Les combats de Marinette et les affres de l’agence Wahou
BALLON.- Au bord d’un terrain de foot quelque part dans le Grand Est, une petite fille regarde les garçons de son âge taper dans le ballon… Un coach barbu (Fred Testot) lui lance : « Tu veux jouer ? » Et la réponse tombe : « Je ne peux pas. Je suis une fille. » Nous sommes en 1980. Marinette Pichon a cinq ans et elle ne sait pas encore qu’elle sera la première joueuse professionnelle de football féminin et surtout la première star française de cette discipline. C’est un sacré parcours que celui de cette fillette qui a le foot dans la peau. Si sa maman (Emilie Dequenne) la soutient constamment, son univers familial est quasiment glauque. Son père (Alban Lenoir) frappe sa femme, brutalise ses filles et finira par être condamné à dix années de réclusion criminelle pour avoir violé sa belle-mère grabataire… C’est ainsi que Marinette se forge un caractère de battante qui lui permettra, souvent dans la douleur, de surmonter les difficultés…
Second long-métrage (après A 2 heures de Paris en 2018) de Claire Verdier, Marinette (France – 1h30. Dans les salles le 7 juin) est un bon biopic sportif qui, même s’il ne révolutionne pas l’écriture cinématographique, se regarde agréablement. Sportive pendant dix ans (elle pratiqua l’athlétisme et le handball), la cinéaste observe : « Le sport a été très formateur pour moi et j’avais envie de réaliser un deuxième long-métrage qui y soit lié. Je souhaitais communiquer les émotions que j’ai éprouvées dans les stades. J’effectuais des recherches sur des sportives quand – absolu hasard – une vieille connaissance versée dans le foot féminin m’a appelée pour me prévenir de la sortie imminente de la biographie de Marinette Pichon, Ne jamais rien lâcher. Le hasard veut aussi que, dans mon premier film À 2 heures de Paris une séquence ait été tournée au stade de Juvisy, le club de foot dont Marinette était à cette même période directrice générale. Quelque chose semblait me relier à cette femme.. »
En ponctuant le parcours de Marinette Pichon de dates majeures comme 1994 qui la voit intégrer l’équipe de France ou 2002 qui marque son arrivée dans Le Charge de Philadelphie, comme première sportive française à rejoindre une équipe américaine, Claire Verdier alterne habilement les hauts qui concordent avec son désir de vaincre (elle a marqué 300 buts au cours de sa carrière) et ses ambitions pour donner au foot féminin une vraie place au sein de la Fédération française de football mais aussi des bas, notamment dans une jeunesse familiale volontiers sinistre ou encore dans ses relations avec ses compagnes. Cela jusqu’à la rencontre avec Ingrid Moatti, championne de basket handisport, qu’elle épouse en septembre 2013. En octobre 2012, Marinette Pichon devient la deuxième femme homosexuelle en France à obtenir un congé de paternité pour la naissance de son fils que sa compagne met au monde en novembre 2012.
Aujourd’hui consultante sur France Télévisions, Marinette Pichon (bien incarnée par Garance Marillier, vue dans Grave en 2016 et dans Titane, Palme d’or à Cannes 2021, tous deux de Julia Ducournau) fut une rebelle et une pionnière qui participa pleinement à l’évolution du foot féminin. Même s’il y a encore du boulot. On sait que la prochaine Coupe du monde féminine (20 juillet-20 août en Australie et en Nouvelle-Zélande) n’a toujours pas de diffuseur télé dans l’Hexagone…
IMMOBILIER.- Catherine Bourbialle et son collègue Oracio sont agents… non conseillers immobiliers dans la région parisienne. A ce titre, ils enchaînent les visites de deux biens : une grande maison bourgeoise « piscinable, vue RER » (autrement dit, avec des passages réguliers de trains qui font un bruit considérable) et un petit appartement moderne situé en plein coeur du triangle d’or de Bougival.
Même si les clients ne se ressemblent pas et si les vendeurs de la grande maison bourgeoise sont plutôt atypiques, Catherine et Oracio (secondé par Jim, son jeune stagiaire) ne perdent pas de vue leur objectif : provoquer le coup de cœur chez les potentiels acheteurs, le vrai, l’unique qui leur fera oublier tous les défauts. Celui qui fera dire « Wahou ! » aux clients…
Pour dire le vrai, on attendait avec une réjouissante impatience, ce Wahou ! (France – 1h30. Dans les salles le 7 juin), promesse de nous ramener dans l’univers si agréablement loufoque de Bruno Podalydès. En neuf réalisations jusque là, l’aîné des Podalydès nous avait fait monter sur le dériveur de Liberté-Oléron (2001), nous avait revisiter l’univers de Gaston Leroux dans Le mystère de la chambre jaune (2003) et Le parfum de la dame en noir (2009), nous avait promené du côté de Versailles avec Bancs publics (2007), assister aux obsèques de Mémé dans Adieu Berthe (2012), emprunter le kayak en kit de Comme un avion (2015) et même participer aux aventures de Bécassine ! (2018), autant de comédies rafraîchissantes marquées par une fantaisie, voire une magie de bon aloi.
Lorsque son projet de « gros » film sur les canaux fluviaux de Bourgogne est retardé, le cinéaste cherche à profiter du temps disponible pour tourner, en quatre semaines, un film « simple ». « C’est un projet que j’avais depuis longtemps. Il s’est longtemps appelé « Nos maisons ». Il y a des années, j’avais fait visiter l’endroit où je vivais alors et j’avais été heurté par les réactions de certains clients- un type, notamment, qui pensait à voix haute aux travaux qu’il allait effectuer en cognant sur les parois – « On va abattre ce mur »s’esclaffait-il. « Cette cloison-là, on la vire, etc. » Il remettait simplement en cause, devant moi, mon mode de vie… »
Bruno Podalydès nous invite donc à feuilleter un précis de tractations immobilières. On y visite maison ou appartement, du côté des acheteurs comme de celui des vendeurs. On entre ainsi dans l’intimité des gens. Et c’est parfois drôle, parfois triste, parfois bouleversant. Pour mener à bien son affaire, le cinéaste a fait appel à sa « troupe ». On retrouve ainsi Sabine Azéma, Karin Viard, Isabelle Candelier, Agnès Jaoui, Patrick Ligardes, Claude Perron, Florence Muller, Leslie Menu, Denis Podalydès. Ne manque à l’appel que Jean-Noël Brouté, Michel Vuillermoz et Philippe Uchan. « Remplacés » ici par Manu Payet, Félix Moati, Roschdy Zem et l’inénarrable Eddy Mitchell ! Ils habitent tous agréablement leurs personnages. Las, pour des questions de rythme, de structure des chapitres, de montage, Wahou ! nous laisse sur notre faim. Comme un sentiment d’inachevé. On attend déjà le prochain Podalydès pour retrouver le sourire.