Antoine (François Cluzet)
et Laurent (Vincent Cassel).

La chair est faible et j’ai vu… tous les paysages de Corse! Un moment d’égarement commence sur la mer et sous le soleil. Avec, en prime, « une pensée pour Claude Berri » et l’une des plus belles chansons au monde, en l’occurrence La mer de Charles Trenet… Voilà donc l’histoire d’Antoine et Laurent, deux amis de longue date, qui débarquent dans la maison familiale d’Antoine. Une grande et belle maison au coeur du maquis corse dont les portes n’ont pas été ouvertes depuis longtemps. Tout pour ne pas plaire à Marie, la fille de Laurent et à Louna, la fille d’Antoine. Lorsque les pères parlent, les filles mettent leurs casques sur les oreilles. Forcément, elles préfèrent « Diamonds in the Sky » de Rihanna aux conseils paternels et sentencieux. Et puis, trouver un rat mort dans la chambre à coucher leur fait pousser des cris…

Fils de Claude Berri, Thomas Langmann produit, avec ce Moment d’égarement, un remake du film éponyme mis en scène en 1977 par son père avec Jean-Pierre Marielle, Victor Lanoux et Agnès Soral dans les rôles principaux. On a gardé un vague souvenir de cette histoire mais pas de l’affiche signée du regretté Wolinski. Sur une plage, une rigolarde gamine frisée et blonde tapait, avec sa pelle, sur un seau posé à l’endroit idoine d’un Marielle marri. Tout à fait dans l’esprit Charlie.

Louna (Lola Le Lann) fait à Laurent (Vincent Cassel) le coup de la crème bronzante.

Là où la version de 1977 pouvait avoir un parfum de scandale, celle de 2015 ne sent guère le soufre. Parce que le temps a passé, que les moeurs ont évolué… même si le fait pour un quadragénaire d’avoir une relation sexuelle avec une mineure, tombe toujours sous le coup de la loi. De plus, dans le film de Berri, si on ne souvient bien, Marielle consommait à plusieurs reprises alors que le Laurent de 2015 n’y revient pas. Mais laissons là d’inutiles comparaisons que le spectateur d’aujourd’hui ne fera de toute façon pas.

A la réalisation du film, on trouve Jean-François Richet apprécié pour son regard sur la banlieue dans Ma 6-7 va crack-er (1997) puis pour le diptyque policier Mesrine (2008) et qui avait envie de s’essayer ici aux arcanes de la comédie romantique. Sa mise en route n’est pas déplaisante et il croque quelques stéréotypes sur les quadras en vacances comme sur les grandes adolescentes dans leur quête des nuits festives et estivales. C’est justement là, dans la conjonction de l’alcool, de la nuit, de la pleine lune et de la fête que Louna, 17 ans, va s’accrocher au cou de Laurent. Persuadée d’être amoureuse de lui, la gamine l’a déjà aguiché du bout d’un sein. Lorsqu’au bord de la mer, elle tombe ce qui lui reste de voiles, Laurent, sans doute flatté par le désir de la belle, a les sens en émoi. Il va bien tenter de repousser les baisers énamourés de Louna mais il cédera à l’étreinte.

Alice Isaaz et Vincent Cassel.

Et alors que l’on pouvait s’attendre à assister au jeu cruel du chat et de la souris entre une Lolita d’occasion et un Humbert Humbert d’été, Un moment d’égarement va glisser dans l’ennui. Bien sûr, Louna tire les ficelles. Bien sûr, Laurent est un type lâche et faible qui n’assume pas son « dérapage ». Mais étrangement, on n’y croit pas. Et ce ne sont pas des dialogues comme « Je ne t’aime pas » (Laurent) – « Ce n’est pas ce que j’ai ressenti sur la plage » (Louna) qui vont arranger les choses. Peut-être aussi, parce que face à un Laurent déconfit, Antoine pousse le trait. Pris entre le silence coupable de Laurent et une succession de quiproquos assez prévisibles, ce père furibard à l’idée qu’un salopard ait pu mettre la main sur le « bébé à son papa » devient caricaturalement excessif. Laurent et Antoine finiront bien par s’expliquer mais, à cet instant, le spectateur n’y est plus.

Vincent Cassel, tout en séduction grisonnante, campe ce Laurent saisi par la débauche et il le fait pas mal. Ses fans apprécieront. Pour Antoine, François Cluzet retrouve son personnage de type énervé et qui ne comprend rien aux enjeux de l’affaire qu’il a souvent expérimenté ailleurs. Après tout, ce sont ici les filles qui tirent leur épingle du jeu. Alice Isaaz, déjà vue dans La crème de la crème, est Marie, celle qui a tout compris tout de suite. Louna, elle, est incarnée par une absolue débutante, Lola Le Lann. On peut retenir son nom car on devrait vite la revoir.

UN MOMENT D’EGAREMENT Comédie dramatique (France – 1h45) de Jean-François Richet avec Vincent Cassel, François Cluzet, Lola Le Lann, Alice Isaaz, Philippe Nahon. Dans les salles le 24 juin.