MADAME WANG, LE FUGITIF, LA NARATOLOGUE ET LE DJINN
EVERYTHING EVERYWHERE ALL AT ONCE
Evelyn Wang est au bout du rouleau. Rien ne va plus : elle ne comprend plus sa famille, son travail et croule sous les impôts… Soudain, elle se retrouve plongée dans le multivers, des mondes parallèles où elle explore toutes les vies qu’elle aurait pu mener. Face à des forces obscures, elle seule peut sauver le monde mais aussi préserver la chose la plus précieuse : sa famille. L’imagination des Daniels (Daniel Kwan et Daniel Scheinert) semble sans limite. Le film plonge le spectateur dans l’anarchie : Evelyn (Michelle Yeoh) est projetée dans le monde métaphysique du « verse-jumping ». Elle passe de la grisaille d’un bâtiment du fisc (ah, Jamie Lee Curtis en employée blonde) au palais d’une méchante nihiliste nommée Jobu Tupaki, des lumières et paillettes des tapis rouges de Hong Kong à un canyon désert où des rochers dotés d’une sensibilité parviennent à se livrer à cœur ouvert. Cette imagination démesurée, ce chaos sans fin, sert finalement à transformer l’universel, ou plutôt le multi-universel, en quelque chose d’intime. « À notre époque, disent les cinéastes, alors qu’on a l’impression que tout s’effondre, il est nécessaire de prendre conscience de l’importance de ceux qui nous entourent. » D’une métaphore de ce que nous vivons actuellement dans la société, notamment la surcharge d’informations, les Daniels ont tiré une œuvre brillante et complètement foutraque sur l’empathie au milieu du chaos. (A2A)
KOMPROMAT
Directeur de L’Alliance française à Irkoutsk, Mathieu Roussel se partage entre son travail et sa famille, en l’occurrence son épouse (même si son mariage bat de l’aile) et sa petite fille Rose qu’il adore. Un jour de 2017, des hommes du FSB embarquent Roussel à son domicile. Ebahi, il est accusé de diffusion de matériel pédophile sur internet, mis en examen et incarcéré dans une prison où les détenus vont s’acharner sur lui. En s’appuyant sur l’histoire vraie vécue en 2015 par l’écrivain français Yoann Barbereau victime d’un Kompromat, Jérôme Salle propose un palpitant thriller autour d’un « dossier compromettant », terme et procédé inventé par le KGB pour nuire à une personnalité politique, un journaliste, un homme d’affaires etc. Même s’il est remis en liberté avec un bracelet électronique, Roussel (Gilles Lellouche) sait que ses jours sont en danger. Poursuivi par les services secrets, il décide de fuir à travers la Russie et tenter de franchir la frontière. Une longue et rude cavale commence à travers un pays hostile et glauque… (M6)
TROIS MILLE ANS A T’ATTENDRE
Scientifique et naratologue anglaise, Alithea Binnie, bien que satisfaite par sa vie, porte un regard toujours sceptique sur le monde. Un jour, elle rencontre un génie qui lui propose d’exaucer trois vœux en échange de sa liberté. Mais Alithea est bien trop érudite pour ignorer que, dans les contes, les histoires de vœux se terminent mal… Il plaide alors sa cause en lui racontant son passé extraordinaire. Séduite par ses récits, elle finit par formuler un vœu des plus surprenants. George -« Mad Max »- Miller s’offre, ici, un détour par le drame, la romance et le fantastique en adaptant une nouvelle de la romancière britannique A.S. Byatt. Avec, en tête d’affiche, la magnétique Tilda Swinton et Idris Elba en djinn qui fut autrefois l’amant de la reine de Saba, l’Australien fait montre de sa virtuose aisance de mise en scène pour embarquer, comme sur un manège, le spectateur dans les pas du génie de la lampe… (Metropolitan)
L’OPERA – SAISON 1& 2
« Quand on entre ici, c’est juste pour la danse… » Sébastien Cheneau, jeune directeur de la danse de l’Opéra de Paris, l’affirme. Mais, derrière les ors et les velours du prestigieux lieu, la réalité n’est pas forcément plaisante. Réalisée par Cécile Ducrocq et Benjamin Adam, cette série franco-belge (deux saisons de 8 épisodes chacune) plonge, de manière bien documentée et en jouant évidemment pleinement la carte du spectacle, dans la rudesse du quotidien du ballet tout en questionnant les discriminations ou le sexisme. On croise là Zoé, une étoile (Ariane Labed, découverte en 2014 dans Fidelio, l’odyssée d’Alice) fragilisée par trop de fêtes et d’angoisses, Flora, une jeune surnuméraire noire qui espère intégrer la troupe ou encore Diane, une prof ambitieuse… (Cinéfeel)
RUMBA LA VIE
Conducteur de car quinquagénaire et solitaire, Tony est triste et las : « Pas d’ami, pas de famille. Pas de compte à rendre ». L’âge venant, il se reproche d’avoir abandonné Maria sa fille quand elle était bébé. Désormais, soutenu par son copain Gilles (Jean-Pierre Darroussin), il est décidé à la retrouver. Quand il découvre qu’elle est professeur de danse de salon, il décide de s’inscrire sous un pseudo (Kévin Sardou) à l’un de ses cours de rumba. Mais il déteste la danse. Après Tout le monde debout (2018), Franck Dubosc est de retour derrière la caméra. Et devant aussi pour incarner un homme bien de son époque -les années 70-80- qui tente de renouer des liens familiaux. Une fable mélancolique et tendre sur de beaux sentiments entre un père et une fille (Louna Espinosa) qui dansent « parce qu’ils en ont besoin »… (Gaumont)
LES LIENS DU SANG
Pensionnaire dans un foyer pour jeunes en difficulté, Irène tombe enceinte après une aventure sans lendemain. Face à cette grossesse non désirée, elle trouve une oreille compatissante auprès de Javier, le tuteur du foyer. Alors que le jeune père se manifeste, Javier suggère à la future mère de venir en montagne, dans le chalet isolé où il vit avec Adela, sa compagne. Touchée par leurs égards, Irène (Irène Virgüez) tombe de haut lorsque le couple lui propose un sinistre pacte. Enfermée dans un endroit perdu, peut-elle refuser de « vendre » son bébé ? Dans une mise en scène maîtrisée, l’Espagnol Manuel Martin Cuenca (Caníbal) explore, dans un thriller, la part la plus sombre de l’humaine condition. (Condor)
BEAST
De retour en Afrique de Sud où il avait autrefois rencontré sa femme, aujourd’hui disparue, le docteur Nate Samuels y passe des vacances avec ses deux filles adolescentes Meredith et Norah. Ils visitent la réserve naturelle, dirigée par Martin Battles, vieil ami de la famille et spécialiste de la vie sauvage. Ce qui devait être un repos salvateur va se transformer en épreuve de survie quand un lion vengeur, unique rescapé de la traque sanguinaire d’ignobles braconniers, se met à dévorer tout humain sur sa route et prend en chasse le docteur et sa famille. Avec Idris Elba (il fut le policier dans Luther, la série de la BBC), le réalisateur islandais Baltasar Kormakur met en scène un intense « survival ». Frissons garantis. (Universal)
LES CINQ DIABLES
Fillette étrange et solitaire, Vicky, 8 ans, possède un odorat surdéveloppé et peut reproduire n’importe quelle senteur, qu’elle collectionne dans des bocaux soigneusement étiquetés. Elle a extrait en secret l’odeur de sa mère Joanne, prof d’aquagym (Adèle Exarchopoulos), à qui elle voue un amour fou exclusif. Quand Julia, la sœur de son père, récemment libérée de prison, revient chez eux, Vicky (Sally Dramé) se lance dans l’élaboration de son odeur. Elle est alors transportée dans des souvenirs obscurs et magiques qui l’amènent à découvrir d’anciens secrets qui se répètent dans le présent. Révélée par Ava (2017), Léa Mysius propose, sur fond d’aller-retours temporels, un film fantastique à l’atmosphère impressionnante sur fond de sorcellerie… (Le Pacte)
LES VIEUX FOURNEAUX 2
Pour aider des migrants qu’il cachait à Paris, Pierrot (Pierre Richard) les conduit dans le Sud-Ouest chez Antoine (Bernard Le Coq) qui lui-même accueille déjà Emile (Eddy Mitchell), en plein tourment amoureux et tentant de regagner les faveurs de Berthe (Myriam Boyer)… Six réfugiés vont ainsi goûter à la légendaire hospitalité d’un village français. En s’appuyant sur la BD franco-belge de Lupano et Cauuet, Christophe Duthuron signe un n°2 sous-titré Bons pour l’asile où l’on retrouve nos zigotos, pas encore bons -justement- pour l’asile, qui professent qu’il faut être con pour prendre la vie au sérieux. Mieux le trio, inattendu consultant de la campagne électorale du maire de Montcoeur, pourra combattre les peurs et les préjugés. (Orange Studio)
LA BELLE HISTOIRE
Il s’appelle Jésus. Il est né un 25 décembre dans la communauté gitane. Se destinant à la tauromachie, il en est écarté à la suite d’une fausse affaire de détention de drogue. Devenu adulte, il fait la connaissance de son père, Didier Louis, un ancien champion cycliste qui ignorait son existence. Elle s’appelle Odona, fille mystique un peu paumée qui vit de rapines avec Isabelle, une amie qui deviendra paraplégique après un accident de moto. Jésus et Odona se rencontrent fortuitement et pensent se reconnaître après 2000 ans. Réincarnation, hasard, mystère ? En 1992, Claude Lelouch orchestre un chassé-croisé à travers le temps de l’amour vécu, de l’amour mort et de l’amour espéré. La mort, l’amour, les vies antérieures et les coïncidences, de la persécution des premiers chrétiens jusqu’à aujourd’hui… (Metropolitan)
LA TRES TRES GRANDE CLASSE
Prof de français dans un bahut difficile, Sofia, malmenée par ses élèves, exulte en annonçant à sa classe sa prochaine mutation et elle en profite pour sortir leurs quatre vérités à ses élèves. Las, sa mutation est gelée par son établissement à cause d’une autre enseignante avec laquelle elle est en concurrence. Et cette dernière est simplement parfaite sur tous les tableaux. Sofia va alors être contrainte à tous les subterfuges… Frédéric Quiring (révélé par Sales gosses en 2017) signe une comédie « scolaire » qui ne craint pas la caricature. Mais il peut s’appuyer sur deux pointures. Avec un fameux abattage comique, Melha Bedia se régale de sa Sofia. Audrey Fleurot excelle en prof mielleuse et tordue. Les coups bas volent ! (UGC)
L’ANNEE DU REQUIN
« Fermez les plages ! » Maja, gendarme maritime, ne voit que cette solution radicale pour faire face à une situation de crise. Car, du côté du Cap Ferret, un promeneur en paddle a disparu. Pas de doute : un requin géant menace les vacanciers. Bientôt à la retraite, Maja (Marina Foïs) voit là une occasion de finir en beauté sa carrière sous l’uniforme. Les frères jumeaux Ludovic et Zoran Boukherma (remarqués en 2020 avec la comédie horrifique Teddy) n’ont jamais oublié l’effet produit par Les dents de la mer et ils ont eu envie de s’offrir un fantasme de cinéma, façon Spielberg. Chose faite avec cette petite comédie estivale. Même si le film ne tient pas toujours le cap, il se regarde en souriant… (Les Jokers)