Le monde souterrain et le fan sur un plateau
SCIENCE-FICTION.- Alors que l’humanité a réussi à atteindre une quasi-immortalité, elle a aussi perdu, à force de manipulations génétiques, la faculté de procréer. Son lent déclin est inexorable. Pour tenter de percer les secrets de la reproduction, un être humaine, Parton, est envoyé en mission dans une ville souterraine, où vivent des clones mutants prêts à se rebeller contre leurs créateurs… Pour Parton, commence une aventure d’autant plus étrange qu’il croise des créatures monstrueuses et que le danger peut venir, à tout moment, de partout…
Junk Head (Japon – 1h40. Dans les salles le 18 mai) est l’épatante aventure d’un seul homme. Après des études d’art, le Japonais Takahide Hori est devenu peintre. Comme il doute de la qualité de ses œuvres, il se met à travailler avec des volumes pour créer notamment des accessoires de mode. Touche à tout, Hori va s’intéresser ensuite à la décoration d’intérieur. Il fonde une entreprise qui a notamment participé à la création du Disneyland de Tokyo. Et puis à 40 ans, il se lance un nouveau défi artistique. Cette fois, c’est le cinéma ! Il se plonge dans des dizaines de films, les analyse longuement et alors qu’il n’a aucun lien avec l’industrie du cinéma nippon, il choisit la technique du stop motion. Au terme de sept années de labeur, entièrement solitaire, il donne Junk Head qui, en mars 2020, sort sur onze écrans japonais et fait salle comble pendant deux semaines. Le film se classe au premier rang du Box Office indépendant. Le bouche à oreille est tel qu’une communauté de fan se crée sur le net, sous le hashtag #JUNKHEAD fan art tandis que le film totalise bientôt 85 000 spectateurs. Devenu un véritable phénomène au Japon, Junk Head a ensuite écumé les festivals du monde entier, glanant des prix au Fantasia Festival de Montréal, au Fantastic Fest d’Austin (où il est couronné meilleur réalisateur) ou encore au Festival du film fantastique de Strasbourg où il obtient la Cigogne d’or du meilleur film d’animation.
« Dès le départ, explique Takahide Hori, j’ai souhaité que le film ait un aspect « live action », avec des mouvements réalistes, filmé à 24 images par seconde, quand les films d’animation se font souvent à 12 images par seconde. La technique que j’ai employée consistait à me filmer jouant les scènes, puis à répéter image par image les mouvements avec mes figurines. »
Avec sa faible expérience de la stop motion, Hori n’avait pas la prétention de raconter une histoire sérieuse. En jouant avec les contraintes imposées par la technique, il a opté pour une approche ludique qui mêle culture underground, références aux manga shōnen et à la science-fiction hollywoodienne puisqu’on note des clins d’œil, notamment à Star Wars, Dune ou Alien. Et comme il trouvait que, dans les fims en stop motion (animation en volume ou animation pas-à-pas, les personnages ressemblent souvent à des poupées, il a décidé de priver les siens d’yeux…
Avec plus de 140 000 prises de vues, un décor et des personnages faits à la main par leur créateur, Junk Head impose un récit inventif et captivant où interviennent beaucoup de passion et un grain de folie, pour plonger le spectateur dans un fascinant univers dystopique. Lorsque le générique de fin apparaît, il faut demeurer dans la salle car on découvre Takahide Nori à l’œuvre dans l’envers du décor de son impressionnant ovni !
POPULARITE.- Grande vedette populaire, Gérard Lanvin arrive dans le sud de la France où il doit tourner l’un des films les plus importants de sa carrière puisqu’il s’agit d’une production américaine. Comme il se doit, on a installé l’acteur dans une grande et luxueuse villa. Hélas, l’eau de la belle piscine sent spécialement mauvais. Pas d’autre solution que de faire appel à un professionnel pour tout remettre en état. C’est ainsi que Momo Zapareto frappe à la porte de la villa. Pas de souci pour remettre la piscine à flot. « Mais, observe Momo, vous ressemblez à Gérard Lanvin… En un peu moins grand ». Lorsqu’il se rend compte de ce qui lui arrive, Momo est simplement fou de joie. Car il est fan, très fan. Bientôt trop fan ! Pour Gérard, le cauchemar ne fait que commencer… Car Momo est bien décidé à profiter de la proximité de son idole. Passent encore les inévitables selfies, il aimerait tant venir sur le tournage où Lanvin incarne un viticulteur résistant en 39-45. La star ne dit pas non. « Mais pas le premier jour de tournage ! » insiste Lanvin. Qu’importe… Le premier jour de tournage, Momo est là et bien là. Avec toute sa famille…
Avec J’adore ce que vous faites (France – 1h27. Dans les salles le 18 mai), Philippe Guillard propose une réflexion sur la popularité, ce qu’elle est, ce qu’elle implique, ce qu’elle provoque, pourquoi on la recherche et pourquoi on en vient à la fuir…
En 1996, Tony Scott mettait en scène Robert de Niro dans The Fan, un thriller où il incarnait un fan des Giants de San Francisco. Sa vie sentimentale et professionnelle est un désastre. Tout se dégrade dramatiquement lorsque le joueur de baseball qu’il idolâtre, présente une grave baisse de forme… Momo Zapareto n’a pas ce genre de problème. C’est un brave garçon et même le chouchou de sa mère (Laura del Sol, la vedette du Carmen de Carlos Saura en 1983) qui lui passe tout… au motif d’un traumatisme dans son enfance…
Philippe Guillard, qui est venu à la réalisation avec Le fils à Jo (2011) après une carrière de rugbyman professionnel au Racing club de France et une reconversion à Canal+ puis comme scénariste, notamment de Camping (2006), organise une agréable comédie qui fonctionne sur la classique Buddy movie où deux types forcément mal assortis finissent par s’apprécier.
Pour J’adore…, le cinéaste a recruté l’humoriste Artus qui se régale de son personnage de Momo qui pourrait se définir par la remarque lasse de Lanvin : « Vous n’arrêtez jamais, vous ? » Quant à Gérard Lanvin, c’est une longue amitié qui le lie au cinéaste. Venu aux Rencontres de Gérardmer pour présenter son film en avant-première, Philippe Guillard avait évoqué leur commune passion du rugby, le respect de la parole donnée, un certain sens de l’épicurisme et une propension à partir en vrille aussi, face à l’injustice par exemple… Ici, poussé à bout par Momo, Gérard Lanvin part en vrille mais c’est juste pour amuser… ses fans !