LA PLANETE, LA STATUE, LA QUETE, LA MORT ET LE FRONT UKRAINIEN
DUNE
On attendait beaucoup du talentueux Denis Villeneuve, déjà applaudi pour Sicario, Incendies ou Enemy, à la tête de la nouvelle adaptation du roman éponyme de Frank Herbert… La réussite est au rendez-vous pour le cinéaste canadien avec une épopée monumentale qui a rassemblé plus de trois millions de spectateurs dans les salles françaises. « Un jour naîtra un être de légende… » De fait, le jeune Paul Atreides est promis à un destin hors du commun sur Arrakis alias Dune, la planète la plus dangereuse de l’univers et la seule à posséder l’Epice, capable de décupler la puissance de l’humanité. Avec Timothée Chalamet en tête d’affiche entouré de Rebecca Ferguson et Oscar Isaac, voici une aventure visuellement brillante et tout à fait captivante… Villeneuve relève avec brio le défi de prendre la suite du grand David Lynch de 1984! (Warner)
GAZA MON AMOUR
« Ni femme, ni enfant, ni chien. Un roi ! » Oui, mais Issa, pêcheur à Gaza, est pourtant bien las de sa solitude. A 60 ans, il est secrètement amoureux de Siham, une femme qui travaille comme couturière au marché et il voudrait l’épouser. Lorsqu’Issa ramène dans ses filets une statue antique d’Apollon, les ennuis commencent… En 2020, les frères jumeaux Arab et Tarzan Nasser (remarqués en 2015 avec Dégradé) signent une comédie douce-amère sur un homme mûr et sentimental mais aussi sur la vie quotidienne à Gaza. De plus, à travers l’histoire de la statue d’Apollon et de son phallus cassé par mégarde, les cinéastes palestiniens n’hésitent pas à brocarder le Hamas. Salim Daw et Hiam Abbass sont parfaits en couple en route vers la tendresse… (Blaq Out)
STILLWATER
Ancien ouvrier du pétrole, Bill Baker vit de petits boulots à Stillwater, Oklahoma. Sans parler le français, Baker se rend à Marseille pour soutenir sa fille Allison, en prison aux Baumettes dans une affaire de crime. Cet homme mutique va recevoir l’aide d’une comédienne de théâtre (Camille Cottin) rencontrée par hasard. Cinéaste récompensé par l’Oscar du meilleur film pour l’excellent Spotlight (2016) sur les abus sexuels dans l’église américaine, Tom McCarthy, loin des codes du thriller ou de l’enquête, réussit le portrait d’un paumé égaré dans une ville étrangère (le tournage a eu lieu du côté de l’Estaque ou du Stade-vélodrome) auquel Matt Damon, la silhouette alourdie, le pas lent, apporte, dans sa quête solitaire, une densité superbe… (Universal)
TOUT S’EST BIEN PASSÉ
Romancière épanouie et accomplie, aussi bien dans sa vie privée que professionnelle, Emmanuèle est, un jour, appelée en urgence : son père André, âgé de 85 ans, vient d’être hospitalisé après un accident vasculaire cérébral. Quand il se réveille, diminué et dépendant, cet homme curieux de tout et aimant passionnément la vie, demande à sa fille (Sophie Marceau) de l’aider à mourir. Malgré leurs différends passés, le père (André Dussollier) s’adresse à elle plutôt qu’à son autre fille, Pascale (Géraldine Pailhas), qui le vit plutôt mal. François Ozon adapte le roman éponyme, paru en 2013, d’Emmanuèle Bernheim (qui avait collaboré avec Ozon sur Sous le sable et Swimming Pool) auquel son père, âgé de 88 ans en 2008, avait demandé de l’aider à mourir après un AVC. Le cinéaste, entre lucidité et terreur, réussit une œuvre poignante sur les liens familiaux. (Diaphana)
IL VARCO
En 1941, un soldat italien part combattre sur le front russe où l’armée fasciste est liée avec les Allemands… Le militaire, qui a déjà connu la guerre en Ethiopie, redoute cette expédition. Tandis que le train avance vers l’Ukraine et que l’hiver arrive sur la steppe, l’inquiétude grandit… En s’appuyant uniquement sur des images d’archives privées ou officielles et en se reposant sur des journaux intimes ou des œuvres littéraires, Federico Ferrone et Michele Manzolini, connus pour leur utilisation créative et volontiers expérimentale du répertoire audiovisuel, construisent une fascinante docufiction. Dans une utilisation virtuose des images, les cinéastes racontent la peur, la nostalgie, le souvenir du bonheur des temps de paix. Impressionnant et même envoûtant ! (Blaq Out)
SUMMERTIME
Pendant une chaude journée d’été, les petites galères s’entrecroisent dans l’existence de 25 habitants de la Cité des anges. La plupart sont jeunes, tous appartiennent à une marge quelconque. Avec cette expérience cinématographique quasiment expérimentale portée par des non-professionnels, Carlos Lopez Estrada (remarqué pour Blindspotting et auteur, depuis, du film d’animation Raya et le dragon chez Disney) s’installe à un carrefour des arts pour une œuvre chorale pleine de fantaisie. Dans une ville où la vie fonce, les personnages qui traversent l’écran, plus ou moins vite, disent parfois leur colère et souvent leurs rêves. Sans scénario, le film est parfois bancal mais pose un regard bienveillant sur ces artistes qui pratiquent une poésie pleine de punch… (Metropolitan)
SERRE-MOI FORT
Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va. Voilà comme Mathieu Amalric présente sa huitième réalisation. Pour ce mélodrame, le cinéaste adapte Je reviens de loin, une pièce (parue en 2003) de Claudine Galea. Au cœur d’un récit volontairement déroutant et profondément teinté de mélancolie, on suit une femme au bord de la rupture, quittant mari et enfants pour partir dans un voyage apparemment sans but. Au côté d’Arieh Worthalter, Vicky Krieps, découverte et superbe dans Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, incarne magnifiquement cette Clarisse prise dans un permanent vertige… Portée enfin par une bande musicale obsédante, cette chronique mentale sur un deuil impossible finit par fasciner… (Gaumont)
LE DÉNONCIATEUR
Agent des Services secrets américains, le capitaine Web Carey est envoyé en Italie pendant le Seconde Guerre mondiale pour des actions de sabotage contre les Allemands. Il se cache dans une belle demeure sur un lac en Lombardie et y développe une histoire d’amour avec une jeune femme. Une descente des nazis provoque la mort de plusieurs Américains. Web échappe de peu à la mort. Après la guerre, Carey revient sur les lieux pour démasquer le traître qui l’a dénoncé aux Allemands. Tourné en 1949, entièrement dans les studios d’Hollywood, ce film oublié est signé Mitchell Leisen, plus connu pour ses comédies que pour ce film noir. Cependant, cette aventure mérite l’attention à cause d’Alan Ladd qui incarne un Carey déterminé à découvrir la vérité et qui se retrouve en butte à la méfiance des autochtones… Signal discret pour alerter les agents secrets de l’imminence d’un danger, Mona Lisa a été couronné de l’Oscar de la meilleure chanson en 1951. (Sidonis Calysta)
NUIT D’IVRESSE
Animateur vedette de la télé, Jacques Belin a remporté le Dandy d’or. A la Gare de l’Est, il attend Marlène, sa fiancée… Frede, elle, vient de sortir de prison et attend un train pour Metz. Par hasard, les deux s’embarquent dans une folle nuit terriblement alcoolisée. Au matin, Jacques Belin ne se souvient strictement plus de rien. Frede croit, pour sa part, au début d’une grande histoire d’amour. Adapté de la pièce de théâtre écrite en 1985 par Josiane Balasko, le film (pour la première fois en dvd), réalisé par Bernard Nauer, retrouve l’esprit délirant du Splendid. Balasko, déchaînée et émouvante et Thierry Lhermitte, de plus en plus pathétique, s’en donnent à cœur joie. Les dialogues sont pétillants à souhait. Dans les bonus, le duo Balasko-Lhermitte revient longuement sur la genèse du film. (Rimini Editions)
L’ORIGINE DU MONDE
Un jour, Jean-Louis Bordier découvre, avec effarement, que son cœur s’est arrêté. Bien sûr, il est toujours vivant mais plus un battement dans sa poitrine. Rien. Michel Verdoux, son copain vétérinaire, ne lui est pas d’un grand secours. Sa femme lui conseille de consulter une « holistic life coach » qui lui explique qu’elle a besoin de voir le sexe de la mère de Jean-Louis pour qu’il puisse survivre. Pour son premier long-métrage, Laurent Lafitte (qui incarne Jean-Louis) signe un drame qui fait rire. En s’appuyant sur Vincent Macaigne, Karin Viard, Nicole Garcia en gourou barrée et l’exquise Hélène Vincent, Lafitte embarque le spectateur dans un trip soigneusement barré. On a compris la référence au fameux tableau de Courbet. Le rire est grinçant devant cette savoureuse crapulerie ! (Studiocanal)
GOGO
Kényane de 94 ans, mère de trois enfants et sage-femme depuis 75 ans, Priscilha Sitienei est illettrée et elle s’indigne de constater qu’il y a encore, dans son pays, des filles qui ne vont pas à l’école. Elle décide alors de s’inscrire dans une école primaire avec six de ses arrière-petites-filles. Avec un large sourire, elle note : « Je suis en CM2 ». Cette arrière-grand-mère qui compte pas moins de 54 descendants est ainsi devenue la plus vieille écolière du monde. Dans un documentaire au ton fortement humaniste, Pascal Plisson (auteur de Sur le chemin de l’école en 2013) montre celle que tout le monde surnomme Gogo à la fois sur les bancs de classe et dans son existence d’adulte, le tout dans un fort plaidoyer pour l’éducation de tous. (Le Pacte)
LES MÉCHANTS
Loser de banlieue, Sébastien essaye de fourguer une console de jeux qu’il a volé à des migrants dans une petite boutique tenue par le gentil Patrick. L’envie de se faire trois billets va déraper avec un rappeur sortant de prison et une journaliste télé avide d’audience. Avec rien du tout monté en épingle à coups de clics, Patrick (Roman Frayssinet) et Sébastien (Djimo) vont se retrouver ennemis publics n°1. En jouant de diverses références, en n’hésitant pas à forcer le trait, Mouloud Achour, journaliste et animateur vedette de Canal+ avec l’émission Clique, signe, en collaboration avec Dominque Baumard, une comédie décalée autour des médias et de la course au buzz, du bio, de l’écriture inclusive ou du politiquement correct. Bref, tout le monde en prend pour son garde. Et on en rit ! (Le Pacte)
POURRIS GATÉS
Francis Bartek s’est fait tout seul. A la force du poignet, cet ancien maçon est devenu un homme très prospère qui roule désormais sur l’or. Las, les trois grands enfants de l’homme d’affaires sont des paresseux, capricieux et fêtards qui dépensent sans compter l’argent de leur père. Lassé par leur comportement, Bartek va ruser pour les contraindre à l’impensable : travailler ! Avec Gérard Jugnot en tête d’affiche (entouré de Camille Lou, Artus et Louka Meliava), Nicolas Cuche adapte librement un film mexicain à succès et en tire une comédie certes prévisible mais bien rythmée. Et qui s’amuse à mettre en exergue une valeur jugée parfois désuète… (Universal)