Alexia, Hubert Bonisseur de la Bath, Henry, Ann et Arthur Pendragon
Séance de rattrapage pour beaux jours d’été lorsque les salles obscures ne font pas le plein mais demeurent bien agréables avec une climatisation soigneusement reglée…
PALME.- On peut épiloguer à perte de vue sur les (bonnes ?) raisons qui poussent le jury de Cannes à attribuer la Palme d’or à tel film plutôt qu’à tel autre. Et on ne compte plus les festivals où tout le monde (ou presque) était d’accord pour dire que la récompense suprême devait aller au film qui avait emballer toute la Croisette. A l’arrivée, c’était un autre qui raflait la mise.
Avec Titane (France – 1h48. Dans les salles le 14 juillet), le président Spike Lee a frappé doublement. D’abord en couronnant un film de genre (ce qui n’est pas tellement la tasse de thé de Cannes) et ensuite en primant la cinéaste Julia Ducournau, première Française à obtenir la Palme et seulement seconde femme après le succès de Jane Campion avec La leçon de piano. C’était en 1993.
La rumeur cannoise, toujours prompte à faire monter la pression, promettait des malaises, des crises de nerfs, des vomissements, des évanouissements même. A notre connaissance, il n’y en eu point. Sans doute quelques festivaliers ont-ils quitté la salle. Mais cela arrive tout le temps. Car Julia Ducournau était précédée par une petite réputation. Son Grave (2016) mettait en scène une jeune fille végétarienne, intégrant une grande école vétérinaire et se confrontant au… cannibalisme.
La chair est encore au cœur de Titane qui s’ouvre sur un accident de voiture qui occasionne de sévères blessures à une fillette à laquelle les chirurgiens seront contraints de placer une plaque de métal (le titane du titre) dans le crâne. On devine aisément qu’Alexia ne sera plus jamais la même. On la retrouve, jeune adulte, s’exhibant dans des shows (on songe évidemment au Crash de Cronenberg) où elle se frotte lascivement à de rutilantes carrosseries. Mais Alexia est aussi une serial-killer qui assassine ceux et celles qui croisent sa route et son « lit ». Au récit de cette descente aux enfers (on constate que le ventre d’Alexia s’arrondit anormalement) s’en greffe une seconde. Celle d’un commandant de sapeurs-pompiers (Vincent Lindon) traumatisé depuis que son fils a disparu. Cela fait des années et il ne s’en remet pas. Lorsqu’il croise le chemin d’Alexia, il se persuade qu’elle n’est autre que… Adrien, son fils. Au thème de la maternité, s’ajoute celui de l’identité de genre. Julia Ducournau ne lésine pas sur les effets mais elle les maitrise plutôt bien même si on frôle parfois l’esbroufe. Quant à la scène de la réanimation au rythme de la Macarena, elle vaut le coup. Enfin Titane offre un beau premier rôle à Agathe Rousselle, un mannequin de 33 ans. Celle qui a indiqué sur France Inter être une « femme cis hétéro » campe, ici un être perdu, en proie à tous les doutes et qui martyrise tragiquement son corps…
AFRIQUE.- Tourné entre novembre 2019 et février 2020, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire (France – 1h56. Dans les salles le 4 août) est une « victime » du Covid 19 puisque ses dates de sortie ont été repoussées pas moins de trois fois avant de faire la clôture du dernier Festival de Cannes… Pour ce troisième opus de la saga parodique (rappelons qu’Hubert Bonisseur a connu une première vie sur les grands écrans entre 1957 et 1970 avec une dizaine d’aventures), Michel Hazanavicius a passé la main après deux premiers volets qui ont remporté de jolis succès.
En 2006, OSS 117 : Le Caire nid d’espions réunit 2,3 millions de spectateurs puis, en 2009, OSS 117 : Rio ne répond plus fait mieux, avec 2,5 millions d’entrées. Autant dire que la marche était haute pour Nicolas Bedos qui réalise ce n°3 après deux premiers films, comme réalisateur, intimistes et plutôt plaisants : Monsieur et Madame Adelman (2017) et La belle époque (2019).
Cette fois, Bedos a un cahier des charges précis et lourd dans le créneau « cinéma de divertissement populaire d’aventures ». Car Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, est un gros machiste, raciste, xénophobe et clairement crétin. Il faut donc faire sourire le public avec un type auquel on aurait évidemment de mettre constamment des claques. Mais voilà, on retrouve avec plaisir OSS 117 parce qu’il est, encore une fois, incarné par un Jean Dujardin, jamais aussi à l’aise que lorsqu’il peut prendre la pose.
Nous sommes en 1981. VGE est au pouvoir mais ses amis africains sont à la peine entre élections bidonnées et contestation intérieure. Le SDECE charge donc OSS 117 de régler les problèmes, non sans lui mettre dans les pattes 0SS 1001 (Pierre Niney), un espion nouvelle génération plutôt fûté. Hormis les références à 007 (le générique est amusant), le scénario fonctionne, ici, sur un motif unique : comment faire avec la Françafrique post-coloniale ?
Du coup, on remarque bien les nombreuses chutes de rythme du film et on se désintéresse un peu du tout. Comme le constate Zéphyrine Bamba, épouse du dictateur et… leader de la rébellion, à propos de OSS 117 : « Tu es un con ! » On le savait mais on aurait aimé que l’espion français nous le prouve mieux.
FILLETTE.- Depuis toujours, de son propre aveu, Léos Carax aime les comédies musicales. Il avait même imaginé que Les amants du Pont-Neuf entrerait dans ce registre… Mais le grand regret du cinéaste, c’est qu’il ne peut pas composer lui-même de musique. C’est lorsqu’il a 13-14 ans, quelques années après sa découverte de Bowie, que Carax rencontre la musique pop des Sparks à travers leurs albums Propaganda puis Indiscreet. Dans Holy Motors, le personnage de Denis Lavant écoutait une chanson des Sparks dans sa voiture. Quelque temps plus tard, Ron et Russell Mael ont contacté Carax pour un projet musical et c’est ainsi qu’est né le sixième long-métrage du cinéaste, choisi par Cannes pour faire l’ouverture de la compétition…
Annette (France – 2h20. Dans les salles le 6 juillet) s’ouvre un écran noir et et une annonce vocale de Leos Carax demandant au public de ne faire aucun bruit durant l’histoire qui va se dérouler. Les Sparks lancent alors le morceau So May We Start. Dans un beau plan séquence, on suit les acteurs principaux (Marion Cotillard, Adam Driver et Simon Helberg) qui chantent avec les Sparks. La chanson terminée et les acteurs costumés dans leurs personnages, l’histoire commence… Nous sommes à Los Angeles de nos jours. Henry McHenry est une star américaine du stand-up qui pratique un humour féroce. Il vit en couple avec Ann Desfranoux, une cantatrice lyrique de renommée internationale. Ils forment un couple épanoui et glamour, constamment sous le feu des paparazzis. Ensemble, ils décident d’avoir un enfant. C’est ainsi que naît la petite Annette, fillette mystérieuse au destin exceptionnel.
« J’aime, dit Carax, filmer la nature, les villes, un flingue, des engins, des feux d’artifices ou des explosions. Mais j’ai besoin avant tout d’un visage, du corps humain. La peau, les yeux — et que les émotions s’y reflètent. » Et c’est sans doute là qu’Annette est un bon Carax. Le cinéaste pose sur Henry et Ann un regard attentif, aimant et aussi désespéré puisque ces deux-là foncent vers la tragédie. Pour le reste, il y a de magnifiques fulgurances dans l’écriture (notamment une critique acerbe de la société du spectacle) et la mise en scène et également des passages à vide… Mais Marion Cotillard et Adam Driver se hissent, avec une belle aisance, à la hauteur d’une aventure filmique ambitieuse…
FANTASY.- La quête du Graal est une rude affaire et Arthur Pendragon n’en a pas fini, tant avec ses alliés (passablement incompétents) qu’avec ses adversaires (spécialement bas du front) alors même qu’il réapparait après une longue absence…
Tout commence en 2003 lorsqu’Alexandre Astier écrit, dialogue et réalise le court-métrage Dies Irae. Il joue Arthur, roi de Bretagne dans une relecture décalée de la geste arthurienne, mêlant fantasy et fantaisie. Cette comédie montre, au Ve siècle, les Chevaliers de la Table ronde sous un jour inattendu, dépourvus de leur traditionnelle aura héroïque et plutôt grotesque, s’emmêlant dans les tracas du quotidien ou des arguties sans fin. Si cette bande de bras cassés ne conquiert pas le Graal, elle emporte l’adhésion des jurys et des publics dans les festivals. On connaît la suite. Le court-métrage tape dans l’œil du petit écran. Entre janvier 2005 et octobre 2009, M6 diffuse, en six saisons, 458 épisodes de Kaamelott. On passe du format shortcom de trois minutes trente avec une tonalité franchement burlesque et joyeusement loufoque dans les trois premières saisons à des formats plus longs (45 minutes dans la sixième et dernière saison) pour des tournures plus dramatiques. Mais toujours avec un solide succès d’audience.
Dix ans après la fin de la série, Alexandre Astier est donc de retour avec Kaamelott – Premier volet (France – 2h. Dans les salles le 21 juillet) où l’on constate que le royaume de Logres, en 484 après J.-C., est devenu un état dictatorial mené par un Lancelot du Lac plutôt à côté de ses pompes, entouré de tarés, dans un bain de collaboration et de résistance, les Saxons, mercenaires à la solde de Lancelot, menés par Horsa (Sting) et Wulfstan (Jehnny Beth) se chargeant de faire régner la peur dans les populations…
N’étant qu’un téléspectateur très très épisodique de la série sur M6, je n’attendais pas spécialement le passage de Kaamelott au grand écran. Force est de constater qu’il y a de l’argent sur l’écran et que le réalisateur a réuni un imposant casting où l’on retrouve évidemment, d’Arthur à la Dame du lac en passant par Léogadan, Perceval, Karadoc, Guenièvre ou Merlin, tous les personnages principaux de la série télé… A cela s’ajoutent des apparitions, plus ou moins longues, de comédiens comme Christian Clavier, Clovis Cornillac, Guillaume Gallienne, Alain Chabat, Géraldine Nakache ou François Morel.
Les fans de la série sont sans doute à la fête. Et le film a fait un bon démarrage dans les salles. Mais si la photo est belle, le film manque souvent de rythme. Ainsi le flash-back sur les amours du jeune Arthur avec la charmante Shedda est bien languissant… Et ce n’est pas une surprise, Arthur réussit sans peine à retirer Excalibur du rocher…