Pour une paire de baskets orange…

La traque se met en place sous l'impulsion de Marco (Jérémie Renier) et Fred. DR

La traque se met en place sous l’impulsion
de Marco (Jérémie Renier) et Fred. DR

« Il faut faire comprendre à nos concitoyens qu’ils sont en sécurité ! » Dans une réunion qui rassemble les sommités des enquêteurs, un politique tape sur la table. La situation est grave, la France a peur et, dans les heures qui suivent les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et dans sa banlieue, tout le monde est pourtant dans le flou. Seul le bilan des morts et des blessés qui s’alourdit donne la dimension du drame… Mais la police, et plus particulièrement les hommes de l’anti-terrorisme, s’active presque frénétiquement pour faire avancer une enquête hors normes…C’est en 2020 avec Bac Nord, polar solidement anxiogène autour de trois agents de la Brigade anti-criminalité de Marseille, vu par 2,2 millions de spectateurs en France, que Cédric Jimenez est venu sur le devant de la scène cinématographique. Le cinéaste explique que le scénariste Olivier Demangel et le coproducteur Mathias Rubin sont venus lui proposer un scénario déjà très avancé… Le sujet étant évidemment très fort, Jimenez avoue qu’il ne pouvait y rester insensible et s’est donc emparé de cette fiction. « Le documentaire, dit le cinéaste, se doit de raconter les vrais gens, avec leurs vrais noms par exemple. La fiction permet l’inverse et intervient pour raconter ce que l’on ressent et ce que l’on a envie de raconter par rapport à cela. Sinon on ne fait pas de film. Sinon on est journaliste. Le journaliste est là pour relater les faits. Le cinéaste ou le romancier sont là pour les interpréter. C’est inhérent à la raison pour laquelle on fait ce métier. On a envie de s’approprier les choses ne serait-ce qu’un minimum, tout en les respectant et en restant à sa place, à la bonne distance. Imaginez bien que pour ce film j’ai fait attention à tout. J’ai tout pesé au millimètre… »

Fred (Jean Dujardin) et Héloïse (Sandrine Kiberlain)  interrogent un suspect. DR

Fred (Jean Dujardin) et Héloïse (Sandrine Kiberlain) interrogent un suspect. DR

De fait, la force de Novembre repose bien sur le fait que les attentats du 13 novembre, inscrits durement dans la chair et l’inconscient des Français, sont, ici, mis en scène à la manière des meilleurs polars. Cela tout en respectant, dans un scénario très factuel, la précision de la chronologie réelle des événements. Face à la quasi-impossibilité de trouver deux hommes recherchés dans une métropole comme Paris, le spectateur expérimente la tension extrême de policiers qui, 24 heures sur 24 pendant cinq jours, cherchent littéralement une aiguille dans une botte de foin.
Car c’est véritablement un face-à-face qui s’installe entre terroristes et policiers. Un affrontement à distance d’où sont absentes les images des attaques au Stade de France, dans les cafés et sur les terrasses des 10e et 11e arrondissements de la capitale et enfin au Bataclan. Le metteur en scène qui aurait jugé obscène (sic) de montrer les attentats tout comme les victimes, se concentre sur un mouvement en avant sans aucune place pour les états d’âme… La seule fois où Novembre filme -pudiquement- les victimes, c’est dans le cadre de l’enquête. Apparaît alors l’indice des baskets orange qui deviendra capital dans l’enquête…
Sans être une œuvre exceptionnelle, Novembre est un robuste polar sur une authentique tragédie. Par le rythme de sa sobre mise en scène, Cedric Jimenez tient constamment en haleine, qu’il évoque l’impressionnante logistique (écoutes, décryptage des images vidéo, traque numérique etc.) mise en œuvre, la valeur de l’instinct ou le poids de l’intime conviction ou encore lorsqu’il cite Daech revendiquant d’avoir pris pour cible «  la capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix en Europe, Paris » et déclarant que « cette attaque n’est que le début de la tempête ».
Comme toujours au cinéma, le scénario fixe le projecteur sur quelques personnages emblématiques. C’est évident pour Fred, le commissaire de la Sous direction anti-terroriste (SDAT), qui coordonne l’enquête et qui fait un peu figure de « super-héros ». Ca l’est aussi, de manière plus nuancée pour Inès, la jeune flic qui décide, sur un renseignement, de mener, seule, une filature et qui se fera sévèrement remonter les bretelles parce que sa manière de procéder se déroule hors de tout cadre juridique et, ce faisant, risque de fragiliser sérieusement l’action de la police…

Samia (Lyna Khoudri), un témoin capital face à Inès (Anaïs Demoustier). DR

Samia (Lyna Khoudri), un témoin capital
face à Inès (Anaïs Demoustier). DR

En dehors des terroristes dont on connaît les noms, tous les personnages sont inventés, même si le vécu de vrais policiers du SDAT a enrichi le scénario. Il revient alors aux comédiens de leur donner la nécessaire épaisseur. Jean Dujardin (Fred), Anaïs Demoustier (Inès) ou Sandrine Kiberlain (Héloïse) sont tous les trois au diapason. Le film met aussi en lumière, au-delà la fatigue, voire de l’épuisement des forces de l’ordre, la diversité des profils des policiers…
Novembre trouve enfin un grand temps fort dramatique avec le personnage de Samia (Lyna Khoudri) qui affirme aux enquêteurs qu’elle héberge Hasna Aït Boulahcen, la cousine d’Abdelhamid Abaaoud, et que celle-ci l’a entraînée du côté de l’A86, dans une zone d’entrepôts d’Aubervilliers, où sont cachés Abaaoud et Chakib Akrouh, les deux survivants du commando des terrasses. Et elle a remarqué que l’un des hommes portait des baskets orange. Des baskets dont une victime des attentats, sur son lit d’hôpital, avait parlé aux policiers…

Le RAID s'apprête à donner l'assaut à Saint-Denis. DR

Le RAID s’apprête à donner l’assaut
à Saint-Denis. DR

Circonspects, les policiers vont cependant constater la réalité des révélations de Samia. Désormais, le trio Abaaoud, Akrouh et Hasna sont filés au plus près. Ils seront finalement « logés » dans un appartement du centre de Saint-Denis. Le 18 novembre, à 4h16, l’assaut est donné. Le RAID tente de faire exploser la porte de l’appartement mais sans succès. A la manière des ultimes séquences de Bac Nord, Jimenez filme l’intense violence d’une attaque qui dura plusieurs heures et au terme de laquelle Abaaoud, Aït Boulahcen et Akrouh trouveront la mort.
Les attentats de novembre 2015 ont fait 131 morts et 494 blessés. Le djihadiste Salah Abdeslam, impliqué dans ces attentats, a été condamné, le 19 juin 2022, à la réclusion criminelle à perpétuité réelle. Il n’a pas fait appel.

NOVEMBRE Thriller (France – 1h47) de Cédric Jimenez avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain, Jérémie Renier, Lyna Khoudri, Cédric Kahn, Sofian Khammes, Sami Outalbali, Stéphane Bak, Raphaël Quenard, Sarah Afchain, Sophie Cattani, Jérémy Lopez, Quentin Faure, Victoire Du Bois. Dans les salles le 5 novembre.

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