associations de parents d’élèves. Bien qu’amputé de quelques minutes, le film fit scandale, accusé par l’Amérique conservatrice de dévoyer l’image du Père Noël en le montrant comme un serial-killer. Le thème servira ensuite à plusieurs reprises dans d’autres films… Fleuron de l’âge d’or du slaher, Silent Night, Deadly Night se place du point de vue du tueur et multiplie, avec imagination, les meurtres… Le film sort pour la première fois en HD et en version non censurée. Il est accompagné d’un livret (24 p.) sur la genèse de cette aventure. (Rimini Editions)
PECHE VENIEL
Dans la station balnéaire de Versilia où il est en vacances, le jeune Sandro, les hormones en effervescence, passe son temps à feuilleter des revues érotiques et à observer les filles sur la plage. Son frère ainé contraint de s’absenter, il porte toute son attention sur Laura, sa belle-sœur, une femme très attirante dont il est chargé de prendre soin. Sandro va se montrer fort attentionné à l’égard de la belle Laura… Ah, il faut le reconnaître, la plastique de Mademoiselle Antonelli est parfaite. On comprend aisément que Salvatore Samperi, l’un des maîtres de la comédie érotique italienne, ait voulu surfer sur le succès de Malicia (1973) qui rassembla plus de onze millions de spectateurs dans les salles italiennes. Un public qui vit naître, sur le grand écran, l’un des sex-symbols du cinéma transalpin. En 1974, il donne à nouveau Alessandro Momo pour partenaire à Laura Antonelli. On sait évidemment à quoi s’attendre dans le registre érotico-humoristico-matteur… (Sidonis Calysta)
MALICIA 2000
Riche oisif de la soixantaine, Ignazio La Brocca coule des jours heureux dans sa belle villa sicilienne avec Angela, son ancienne bonne devenue son épouse. Le jour où un jeune architecte s’y installe avec son fils Jimmy âgé de quinze ans, l’harmonie du couple se fissure. L’adolescent tombe sous le charme de la belle maîtresse des lieux et, pour la séduire, redouble d’imagination. S’il réussit à sortir son mari de sa maison en pleine nuit pour arriver à ses fins, il ne s’attendait pas à que ce soit son père qui profite des faveurs d’Angela. Aussi rusé qu’amoureux, Jimmy n’a pas dit son dernier mot… Malicia (1973) fut (voir plus haut) un imposant succès en Italie. En France, le film réunit aussi plus d’un million et demi de spectateurs. Comme les producteurs pensent que le succès appelle le succès, on décida donc, en 1992, de donner une suite à Malicia. Salvatore Samperi est toujours à la caméra et Laura Antonelli de la partie. Il manque Alessandro Momo qui s’est tué, à moto, en 1974, quelques mois après la sortie de Péché véniel. Fallait-il remettre le couvert autour des émois d’un adolescent devant une belle femme mûre ? On se doute de la réponse… Quant à la malheureuse Laura Antonelli, elle eut à souffrir de la chose. Pendant la préparation du film, un chirurgien esthétique pratiqua une injection de collagène sur son visage afin de masquer des rides. Hélas, l’injection provoqua une violente allergie qui lui laissa de lourdes séquelles… (Sidonis Calysta)