Ethan Hunt, Indiana Jones et d’émouvantes héroïnes
DECHIRURE.- La vie d’Olfa, Tunisienne et mère célibataire de quatre filles, oscille entre ombre et lumière. Un jour, ses deux filles aînées disparaissent. « Elles ont été dévorées par le loup », explique pudiquement et mystérieusement un personnage. De fait, les deux aînées sont bien parties faire le djihab en Libye. Pour combler leur absence, la réalisatrice Kaouther Ben Hania convoque des actrices professionnelles et met en place un dispositif de cinéma hors du commun afin de lever le voile sur l’histoire d’Olfa et ses filles.
Nommée à l’Oscar du meilleur film étranger en 2021 avec L’homme qui a vendu sa peau et remarqué en 2017 avec le puissant La belle et la meute, la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania s’inscrit, avec Les filles d’Olfa (Tunisie – 1h50. Dans les salles le 5 juillet), dans une démarche cinématographique originale puisqu’elle mêle la fiction et la réalité, en évoquant un fait-divers qui a défrayé, voici quelques années, la chronique en Tunisie. Alors qu’elle préparait Zaineb n’aime pas la neige, son troisième long-métrage, également documentaire, la réalisatrice entend, à la radio, Olfa parler de l’histoire tragique de ses filles. « Olfa m’a immédiatement fascinée, dit la cinéaste. J’ai vu en elle un formidable personnage de cinéma. Elle incarnait une mère avec toutes ses contradictions, ses ambiguïtés, ses zones troubles. Son histoire complexe, terrible me hantait et j’avais envie de l’explorer, de comprendre sans sa- voir comment faire. » C’est ainsi que va naître un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité qui va questionner le fondement même de nos sociétés. Pour mettre en scène cette histoire de femmes, de mère, de filles, Kaouther Ben Hania pense d’abord filmer Olfa avec les deux filles qui lui restent pour exprimer l’absence des deux autres.
Comment raviver les souvenirs sans les embellir, les transformer, sans se donner le beau rôle, sans édulcorer la vérité ? Comment réussir à convoquer ce qui a eu lieu et qui n’est plus là? La cinéaste, qui commence à envisager son œuvre comme un laboratoire thérapeutique de convocations de souvenirs, va faire appel à la comédienne Hend Sabri, une star en Tunisie, pour confronter Olfa à son double fictionnel. En mettant Olfa face à de vrais comédiens, ceux-ci allaient servir à Olfa et ses filles de révélateurs pour les aider à trouver leur vérité intérieure. « J’avais besoin, dit-elle, d’actrices pour jouer ses filles absentes et d’une comédienne pour la questionner, l’aider à saisir les enjeux de certains grands événements de sa vie. »
Le dispositif, aussi habile que fascinant, qui mêle réalité et fiction, offre, dans la libération de la parole, d’extraordinaires moments d’émotion, qu’il s’agisse de larmes ou d’éclats de rire. Mais surtout Kaouther Ben Hania réussit un film sur l’adolescence et explore le gouffre entre l’enfance et l’âge adulte, où soudain on cherche à comprendre et parfois même à expérimenter l’idée de la mort, comme le montre l’une des filles qui voudrait dormir dans une tombe. L’histoire d’un terrible déchirure familiale !
ACTION.- Au fond de l’océan, du côté de la mer de Béring, le sous-marin russe Sébastopol joue ou semble jouer au chat et à la souris avec un sous-marin hostile… L’avenir de la planète est clairement en péril. Mais (évidemment) Ethan Hunt et sa petite (mais très imaginative) équipe sont sur le pont. Ils vont se lancer dans leur mission la plus périlleuse à ce jour : traquer une effroyable nouvelle arme avant que celle-ci ne tombe entre de mauvaises mains et menace l’humanité entière. On l’a compris, le contrôle du futur et le destin du monde représentent un terrifiant enjeu. Et Hunt va devoir se rendre à l’évidence : confronté à Gabriel, un énigmatique ennemi quasiment invincible, il constate que rien ne peut se placer au-dessus de sa mission – pas même la vie de ceux qu’il aime.
Septième opus d’une franchise cinématographique à gros succès (et née à la télévision dans les années 1960-70), Mission impossible – Dead Reckoning Partie 1 (USA – 2h43. Dans les salles le 12 juillet) tient pleinement ses promesses ! Quand on n’est pas trop regardant, côté scénario (et de la vraisemblance) mais qu’on apprécie des cascades franchement brillantes. Le réalisateur Christopher McQuarrie, déjà à la manœuvre dans les épisodes cinq et six, connaît les recettes de la franchise. Tandis que les forces obscures de son passé remontent à la surface, il embarque le valeureux Ethan Hunt dans une course mortelle autour du globe. L’increvable agent de la Force Mission Impossible se retrouve donc à Amsterdam puis traqué dans l’aéroport d’Abu Dhabi par une meute de types inquiétants avant de filer vers Rome, Venise et enfin monter (et quelle manière!) dans l’Orient Express lancé à vive allure vers Innsbrück… Tandis que le célèbre thème musical écrit par Lalo Schifrin s’élève, Tom Cruise alias Hunt for ever court, pilote des voitures de luxe mais aussi une épatante Fiat 500 jaune, fait de la moto, s’élève dans les airs avec une aile volante et on vous laisse le plaisir de voir comment il se sort de l’Orient Express. Autour de notre héros, on remarque ses acolytes Benji (Simon Pegg) et Luther (Ving Rhames) et quelques belles (Rebecca Ferguson, Vanessa Kirby, Haley Atwell) ou Pom Klementieff) qui lui donnent bien du souci ! Le second volet de ce Dead Reckoning est pour juin 2024.
FEDORA.- En 1945, dans l’Allemagne nazie, Indiana Jones et son ami archéologue Basil Shaw cherchent à récupérer la lance de Longinus, le légionnaire qui a blessé Jésus pendant sa crucifixion. Capturé par les nazis, Indiana Jones s’échappe et embarque dans un train, chargé d’objets d’arts pillés, à destination de Berlin. Indiana y découvre la lance mais constate que c’est un faux. Dans le train, Jürgen Voller, un scientifique nazi, recherche la machine d’Anticythère, mécanisme de bronze et premier calculateur analogique antique permettant de calculer des positions astronomiques…
En 1969, le professeur Jones est devenu un vieil homme qui porte le deuil de son fils. Bougon, il va prendre sa retraite lorsque débarque Helena Shaw, sa filleule et fille de Basil. Elle se passionne pour la machine d’Anticythère. Indiana Jones est inquiet car Basil, à la fin de sa vie, était lui aussi obsédé par la machine, persuadé qu’elle pouvait prévoir de « grandes perturbations » dans l’Histoire. Basil sombrant dans la folie, Indiana lui avait pris les restes du mécanisme, contre la promesse de les détruire. Lorsque Helena se montre décidée à partir en quête de la machine, Indiana Jones l’emmène à la bibliothèque du Hunter College et lui montre la machine, qu’il n’a pas détruite. Bientôt des agents de la CIA mais aussi des mercenaires à la solde de Jürgen Voller déboulent… Commence une course-poursuite vers le Maroc puis au large de la Sicile avant un grand saut, à travers le Temps, vers l’Antiquité !
Indy’s back ! Il retrouve son fedora, son blouson de cuir et même son fouet pour un ultime tour de piste. Indiana Jones et le cadran de la destinée (USA – 2h34. Dans les salles le 28 juin), cinquième volet de la saga, a été présenté, hors compétition, au Festival de Cannes où Harrison Ford, 81 ans (mais qui a retrouvé dans le film un coup de jeune grâce au numérique) a fait le tabac attendu… Evidemment, les fans de la saga sont en droit de se réjouir de ce retour qui vaut surtout pour ses vertus nostalgiques. Steven Spielberg n’est plus aux manettes. James Mangold assure une mise en scène, disons, sans surprise. Les cascades sont réussies même si elles sont volontiers trop longues… Mais on a aimé faire une dernière fois un tour avec le cher Indy.
SOLIDARITE.- Avocat aux fortes convictions sociales, Rafa est un militant toujours déterminé à aider les personnes expulsées de leur domicile. Là, Rafa est sous pression. Il a jusqu’à minuit pour retrouver la mère d’une fillette laissée seule dans un logement insalubre. A défaut, la police placera la petite en foyer. Dans sa course contre la montre, Rafa va croiser la route d’Azucena, une caissière vivant avec Manuel et injustement menacée d’expulsion. Rafa va aussi devoir se préoccuper du sort de Teodora, une femme âgée qui a perdu sa maison après avoir été garante de son fils. Pour s’en sortir, Azucena tente de provoquer une révolte citoyenne. Alors que les heures défilent implacablement pour ces deux âmes en lutte, Madrid devient le lieu de toutes les colères..
Evoquant A contretemps (Espagne – 1h43. Dans les salles le 5 juillet), le réalisateur Juan Diego Botto, acteur et auteur de théâtre qui réalise ici son premier long-métrage de cinéma, remarque : « J’ai eu connaissance de la situation des expulsions en profondeur et en détail. On a fait de longues recherches pendant plus d’un an avec des familles en procédure d’expulsion, on a interviewé des éducateurs, des travailleurs sociaux, des avocats. Quand on a connu cette réalité en profondeur, c’est très difficile de se maintenir à l’écart de ce qui est visiblement une atteinte, un abus social, vis-à-vis et contre les plus défavorisés. »
Hommage à La plateforme des victimes du crédit hypothécaire, une association espagnole militant pour le droit au logement, fondée en février 2009 à Barcelone dans le cadre de la crise immobilière espagnole de 2008-2013, conséquence de l’éclatement de la bulle immobilière du pays, le film (porté par Penelope Cruz qui s’est largement investie dans le projet) est conçu comme un thriller. En condensant son récit sur une seule journée, sur un dernier jour où l’épée de Damoclès menace des gens modestes, le cinéaste génère une tension très palpable. Par leur jeu intense, Luis Tosar (Rafa) et Penelope Cruz (Azucena) apporte beaucoup à une chronique sociale souvent placée sous le signe de l’empathie et de la solidarité mais qui s’achève sur une foule scandant « Verguenza » (honte en espagnol), une honte, estime Botto, qui doit passer de l’individuel au collectif, pour cesser de culpabiliser l’individu et porter la responsabilité sur la société…
MALAISE.- Narvel Roth est un type sombre, à l’allure raide, au phrasé lent et précis, au regard inquisiteur et quasiment inquiétant. Depuis quelques années, il œuvre comme horticulteur dans la superbe propriété de la très raffinée Mme Haverhill. Alors qu’ils préparent de concert une grande exhibition florale, Norma Haverhill demande un service à Narvel. Pas plus chaud que cela, le jardinier sait cependant qu’il ne pourra pas dire non à son employeuse. Celle-ci lui demande de prendre sa petite-nièce Maya comme apprentie… Bientôt le chaos s’installe car Narvel se retrouve déchiré entre deux femmes, l’une assez vieille pour être sa mère, l’autre assez jeune pour être sa fille. Et puis, ressurgissent les sombres secrets du passé de Narvel…
Avec Master Gardener (USA – 1h50. Dans les salles le 5 juillet), on retrouve, avec plaisir, le cinéaste Paul Schrader qui fut une gloire d’Hollywood lorsqu’il signait le scénario de Taxi Driver (Palme d’or cannoise 1976) ou de Raging Bull (1980) pour Scorsese ou lorsqu’il enchaîna coup sur coup, comme réalisateur, des films comme Blue Collar (1978), Hardcore (1979), American Gigolo (1980), La féline (1982) ou Mishima (1985)… Ensuite, Schrader a un peu disparu des projecteurs… Avec ce Master…, dont il signe aussi le scénario, le cinéaste revient agréablement dans la lumière en proposant une réflexion sur un être très solitaire en quête de rédemption, un thème qu’il avait déjà abordé dans deux films précédents : First Reformed (2017) et The Card Counter (2021).
Avec ce troisième volet , Schrader s’intéresse d’abord à la dimension « toxique » d’une liaison entre Narvel et Norma qui signale par un « Mon trésor », le moment où elle souhaite « consommer » son jardinier. Ensuite, le film prend une tournure plus conventionnelle lorsque Narvel décide, en retrouvant ses réflexes criminels (lorsqu’il retire son t-shirt, ses tatouages ne laissent aucun doute sur son passé), de tirer Maya des griffes de dealers. En s’appuyant sur trois excellents comédiens (Joel Edgerton, Sigourney Weaver et la découverte Quintessa Swindell), Schrader se sert des écarts d’âge des personnages pour distiller le malaise et explorer des questions morales complexes. « L’âge, la race et le sexe, dit-il, constituaient une bonne triade narrative, où tous les coins du triangle se rencontrent de différentes manières. »