L’ENRAGÉ POÉTIQUE, LE ROBOT SÉDUISANT, L’AVOCAT HONNETE ET HUSTON EN WESTERNER
PASOLINI 100 ANS
Avant les œuvres scandaleuses et mythiques des années 1970, la décennie 1960 fut, pour le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini, une intense période de création. En 1961, Accattone signe son acte de naissance en tant que cinéaste, bientôt suivi par Mamma Roma (servi par une admirable Anna Magnani), tous deux encore placés sous le sceau du néoréalisme. Ses œuvres suivantes reposent sur une esthétique singulière et poétique, ainsi la farce politique Des oiseaux petits et gros ou la célèbre trilogie sur les mythes (L’Évangile selon saint Matthieu, Œdipe Roi et Médée) accompagnés des fragments de son Orestie africaine, qui n’a jamais vu le jour.. Neuf films (dont l’étonnant court-métrage La Ricotta) d’une richesse incomparable sont réunis pour la première fois dans un coffret de six Blu-ray. Cette superbe édition qui célèbre le centenaire de la naissance, le 5 mars 1922, à Bologne de PPP, est enrichie de nombreux suppléments dont notamment les documentaires Cinéastes de notre temps : Pasolini l’enragé (98 mn) et Médée passion, souvenirs d’un tournage (30 mn). (Carlotta)
I’AM YOUR MAN
« Mais qu’est-ce que je suis venue faire dans ce bar ? » L’air septique, Alma regarde les danseurs tourner sur la piste… En fait, cette brillante scientifique est en mission. Parce que son département au prestigieux Pergamon Museum à Berlin nécessite des fonds pour lui permettre de poursuivre ses recherches sur les écritures cunéiformes sumériennes, Alma a accepté de participer, pendant quelques semaines, à un essai d’évaluation, en l’occurrence tester un robot humanoïde qu’on lui présente donc dans un dancing au look d’un autre temps… Tom, robot à l’apparence humaine parfaite, est spécialement programmé pour correspondre à la définition, pour Alma, de l’homme idéal. Son « existence » ne doit servir qu’un seul but : rendre Alma heureuse. L’Allemande Maria Schrader réussit une surprenante comédie romantique de science-fiction. Avec un excellent duo d’acteurs (Dan Stevens et Maren Eggert), elle s’empare d’une aventure intime malicieuse et grinçante pour livrer une introspection sur l’essence des sentiments humains et du mystère de l’amour. Savoureux ! (Blaq Out)
DU SILENCE ET DES OMBRES
Au coeur de l’Amérique sudiste et ségrégationniste des années 30, pendant la Grande Dépression, dans la ville fictive de Maycomb (Alabama), Atticus Finch, avocat droit et honnête, est commis d’office pour la défense de Tom Robinson, un Noir accusé d’avoir violé une femme blanche, Mayella Ewell, qui témoigne contre lui au tribunal… En 1962, Robert Mulligan, qui a souvent traité de l’enfance et de l’adolescence dans ses films, met en scène l’excellent Gregory Peck (il obtiendra l’Oscar du meilleur acteur) dans un drame vu à travers les yeux d’enfants. En effet, avec l’aide d’une gouvernante noire, Finch élève seul ses deux enfants Scout et Jem. Ceux-ci, avec leur ami Dill, viendront assister au procès et découvriront à la fois la violence des hommes et de la société et l’éthique d’un père qu’ils connaissaient au fond très mal… To Kill a Mockingbird (en v.o.) est considéré aux États-Unis comme un film phare, un symbole culturel… (Universal)
LE VENT DE LA PLAINE
Peut-être le seul vrai western réalisé (en 1960) par John Huston, The Unforgiven (en v.o.) est aussi un film que le cinéaste affirmait détester… Sans doute, parce qu’il fut « massacré » au montage. Il n’en reste pas moins que l’histoire du clan Zachary mérite le détour. Au coeur du récit, se trouve Rachel (magnifique Audrey Hepburn), enfant indienne, adoptée par la famille et objet de toutes les rumeurs sur ses origines. Pour certains Blancs, pas question d’accepter qu’une peau-rouge vive parmi eux. Pour les Indiens, elle doit retrouver les siens, de gré ou de force… Un propos qui permet au cinéaste de donner une œuvre tragique sur le racisme et l’intolérance. De plus, le film réunit une belle affiche avec Burt Lancaster, Lillian Gish, Audie Murphy, Doug McClure et John Saxon… Dans les suppléments, Jean-François Giré ou Patrick Brion reviennent en longueur sur ce western et sur les raisons d’Huston de le renier… (Sidonis Calysta)
DE L’AUTRE COTE DU CIEL
Vivant au milieu de grandes cheminées dont l’épaisse fumée recouvre depuis toujours le ciel de sa ville, le jeune Lubicchi aimerait prouver à tous que son père disait vrai : par-delà les nuages, il existe des étoiles. A Halloween, le petit ramoneur rencontre Poupelle, une étrange créature avec qui il décide de partir à la découverte du ciel. Le réalisateur japonais Yusuke Hirota a imaginé, autour d’un duo héroïque qui combine ses forces et ses faiblesses pour réussir, un film d’animation écologique et fantastique qui raconte la libération d’une ville et de ses habitants, enfermés dans une bulle de pollution… Intense et nécessaire. (Arte)
LA OU CHANTENT LES ECREVISSES
Dans les marécages de Caroline du Nord, Kya Clark grandit dans une famille fracturée qui voit le départ de ses membres, de sa mère à son père violent. Isolée, l’adolescente, connue par les habitants de la ville comme la « Fille des Marais », vit seule du commerce de moules à un couple de marchands locaux. Pendant des années, de folles rumeurs ont couru sur la jeune fille de Barkley Cove, isolant la sensible Kya de la communauté. Lorsqu’elle rencontre deux jeunes hommes de la ville, Kya découvre un autre monde. Mais lorsque l’un d’eux est retrouvé mort, Kya devient immédiatement la principale suspecte. Adaptant le roman à succès de Delia Owens paru en 2019, la cinéaste Olivia Newman réunit une bonne histoire, d’excellents comédiens (Daisy Edgar-Jones en touchante Kya), de fortes images de nature pour un drame mâtiné de thriller autour des secrets et des préjugés. (ESC Editions)
UNE VIE DIFFICILE
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Romain Silvio Magnozzi est résistant et participe à la rédaction d’un journal clandestin. Découvert par un Allemand qui veut le fusiller, il est sauvé de justesse par Elena. Celle-ci le cache et ils tombent amoureux. La guerre finie, il travaille comme journaliste et retrouve Elena qu’il épouse à Rome. Mais les prises de positions radicales de Silvio ne rapportent pas d’argent et ils n’ont pas toujours de quoi manger. À la suite de sa participation spontanée à une tentative d’insurrection, Silvio est incarcéré. Il débute alors la rédaction d’un roman : Une vie difficile. « Petite fresque de quinze années de vie italienne observées à travers les efforts et le ratage d’un journaliste luttant pour ses idéaux démocratiques », le film réalisé en 1961 par Dino Risi (et présenté dans la collection Make my Day de Jean-Baptiste Thoret), est l’une des plus remarquables compositions d’Alberto Sordi, l’un des grands acteurs italiens. (Studiocanal)
JANE PAR CHARLOTTE
Emouvant, notamment par les souvenirs intimes et les confidences partagés, le documentaire que Charlotte Gainsbourg consacre à Jane Birkin est un beau moment de cinéma entre une fille et sa mère. Alors même que la pudeur de l’une face à l’autre n’avait jamais permis un tel rapprochement. Par l’entremise de la caméra, émerge un échange inédit qui efface peu à peu les deux artistes et les met à nu dans une conversation intime et universelle. Avec grâce, la glace se brise pour saisir le mystère derrière la légende de l’écran. « C’était nécessaire, dit Jane Birkin, pour Charlotte d’entendre certaines choses qui ne sont jamais dites. Je pense que ses questions sont aussi intéressantes que mes réponses. Ce film est autant sur elle que sur moi ». Le dvd est accompagné d’un livre de photos de Charlotte Gainsbourg. (jour2fête)
LA CROISIERE JAUNE
Financée par André Citroën, l’expédition de la Mission Citroën Centre-Asie, la fameuse Croisière jaune, doit relier Beyrouth à Pékin en véhicules autochenilles. Un premier groupe quitte le Liban le 4 avril 1931 pour retrouver à mi- chemin un second groupe parti de Pékin. Une quarantaine d’hommes, parmi lesquels des savants et des médecins, vont parcourir trente mille kilomètres à travers le Moyen et l’Extrême-Orient, bravant les intempéries, les défaillances mécaniques et les conflits politiques… Cinéaste poète et aventurier, auteur du très acclamé Études sur Paris (1928), André Sauvage est engagé pour filmer cette extraordinaire épopée à but aussi bien scientifique que promotionnel. Cet incroyable témoignage cinématographique permet de suivre les péripéties d’une expédition longue et difficile à travers laquelle se déploie toute la beauté et la diversité des paysages, des hommes et des cultures rencontrés. Une aventure unique, disponible pour la première fois en Blu-ray dans une splendide restauration accompagnée du beau livre L’Aventure cinématographique de la Croisière jaune. (Carlotta)
TRAUMA
Jeune New-yorkaise d’origine roumaine, Aura Petrescu s’est échappée d’une clinique psychiatrique où ses parents l’avaient fait enfermer parce qu’elle souffrait d’anorexie mentale. Il est vrai que la jeune fille âgée de 16 ans avait de quoi être perturbée : elle avait assisté à la décapitation de ses parents lors d’une séance de spiritisme. Elle se réfugie auprès de David Parsons, un dessinateur employé par une station de télé locale. Ensemble, ils vont enquêter sur le tueur en série qui les a pris en chasse. Tourné dans le Minnesota, Trauma (1993) est la seconde des deux productions américaines du réalisateur italien Dario Argento après sa collaboration avec George Romero pour Deux yeux maléfiques (1990). Pour la première fois, le réalisateur de Suspiria et Inferno dirige, dans le rôle d’Aura, sa fille Asia, qui avait déjà joué dans deux films produits par son père, Démons 2 (1986) et Sanctuaire (1989). S’il est parfois considéré comme un simple remake américain des Frissons de l’angoisse qu’Argento réalisa en 1975 avec David Hemmings en tête d’affiche, le film (en restauration 4K et dans un beau coffret collector de la collection Extraculte) respecte cependant les reègles du giallo à l’italienne avec sa succession de meurtres, le protagoniste qui s’improvise détective ou la découverte du meurtrier et de son traumatisme refoulé… (Extralucid Filkms)
TOURNER POUR VIVRE
« J’ai retrouvé Tintin, raconte Philippe Azoulay, il a plus de 77 ans, il fait du cinéma et court le monde à la recherche du sens de la vie… » Le documentariste embarque le spectateur dans un voyage cinématographique inédit avec le réalisateur d’Un homme et une femme… Alors qu’il était parti pour trois années à suivre le cinéaste, Philippe Azoulay a finalement partagé, pendant sept ans, la vie d’un cinéaste convaincu de l’incroyable fertilité du chaos et qui avoue : « J’ai plus appris de mes échecs que de mes réussites… » Le documentaire fait la part belle à un Lelouch toujours avide de rencontres et de coups de cœur et se concentre sur les tournages de Salaud, on t’aime (2014) et Un plus une, grande histoire sur fond de considérable désordre créatif (2015). L’occasion de voir Lelouch à l’œuvre dans un chalet alpin et aux prises, notamment, avec un Johnny Hallyday « intime » et… un aigle qui a eu la mauvaise idée de prendre son envol vers un ailleurs inconnu la veille du tournage de ses séquences. Mais, comme par miracle, le bel oiseau revint alors qu’on ne l’attendait plus. De là à dire que Lelouch a le talent d’apprivoiser la chance ou de savoir capter un message du hasard, il n’y a qu’un pas… (Destiny Films)
FALL
Depuis qu’elle a vu son mari mourir sous ses yeux lors d’une escalade, Becky (Grace Caroline Currey) souffre de profondes phobies… Pour se sortir d’une spirale délétère, elle finit par accepter la proposition de son amie Hunter (Virginia Gardner) : escalader une tour de transmission haute de 600 mètres et située en plein désert californien. Mais, si Becky affronte l’aventure avec courage, les choses vont vite se gâter… L’Anglais Scott Mann s’y entend pour distiller une parfaite atmosphère de peur. Bourré de trouvailles et de situations parfois extravagantes, son film (tourné dans le désert des Mojaves) est un petit bijou de trouille cinématographique. (Wild Side)
BULLET TRAIN
Alors qu’il se pose des questions existentielles sur son « métier » de voleur professionnel, « Coccinelle » se voit confier une mission en apparence toute simple : s’emparer, à bord d’un train à grande vitesse circulant entre Tokyo et Kyoto, d’une mystérieuse mallette… Mais rien ne va se passer comme prévu. Car on retrouve, là, des tueurs, une étrange adolescente et… un serpent très venimeux. David Leitch, ancien cascadeur devenu réalisateur, signe un produit hollywoodien avec tout ce qu’il faut de séquences d’action, des digressions humoristiques, de style clip et de stars puisque « Coccinelle » est du sur-mesure pour Brad Pitt. (ESC Editions)
LE SURVIVANT
Boxeur polonais, Harry Haft est transféré dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz. Ce sportif va devoir littéralement se battre pour survivre : s’il gagne ses combats, il est nourri, s’il perd il est conduit à la chambre à gaz. Après la guerre, Harry (Ben Foster) devient boxeur professionnel en Allemagne avant de s’installer aux États-Unis. Hanté par la culpabilité et les traumatismes de ses combats dans le camp, Haft, installé à Brooklyn, va reprendre peu à peu goût à pratiquer son sport. Il va même faire des combats très médiatisés, notamment celui contre Rocky Marciano. Auteur de grands succès comme Good Morning Vietnam (1987) ou Rain Man (1988), Barry Levinson, en se souvenant du vécu de sa propre famille, se penche avec empathie sur un traumatisme post-Shoah. (Metropolitan)
THE DESPERATE HOUR
Dans sa petite ville montagneuse des États-Unis, Amy Carr se remet lentement de la mort de son mari, un drame qui a durement éprouvé Noah, son aîné. Pendant un congé, Amy fait du jogging en forêt lorsqu’elle croise plusieurs voitures de police, sirènes hurlantes et gyrophares allumés… Désormais accrochée à son portable, Amy (Naomi Watts) apprend qu’une prise d’otages se déroule au lycée de Lakewood où Noah est scolarisé. Alors qu’elle se trouve en pleine forêt et qu’elle peine à trouver son chemin, la police lui conseille de rejoindre un rassemblement de parents à proximité du lycée. Dans un huis-clos pratiquement en temps réel, la tension va crescendo. Chaque seconde, désormais, compte pour une mère aux abois qui se demande si son Noah n’est pas impliqué dans la prise d’otages. (Wild Side)
LA SYMPHONIE FANTASTIQUE
A la faculté de médecine, le jeune Hector Berlioz griffonne des notes sur ses cahiers. L’anatomie, non merci. Son destin, c’est la musique… Mais la gloire ne viendra que tardivement et dans une profonde douleur. En 1942, Christian-Jacque met en scène la vie, très romancée, de l’auteur de La damnation de Faust. Il se concentre, au-delà de la difficulté de Berlioz à se faire entendre notamment de ses confrères et de son éditeur, sur son amitié avec Antoine Carbonnel (Bernard Blier) et sur les deux femmes qui ont compté dans sa vie : Henriette Smithson (Lise Delamare) et la douce Marie Martin (Renée Saint-Cyr). Jean-Louis Barrault campe avec emphase un génie torturé… Produit par la Continental, la société allemande installée à Paris pendant l’Occupation, ce film qui exalte l’âme française, a été scénarisé par Alfred Greven, le (francophile) patron de la Continental. (Gaumont)
MADAME SANS GENE
Epouse du maréchal Lefebvre, duc de Dantzig, Catherine Hubscher, née le 2 février 1753 à Altenbach (aujourd’hui Goldbach-Altenbach) au pied des Vosges haut-rhinoises, hérita a posteriori du sobriquet « Madame Sans-Gêne » attribué par l’auteur de théâtre Victorien Sardou. Elle était en effet célèbre pour son franc-parler et ses manières populaires, qui déplaisaient fortement à l’entourage de l’empereur Napoléon Ier alors que lui l’appréciait beaucoup et la défendait toujours. En 1961, Christian-Jacque raconte donc les aventures de Catherine, lingère durant la Révolution. Elle est courtisée par un sous-officier, le sergent Lefebvre, mais elle est soucieuse de sa réputation… Le 10 août 1792, durant les émeutes parisiennes, c´est dans sa cour que le canon est tiré, vers les Tuileries. Puis, elle suivra son mari, le sergent Lefebvre (Robert Hossein), épousé entre deux campagnes napoléoniennes, dans ses pérégrinations militaires. Des années plus tard, devenue duchesse de Dantzig, Catherine, desservie par les intrigues ourdies par les sœurs de Napoléon et Joseph Fouché, fait scandale à la cour de l’empereur… Une comédie « historique » faite sur mesure pour une Sophia Loren toutes en formes et à l’aise dans la faconde de Madame Sans-Gêne… (Gaumont)