Le charlatan flamboyant, les amoureux lelouchiens et les adolescents entrepreneurs
THRILLER.- Stanton Carlisle est une canaille. Mais c’est une canaille flamboyante et un baratineur qui pratique à merveille l’art difficile de la séduction. Dans l’Amérique des années 1930, il a brutalement coupé les ponts avec son passé. Mais cet homme qui continue à être hanté par ses démons, va trouver de quoi se refaire dans une foire itinérante qui mêle grande roue lumineuse, attractions foraines, maison des pêchés et freak show. Comme Stanton a de l’allant, il est rapidement embauché par Clem Hoately comme homme à tout faire. Il se lie aussi avec la clairvoyante Madame Zeena qui tire les tarots. Pete, le mari alcoolique de Zeena, a connu des jours meilleurs mais il maîtrise encore l’art de la fausse télépathie et notamment un précieux code verbal entre le télépathe et son assistante. Enfin Stan tombe sous le charme de la timide et ravissante Molly qui travaille dans un show « électrique ». Amoureux, ils décident de partir tous les deux mener ailleurs leurs aventures. Deux ans plus tard, ils triomphent avec un spectacle de télépathie qui attire de nombreux New-yorkais dans un cabaret chic…
En 2017, grâce à Guillermo del Toro, on était tombé sous le charme d’une femme de ménage aussi modeste que solitaire emportée, dans La forme de l’eau, dans une belle histoire d’amour, sur fond de Guerre froide, avec un humanoïde amphibien. Le cinéaste mexicain est de retour avec Nightmare Alley (USA – 2h30. Dans les salles le 19 janvier) où il démontre, une nouvelle fois, qu’il est un fameux conteur. Il mène ici à bien un vieux projet qui a achoppé sur des problèmes juridiques. Cette fois, Del Toro a pu adapter Le charlatan, un roman de William Lindsay Gresham écrit en 1946 et porté, dès l’année suivante, au grand écran, sous le titre éponyme, par Edmund Goulding avec Tyrone Power dans le rôle du bonimenteur.
Après l’univers fantasmagorique de la fête foraine, Guillermo del Toro détaille un univers luxueux mais vénéneux où Carlisle va croiser la mystérieuse Lilith Ritter. Vite sous le charme de la belle psychologue et poussé par l’appât du gain, le charlatan va tenter de faire « encore mieux » pour soulager les âmes en peine. Un juge tombe dans ses évocations télépathiques d’un passé douloureux. Mais lorsque le juge le met en contact avec Ezra Grindle, un redoutable homme d’affaires, le charlatan se sent pousser des ailes. Il va alors enfreindre une règle que le défunt Pete lui avait conseillé de ne pas franchir : « faire parler » les morts…
Pour faire bonne mesure, Nightmare Alley bénéficie d’un très beau casting avec Bradley Cooper en Stan Carlisle, de belles femmes autour de lui : Cate Blanchett (le Dr. Ritter), Rooney Mara (Molly), Toni Collette (Zeena) et enfin de bonnes gueules comme celles de Willem Dafoe, Richard Jenkins, David Strathairn ou Ron Perlman, comédien-fétiche de Del Toro. Entre thriller et drame fantastique, un agréable moment de cinéma !
CINQUANTIEME.- Montmartre sera toujours Montmartre et Lelouch sera toujours Lelouch. Avec sa passion de l’amour vécu à fond et son goût pour les histoires de copains, voilà que le cinéaste d’Un homme et une femme remet le couvert. On s’attend donc à voir du Lelouch et on n’est pas déçu. Car la 50e œuvre dans la filmographie de Lelouch s’applique à disserter sur les thèmes qui ont fait la gloire de Lelouch et l’ordinaire de ses films. Alors, il y a de la musique, de la danse, des gens qui s’aiment, des copains qui ne peuvent pas se passer les uns des autres, des extraits des films d’avant (on retrouve avec plaisir Lino Ventura et Françoise Fabian dans La bonne année) et des comédiens comme s’il en pleuvait puisque Lelouch en est certain : « Les artistes sont les chouchous du bon Dieu… »
Comme son titre l’indique, L’amour, c’est mieux que la vie (France – 1h55. Dans les salles le 19 janvier) chante les vertus de la passion qui vous déboule dessus et qui vous fait perdre, un peu, vos repères. Un repère, Gérard Prat en a un qui se profile et qui ne lui donne pas spécialement le sourire. Sa fin est proche. Les médecins lui ont dit qu’il n’avait plus que quelques semaines à vivre. Alors, Ari et Philippe, les deux copains qu’il s’est fait autrefois lorsqu’ils étaient à la Santé et avec lesquels il a monté ensuite quelques petites entreprises lucratives, à défaut d’être toujours honnêtes, ont décidé de lui offrir un dernier grand moment d’amour. Pour cela, ils vont voir Sandrine qui s’occupe d’une société d’escorts. Et c’est Sandrine, plutôt que ses employées, qui se prendra au jeu…
Dans le nouveau Lelouch, qui se présente comme « une comédie pas si dramatique que ça », on croise Jésus et le diable. Le premier est plutôt sympa et le second a les traits de Béatrice Dalle. Et les deux flics qui, successivement, les interrogent dans une séquence joyeusement absurde, doivent en convenir : « Tout ce qui nous arrive dans notre vie, c’est pour notre bien ». Gérard Prat devra en convenir en rencontrant la lumineuse Sandrine car il sait qu’il n’a plus de temps à perdre avec le temps. Et comme il a manifestement l’air d’aimer les aphorismes, il fait observer à sa nouvelle dulcinée : « Tuer le temps, c’est se mettre en couple, chacun accusant l’autre du crime ». Gérard Prat, c’est le touchant Gérard Darmon. Avec lui, on trouve Sandrine Bonnaire, Ari Abittan, Philippe Lellouche, Kev Adams mais aussi Robert Hossein dans son ultime apparition au cinéma…
COMEDIE.- Gary Valentine est un grand adolescent, un peu rondouillard, un peu boutonneux mais il a quand même déjà sa petite heure de gloire en jouant la comédie au cinéma… Fort de cette expérience d’acteur, il n’hésite pas à baratiner, dans son lycée, la frêle Alana Kane. Du haut de ses 25 ans, elle n’est plus lycéenne et tente de trouver sa voie comme assistante d’un photographe qui réalise des photos de classe dans l’établissement… Amusée et intriguée par l’assurance de Gary, Alana se pique au jeu. Elle accepte même de servir de chaperon pour un déplacement de Gary à New York où il doit participer à une émission de variétés à la télévision…
On a remarqué Paul Thomas Anderson lorsqu’en 1997, il signait Boogie Nights, portrait réussi d’une vedette de cinéma X de l’âge d’or des seventies. On parle alors de la naissance d’un futur grand cinéaste. De fait, PTA surprendra ensuite avec l’ambitieux Magnolia (1999), le drôle et déjanté Punch-Dunk Love (2002), le western lyrique There Will Be Blood (2007) où il met en scène l’excellent Daniel Day-Lewis qu’on retrouvera ensuite, à l’un de ses sommets, en couturier fragile dans Phantom Thread (2017). Lorsque Anderson, qu’on compare parfois à Robert Altman, signe Licorice Pizza (USA – 2h14. Dans les salles le 5 janvier), on se dit que cette chronique adolescente dans la Californie du début des années 70 est un peu une œuvre mineure. Et de fait, l’introduction semble quelque peu quelconque. Mais il ne faut pas s’en tenir là et emboîter le pas de PTA qui va embarquer Gary et Alana dans des aventures qui ne cessent de nous surprendre et de nous amuser. Car Gary, soutenu par Alana, va se lancer dans diverses entreprises, depuis la vente de « waterbeds » jusqu’à l’exploitation de flippers… De son côté, Alana a envie de s’essayer au show-biz et elle va réussir à passer une audition avec la vedette Jack Holden. Plus tard, la jeune femme va aussi s’engager aussi comme bénévole auprès de Joël Wachs, candidat à la mairie du coin.
Menant avec aisance sa barque à travers une multitude de péripéties où il est aussi beaucoup question du choc pétrolier de 73 et du manque d’essence aux pompes, Paul Thomas Anderson met en vedette deux jeunes comédiens qui débutent à l’écran. Cooper Hoffman (le fils du regretté Philip Seymour Hoffman) est un Gary amoureux transi mais tenace et Alana Haim, la gracile mais déterminée Alana. Autour d’eux, dans des personnages haut en couleurs, on remarque Sean Penn, Bradley Cooper, Tom Waits et Benny Safdie. Excusez du peu.