LUMET, KIESLOWSKI, BRAC, HEDY LAMARR ET LA NOSTALGIE SELON TOTO
THE PAWNBROKER
Remarqué dès son premier long-métrage –le remarquable Douze hommes en colère- Sidney Lumet a été longtemps considéré comme un bon faiseur mais pas comme un auteur à part entière. S’il ne fallait qu’un exemple pour s’en convaincre, ce serait ce (rare et méconnu) Prêteur sur gages que Lumet réalise en 1964 dans les rues de Harlem qu’il filme dans un beau noir et blanc… Rescapé des camps de la mort où il a perdu les siens, Sol Nazerman, originaire de Leipzig, a émigré aux Etats-Unis où il est devenu prêteur sur gages à New York. Grâce à sa boutique où il emploie un jeune Portoricain, il blanchit de l’argent pour la pègre… A la date anniversaire des 25 ans de la mort de sa famille, le ténébreux Nazerman doit affronter les cauchemars de son passé et l’hostilité de son environnement. A travers ce Nazerman (Rod Steiger admirable), Juif errant perdu entre un présent sinistre et un passé épouvantable, Lumet questionne l’Histoire et la mémoire. (Potemkine)
LA DOUBLE VIE DE VERONIQUE
Lors d’un concert à Cracovie, Weronika, chanteuse à la voix superbe, meurt brutalement en scène. Loin de là, en France, Véronique éprouve une douleur violente et sent comme une absence. Puis des signes étranges, dont une énigmatique cassette d’indices sonores, surviennent… Dans une nouvelle restauration 4K, on retrouve le chef d’œuvre réalisé en 1991 par Krzysztof Kieslowski qui, sur des images envoûtantes, fluides et flottantes, convoque le sublime fantastique au service de l’angoisse de la perte. Dans son plus beau rôle, Irène Jacob fut couronnée meilleure actrice à Cannes. Enfin la musique de Zbignew Preisner est magique. Deux femmes, une histoire mêlée et la fuite bouleversante des choses et des êtres. (MK2)
A L’ABORDAGE
Paris en août. Félix rencontre Alma lors d’une soirée sur les bords de la Seine. Ils ont le même âge mais ne sont pas au même monde. Lui travaille, elle va partir en vacances. Qu’à cela ne tienne. Félix décide de la rejoindre à l’autre bout de la France. Un peu forcé, son ami Chérif l’accompagne… Comme ils n’ont pas de voiture, ils réservent une voiture sur Blablacar et font le voyage avec Edouard vite surnommé Chaton. Avec une bande de jeunes et bons comédiens, Guillaume Brac réussit une entraînante comédie à la fois solaire et mélancolique. A la manière des Buddy movie, cette aventure estivale raconte des garçons, des « galériens », qui ont des envies de meufs plein la tête avant que, peut-être, l’amour s’en mêle. Jubilatoire ! (Potemkine)
UNE FEMME DESHONORÉE
Directrice d’un magazine, la belle Madeleine Damien est déprimée et, au volant de sa voiture dans la nuit, songe au suicide. Un psychiatre lui vient en secours et lui suggère de changer de vie. Madeleine s’installe à Greenwich Village et s’adonne à la peinture. Elle s’éprend de David, sympathique jeune scientifique, qui vit sur son palier. Alors que David la presse de se marier, Madeleine croise un ancien et riche amant qui l’attire chez lui… Cinéaste « maison » chez Disney (il signa notamment Mary Poppins), Robert Stevenson réussit, en 1947, un bon film noir qui doit beaucoup au charme et à la grâce de Hedy Lamarr qui produisit elle-même le film. Elle irradie de beauté dans le rôle d’une femme réprouvée par la société parce qu’elle accumule les aventures sans lendemain… (Artus Films)
CINEMA PARADISO
À Rome, à la fin des années 1980, Salvatore vient d’apprendre la mort de son vieil ami Alfredo. Soudain, c’est toute son enfance qui remonte à la surface. Son village natal, en Sicile, quand on l’appelait Toto et qu’il partageait son temps libre entre l’église (où il était enfant de chœur) et la salle de cinéma paroissiale, où régnait Alfredo, le projectionniste qui, au travers des films qu’il projetait, lui apprenait la vie. Avec Jacques Perrin (Toto adulte) et Philippe Noiret (Alfredo), Giuseppe Tornatore réussit, en 1988, un émouvant chant d’amour au cinéma que l’on retrouve dans une belle version remastérisée 4K. La séquence finale –message posthume d’Alfredo à Toto- avec le montage de tous les baisers coupés dans les films par le curé du village, célèbre l’immortalité du 7e art. (Universal)
THE NEST
Dans les années 1980, Rory O’Hara, ancien courtier britannique qui a réussi dans les affaires aux Etats-Unis, décide de retourner, avec sa femme Allison et leurs deux enfants, en Angleterre pour tenter un nouveau challenge professionnel, persuadé qu’il va faire fortune. Installée dans un manoir anglais, la famille, loin de son confort américain, a beaucoup de mal à trouver ses marques. Peu à peu, l’avenir de la famille va s’assombrir car l’espoir d’un lucratif nouveau départ s’évanouit rapidement et l’isolement fissure l’équilibre familial… En compétition au festival de Deauville, le film de Sean Durkin, avec son atmosphère rapidement angoissante, a raflé trois récompenses dont le Grand prix. Au côté de Carrie Coon, excellente en épouse qui voit sa vie de couple s’effondrer, Jude Law est remarquable en type ambitieux emporté dans une descente aux enfers. Car Rory O’Hara fait toujours comme si de rien n’était alors que le sol (et les finances) disparaît sous ses pas… (M6)
PIL
Malicieuse jeune orpheline suivie par trois fouines voleuses, Pil vit de petits larcins dans la cité médiévale de Roc-en-Brume. Entrée par hasard dans le château du lieu, elle surprend le régent qui s’apprête à usurper le trône. Pour fuir les gardes, Pil se costume en princesse. Elle va alors tenter de sauver Roland, l’héritier légitime, qui a été transformé en « chapoule » par le régent… Julien Fournet et les Toulousains de TAT productions donnent un film d’animation moyenâgeux rythmé autour d’une héroïne au look de punkette qui affronte de multiples chausse-trappes. Dans sa quête, Pil va évidemment faire preuve d’une fameuse noblesse du cœur… (M6)
SCREAM
A l’occasion du 25e anniversaire de la sortie (1996) de ce thriller iconique de Wes Craven, on le retrouve pour la première fois en 4K Ultra HD et en édition Blu-ray remasterisée. Suite à une série de morts mystérieuses dans leur petite ville, un groupe d’amis mené par Sidney Prescott (Neve Campbell) devient la cible d’un tueur masqué. Alors que le nombre de victimes ne fait qu’augmenter, Sidney et ses amis se tournent vers les « codes » des films d’horreur pour survivre à la terrifiante réalité dont ils font l’expérience… Un quart de siècle après sa sortie, le film (qui aura trois suites, toutes mises en scène par Wes Craven) déconstruit avec brio le genre de l’horreur et rend hommage aux codes des films de slasher, tout en les renversant avec des rebondissements astucieux et des dialogues pleins d’esprit. De nombreux bonus enrichissent le Blu-ray avec notamment des séquences d’archives en coulisses et de nouvelles interviews de Neve Campbell, Courteney Cox ou David Arquette. Un nouveau Scream est prévu, en salles, pour la mi-janvier. (Paramount)
LANSKY
Dans les années 1970, le mafieux Meyer Lansky — aujourd’hui vieillissant — s’est retiré du monde de la mafia. Alors qu’il désire rejoindre Israël, les États-Unis l’empêchent de quitter le sol américain. Il fait l’objet d’une énième enquête du FBI car il est soupçonné d’avoir caché des millions de dollars depuis un demi-siècle. Désormais retraité, il part alors vivre ses vieux jours à Miami dans un anonymat total. L’ancien gangster (Harvey Keitel) va raconter sa vie et son histoire vertigineuse à un journaliste, David Stone (Sam Worthington), pour qu’il écrive ses mémoires afin de partager sa vérité sur certaines affaires. Il revient notamment sur Murder Incorporated, la Yiddish Connection ou encore le Syndicat national du crime. Un biopic solidement construit par Eytan Rockaway. (Universal)
BERLIN ALEXANDERPLATZ
Réfugié de Guinée-Bissau, Francis, 30 ans, se retrouve à Berlin et se rend vite compte qu’il est difficile de gagner sa vie honnêtement en tant qu’apatride sans papiers. Pourtant, employé au noir sur un chantier de construction de l’Alexanderplatz, Francis essaye de rester dans la bonne voie même lorsque la rencontre avec un trafiquant de drogue allemand l’entraîne dans les nuits de Berlin. Après l’impressionnante fresque virtuose de Fassbinder (1980), le réalisateur germano-afghan Burhan Qurbani s’empare du célèbre roman de Alfred Döblin, véritable monument de la littérature allemande paru en 1929, pour une relecture contemporaine sur fond d’immigration d’Afrique, d’intégration et de violence dans l’underground berlinois. Dans un Berlin underground, le travail visuel est remarquable et distille une poésie expressionniste. (Le Pacte)
DE BAS ETAGE
Mehdi, la trentaine, est un perceur de coffres de petite envergure. Avec ses complices, il tente de s’en sortir mais leurs cambriolages en zone industrielle ne payent plus comme avant et les quelques alternatives professionnelles qui s’offrent à lui ne le séduisent pas. En pleine remise en question, il tente de reconquérir Sarah, la mère de son fils d’un an qu’il adore. Pour le cinéaste Yassine Qnia, c’est l’histoire d’un homme aussi amoureux qu’orgueilleux, qui vit très mal la situation dans laquelle il se trouve. En filmant l’impuissance de Medhi à inverser le cours des choses et à prendre en charge matériellement sa famille, le réalisateur détaille le lancinant engrenage de l’échec d’une jeunesse désabusée. Sans jamais chercher à paraître sympathique, Soufiane Guerrab compose un Medhi sombre et douloureux. (Le Pacte)
REMINISCENCE
Dans un futur proche, Miami a été submergé par les flots, suite aux effets du changement climatique. Un enquêteur privé, Nick Bannister (Hugh Jackman), est engagé par des clients afin de retrouver leurs précieux souvenirs. Au cours de sa dernière affaire, il tombe éperdument amoureux de sa cliente. A sa disparition, le détective est désemparé et se lance à sa recherche. Il se retrouve alors perdu dans une boucle temporelle et découvre des aspects de sa personnalité qu’il ne connaissait pas auparavant. Réalisé par Lisa Joy (dont c’est le premier long-métrage), voici un polar high-tech qui a été mis à mal par la critique aux Etats-Unis. Pourtant, techniquement impeccable même si son scénario est bien classique, cette dystopie « écolo » est de la SF qui se regarde quand même sans déplaisir. (Warner)
LES FANTASMES
Tous les fantasmes sont dans la nature et nul ne saurait empêcher quelqu’un de les cultiver. Au prix, évidemment, du respect de la liberté de l’autre. Les frères David et Stéphane Foenkinos signent, ici, un divertissement léger autour de six couples qui, face à leurs fantasmes, tentent d’explorer les faces cachées de leur vie intime. Sur le vaste univers du fantasme, les frères Foenkinos ont quasiment agi en sociologues en se renseignant auprès de praticiens, en épluchant le net, listant ainsi près de 250 fantasmes. « Notre motivation principale, disent-ils, était de rester le plus réaliste possible. (…) Une chose très importante à rappeler ici : tous les fantasmes évoqués dans le film existent vraiment ! » Voici donc, servi par une imposante brochette de comédiens connus, un film à sketches qui passe en revue la ludophilie, la dacryphilie, la sorophilie, la thanatophilie, l’hypophilie ou l’autagonistophilie. Notre préféré ? la ludophilie où Vincent et Louise délirent gentiment dans des jeux de rôle… (Gaumont)