Mirales, Dog, Elsa, Tridan, Louis et Violette
AMIS.- Chez moi, ça vend la coco, chez moi, ça vend l’bédo
J’suis un vrai mec du ghetto, elle kiffe la dégaine du négro
J’dois gérer l’réseau, j’revends la résine
M’en fout d’avoir tord ou raison, faire du biff : y’a qu’ça qui m’résonne
Dans la zone avec OD, toujours on est opé
Pour le blé, j’peux pas renoncer, quitte à m’faire péter
Est-c’que t’as capté l’système, j’fais mon biff en vitesse
Ma chérie, t’es trop fraiche, j’te la glisse en finesse
J’suis un chien d’la casse qui a d’la classe
J’ai sorti la nouvelle paire, tu la salie, j’me fâche…
Chien de la casse, le rap de Diddi Trix, résonne, au générique de fin, sur les images de Chien de la casse. Pourtant, l’action se déroule non pas dans le 9-3 mais dans un tout petit village paisible à quelques encablures de Montpellier. C’est là que vivent Dog et Mirales, amis d’enfance, qui passent la majeure partie de leurs journées à traîner ou à jouer au foot sur une playstation… Le petit jeu entre les deux, c’est que Mirales ne cesse de taquiner Dog, de le mettre mal à l’aise, de lui clouer le bec… Mais cet automne-là, sur une petite route, Dog s’arrête pour prendre Elsa en stop. Etudiante en littérature comparée à Rennes, elle vient vivre quelque temps chez une parente. Entre Dog et Elsa, s’esquisse une histoire d’amour. Peu à peu, Doge prend ses distances avec Mirales…
Premier long-métrage de Jean-Baptiste Durand, Chien de la casse (France – 1h33. Dans les salles le 19 avril) est une véritable réussite ! Dans un village quasiment désert (on n’aperçoit que la mère, peintre, de Mirales, une vieille dame pianiste et un joueur de loto un peu perdu) l’action se concentre sur deux jeunes hommes dont le cinéaste s’applique à dessiner de solides portraits.
Névrosé, déjà cabossé, Mirales est un type à fleur qui ne sait pas aimer car même s’il aime profondément son pote, il veut le changer, l’insulte et n’œuvre pas pour son bien. Son univers est à l’envi : il est mal dans sa peau, mal dans sa place et porte un regard abimé sur son monde qu’il aimerait aussi transformer, ou quitter. Bien sûr, il a Malabar, son chien qu’il maîtrise et qui finira par faire changer son monde en profondeur. Loin du cliché qui serait de croire que la littérature est réservée aux citadins, Mirales est cultivé. Il lit et cite volontiers Montaigne pour faire la « leçon » à Dog. Mais tout chez Mirales semble retenu. Au lieu d’essayer de devenir adulte, de se transformer et de mieux s’aimer, il cherche à changer les autres. Sa retenue, certes, l’empêche d’exploser. Mais Durand capte avec brio un personnage constamment au bord du gouffre et de l’explosion.
Tout à côté de lui, Dog est quelqu’un de simple dans le bon sens du terme. C’est-à-dire qu’il est aussi intelligent que Mirales mais comme il ne parle pas, on lui prête quelque chose de plus instinctif et animal. « Pour brosser son portrait, dit le cinéaste, je me suis un peu appuyé sur l’image des loups. Dog est le loup Omega, s’il se fait brutaliser par la meute, c’est parce qu’au fond, c’est le seul capable de supporter la frustration des autres. Dog n’est donc pas sous emprise, c’est un Stoïcien, un gars plutôt solide qui a été capable, par amour, d’encaisser la douleur de son ami pendant des années.»
Avec l’arrivée d’Elsa, le film file la métaphore amoureuse. Car la jeune femme met en lumière les rapports dans lesquels Dog et Mirales sont englués. Au côté de Dog, elle se pose presque en «rivale» de Mirales. La bromance, cette relation émotionnelle puissante, mais sans composante sexuelle, que vivent Mirales et Dog éclaire la puissance des liens d’amitié qui unissent des êtres qui se construisent dans l’univers clos d’un village. Cela d’autant plus fortement que les relations avec les autres, notamment une bande voisine, se traduisent par des rapports de meute.
Avec une évidente bienveillance pour ses personnages, Jean-Baptiste Durand signe un film régionaliste au meilleur sens du terme. Et il bénéficie pour cela de trois jeunes comédiens simplement remarquables : Anthony Bajon (Dog), Galatéa Bellugi (Elsa) et la révélation du film : Raphaël Quenard, l’impressionnant Mirales dont la gouaille fait étrangement froid dans le dos…
AMOUR.- C’est pas compliqué… Le moindre bus qui quitte son arrêt arrache des larmes au malheureux Tridan Lagache. Il est vrai qu’il a de bonnes excuses. Le bonhomme est né dans un Club Med du Mexique. Et il a toujours vécu là avec ses parents. Et toujours, le gamin a été désespéré de voir partir, par le bus du retour, des amis qu’il avait connus pendant leurs huit jours de vacances…
A cinquante ans, Tridan a décidé de tourner la page. Au grand dam de sa mère, il démissionne du Club Med avec une idée précise et… fixe en tête : retrouver la petite Violette dont il était tombé à 8 ans à Los Feliz.
Alors, naïf et perdu, il débarque à Paris. Aussitôt, il se fait dépouiller par un chauffeur de taxi. Heureusement, il a une adresse en poche. Celle du petit appartement que lui a légué son père avant de mourir dans des conditions tragiques au Mexique… Lorsqu’il sonne, il se retrouve nez à nez avec Louis. Plutôt mal embouché, ce chauffeur de VTC apprend ainsi l’existence d’un demi-frère très vite encombrant. D’autant que l’ex-GO ne démord pas de trouver la piste de son amour d’enfance… Alors Louis a une idée… S’il faut une Violette, on va en trouver une…
Cinéaste à très très gros succès avec Bienvenue chez les Ch’tis (2008) et ses plus de vingt millions de spectateurs, Dany Boon signe, avec La vie pour de vrai (France – 1h50. Dans les salles le 19 avril), son huitième long-métrage en tant que metteur en scène. C’est lors d’un séjour en famille au Club Med que l’idée du film prend corps. Dany Boon bavarde avec le directeur d’un restaurant d’origine française mais n’ayant jamais vécu en France. « Pour blaguer, je lui dis « Mais en fait, vous ne connaissez pas la vie dehors ? ». Évidemment, ce n’était pas vraiment le cas mais j’ai tout de suite pensé que ça serait une bonne idée, un bon point de départ pour un scénario… »
Heureusement, La vie pour de vrai ne s’en tient pas aux gags sur un GO qui sort du Club Med et se retrouve totalement inadapté à la vie extérieure… Le cinéaste développe ici deux pistes. Celle de la quête de Violette par un Tridan qui a une vision pure et quasiment naïve de l’amour et celle de la rencontre de deux demi-frères plutôt mal assortis.
Mais, évidemment, la comédie va les rapprocher. Non sans que Louis et Tridan se soient bien pris la tête. Car, pour se débarrasser de Tridan, Louis imagine un stratagème : coller dans les pattes de l’amoureux transi une Violette qui n’est autre que Roxane, l’une de ses « dates » croisées sur Fruitz, un site de rencontres du net où les envies se déclinent sous le signe des fruits : cerise, raisin, pastèque et pêche…. Publicité gratuite !
Mais, évidemment le plan de Louis ne va pas porter les fruits qu’il attendait. Dany Boon qui campe un Tridan plein de drôlerie et d’humanité, retrouve, pour un Louis grincheux, Kad Merad, son comédien de Bienvenue… et de Supercondriaque (2014). Et puis Charlotte Gainsbourg fait ses premiers pas dans l’univers boonesque. Actrice rare dans le domaine de la comédie, Charlotte Gainsbourg se régale clairement, ici, en prenant à bras-le-corps une Roxane pétulante qui vit ses envies de sexe de manière très joyeuse, voire même avec un bon grain de folie. Au total, cela donne une comédie sentimentale plutôt enlevée et agréable…