HUSTON, L’ODYSSEE, LA VENGEANCE, LE COURAGE ET UN DETECTIVE SUR LES DOCKS
AU-DESSUS DU VOLCAN – LE MALIN
C’est avec deux œuvres tardives (restaurées et inédites en Blu-ray) que l’on retrouve John Huston, magnifique et puissante figure du cinéma américain, qui, en une quarantaine de films, signa quelques solides classiques. Ici, il s’appuie sur les romans de Flannery O’Connor et Malcolm Lowry pour mettre en scène deux personnages au bord du gouffre et face à leur destin. Avec Le malin (1979) d’O’Connor, il plonge, avec un regard féroce sur les pratiques religieuses, dans l’Amérique profonde à travers Hazel Motes, ancien soldat en perdition (Brad Dourif) qui décide de fonder un nouveau culte : l’église sans Christ. Adaptation envoûtante du roman culte de Lowry, Au-dessus du volcan (1984) observe, dans le Mexique de 1938 et à l’heure de la fête des morts, la déchéance poignante et poisseuse de Geoffrey Firmin, ancien consul britannique (Albert Finney) détruit par l’alcool et rongé par son passé… (Carlotta)
DOUZE MILLE
Parce qu’il a perdu son travail clandestin et parce qu’il craint que Maroussia ne pourra plus l’aimer aussi bien, Frank décide de partir au loin pour gagner autant qu’elle, en l’occurrence douze mille, ce qu’il faut pour avoir un an devant soi. Ni plus ni moins. Pour sa première fiction, Nadège Trebal (qui incarne aussi Maroussia dans un mélange de pudeur et d’impudeur) donne la forte chronique d’un couple qui s’aime ardemment et dont l’existence va prendre la forme d’une odyssée prolétaire sur fond de démesure industrielle. Avec un Arieh Worthalter, toujours remarquable, voici, sous le soleil du Sud et dans la nuit portuaire, une réflexion sur l’interdépendance argent-sexe-couple où surgit, drôle et farfelue, la danse (la chorégraphie est due à Jean-Claude Gallotta et la musique à l’Alsacien Rodolphe Burger), comme un pied de nez à la gravité du monde. (Shellac)
THE NIGHTINGALE
Dans l’Australie de 1825 sous domination anglaise, Clare, jeune bagnarde irlandaise, a purgé sa peine. Mais un officier britannique s’acharne sur elle. Il la viole, la laisse pour morte tandis que son mari et son bébé sont sauvagement tués. Au bord de la folie, Clare (l’italo-irlandaise Aisling Franciosi), en compagnie de Billy, un jeune pisteur aborigène (Baykali Ganambarr), se lance à travers les immenses terres hostiles de Tasmanie sur la trace de ses bourreaux. Autour des thèmes de la violence et de la vengeance, la cinéaste australienne Jennifer Kent (auteur de Mister Babadook en 2014) décrit une colonisation brutale à travers l’âpre portrait d’une jeune femme qui tente de préserver son humanité au cours d’une aventure humaine désespérée. (Condor)
NOTHING TO BE AFRAID OF
Le silence règne sur les pentes plantées d’arbres du Haut-Karabagh, seulement troublé par un sifflet ou une explosion. En janvier 2018, cinq femmes arméniennes déminent leur terre natale. Nous sommes dans le « couloir de Latchin », qui a permis, au début de la guerre de 2020 au Haut-Karabagh, l’évacuation d’une majorité de la population du pays vers l’Arménie. Dans un documentaire (inscrit dans le meilleur du jeune cinéma arménien), la cinéaste Silva Khnkanosian accompagne Lilit, Narine, Inga, Vard et Lucine dans leur méticuleux, délicat et épuisant travail de déminage d’une ancienne zone de combat largement truffée de mines… Au générique de fin, on apprend que 73.268 mines ont été neutralisées. Tendu et impressionnant comme un face-à-face permanent avec la mort ! (La Huit)
DANS LA GUEULE DU LOUP
Alors qu’il sortait d’une bijouterie où il cherchait une bague pour sa femme, le détective Johnny Damico est abusé par un tueur qui se fait passer pour l’un de ses collègues. Pour se racheter, il va devoir infiltrer le milieu des dockers afin de mettre fin aux activités des truands qui tiennent le port… En 1951, Robert Parrish tourne son second long-métrage et réussit une petite perle de série B. Dans un beau noir et blanc, voici un solide film noir où les flics ne se comportent pas beaucoup mieux que les racketteurs. Entouré de bons seconds rôles dont Ernest Borgnine, l’excellent Broderick Crawford incarne parfaitement Damico, flic au physique massif et brutal qui ne prend pas de gants. Le rythme est soutenu et l’atmosphère urbaine est poisseuse à souhait. (Sidonis Calysta)
SOUL
Prof de musique dans un collège, Joe Gradner a toujours rêvé d’être un grand pianiste de jazz. Le jour où il pourrait le devenir, une chute tragique interrompt son rêve. Enfin, pas tout à fait. Car, si son âme et son corps sont dissociées dans l’autre monde, Joe va cependant trouver la force de rallumer son étincelle. Sur fond de bon jazz et d’excellente animation signée Pixar, Pete Docter (déjà auteur de Monstres et Cie, Là-haut ou Vice-versa) et Kemp Powers jonglent avec brio entre une aventure réaliste et une évocation colorée du « grand avant » peuplé de petites créatures mignonnes et de hautes figures toutes en fines lignes. Un film d’animation délicieusement onirique qui séduira assurément les… grands autour d’une question fondamentale : comment donner du sens à sa vie… (Disney Pixar)
THE SINGING CLUB
Avec The Full Monty, amusante évocation, dans les années 80, de chômeurs de la métallurgie virant à Chippendales amateurs, Peter Cattaneo signait en 1977 un film-culte avant de disparaître un peu des écrans. On le retrouve avec plaisir dans une chronique allègre mais aussi poignante inspirée de faits réels. Alors que les troupes anglaises de la garnison (fictive) de Flitcroft dans le Yorkshire, sont envoyés en 2011 se battre en Afghanistan, des épouses, pour tromper l’attente et l’angoisse, montent une chorale qui ira jusqu’à se produire au fameux Albert Hall à Londres dans le cadre d’un concert pour les soldats britanniques tombés au champ d’honneur. Avec Kristin Scott-Thomas en tête d’affiche, voici un agréable feel good movie (pas exempt de clichés) qui met joliment en avant la solidarité et le courage des femmes de soldats… (Pyramide)
POSSESSOR
Révélé par Antiviral (2012), Brandon Cronenberg, fils de David, revient en force (et directement en dvd après un Grand prix du jury à Gérardmer 2021) avec un mélange très réussi de polar, de science-fiction minimaliste et d’horreur explosive. Avec la ferme intention de perturber le spectateur, le cinéaste l’embarque dans l’histoire de Tasya Vos (Andrea Riseborough, vue dans Shadow Dancer ou Birdman), agent d’une organisation secrète dont la technologie permet d’habiter n’importe quel corps et de commettre ainsi des assassinats au profit de clients. Evidemment, ça va déraper… Constamment étrange et intrigant, le film repose sur une remarquable esthétique visuelle, sur un jeu des couleurs et de bons trucages « à l’ancienne ». Dans de bons suppléments, le cinéaste et ses collaborateurs éclairent largement le travail accompli sur le film. (Lonesome Bear)
GANJA & HESS
Alors qu’il fait des recherches sur un peuple africain antique, le docteur Hess Green (Duane Jones), un anthropologue afro-américain, est poignardé avec une dague cérémonielle en bois par son assistant instable qui se suicide peu après. Hess se découvre alors une addiction au sang humain… Arrivée chez Hess, Ganja (Marlene Clark), l’épouse de l’assistant, entame avec le scientifique une étrange relation de mort et de douceur lascive. En jouant sur les codes de la blaxploitation, Bill Gunn (1934-1989) réalise en 1973, un film d’atmosphère où se mêlent l’horreur, les vampires, une sensualité psychédélique, le tout avec une recherche formelle parfois anarchique qui en fait une œuvre déroutante et fascinante et en avance sur son temps. Dans les bonus, Jean-Baptiste Thoret détaille longuement le film et son contexte. (Capricci)
LUTTE SANS MERCI
Au sortir d’une tardive réunion de travail, l’ingénieur Walt Sherill apostrophe un conducteur qui conduit dangereusement… La voiture freine et un groupe de jeunes en descend. Sherill est passé à tabac et se retrouve à l’hôpital. Le sergent Koleski (Rod Steiger) est chargé de l’enquête mais Sherill estime qu’elle ne va pas assez vite. Pour son avant-dernier film, en 1962, Alan Ladd, grande star des années 40-50 tant dans le western (L’homme des vallées perdues) que dans le film noir (Le dahlia bleu), incarne, devant la caméra de Philip Leacock, un homme tranquille qui, de plus en plus aveuglé par la vengeance, va traquer des délinquants juvéniles bien décidés à le terroriser, lui et sa femme… Un solide film de « vigilante » dix ans avant ceux de Charles Bronson. (Sidonis Calysta)
THE OTHER SIDE
« Il y a un enfant, ici ! » En arrivant dans la nouvelle maison que son père et sa compagne Shirin viennent d’acheter, le jeune Lucas est troublé. Il distingue des cris d’enfant, voit passer une forme. Le gamin qui a perdu naguère sa mère, va devoir faire face à une entité tapie dans le grenier ou la cave. En s’inspirant de faits réels ou, du moins, du récit d’une famille qui aurait vécu quelque chose de paranormal, les cinéastes suédois Tord Danielsson et Oskar Mellander, pour leur premier long-métrage (présenté en compétition à Gérardmer cette année), construisent un film qui distille une sourde angoisse autour d’un phénomène angoissant. Dans des lumières bleues froides baignant un décor dépouillé, Lucas et sa belle-mère débutante luttent contre la peur en tissant un nouveau lien familial fort… (Wild Side)
POLY
Fraîchement arrivée avec Louise, sa mère, à Beaucastel, un petit village des Cévennes, Cécile, dix ans, peine à s’habituer à sa nouvelle vie et à ses nouveaux camarades de classe. Dans un cirque de passage, elle remarque Poly, un beau poney maltraité par son dresseur. Elle décide alors de sauver l’animal en l’enlevant et recevra pour cela l’aide de tous ses copains. Adaptant une célèbre série télé de Cécile Aubry sortie dans les années 60, l’aventurier et cinéaste Nicolas Vanier (déjà réalisateur en 2013 de Belle et Sébastien, un autre succès de Cécile Aubry) propose un joli film familial qui fait la part belle aux beaux grands sentiments. François Cluzet, Julie Gayet ou Patrick Timsit dessinent des adultes taiseux, libres ou méchants autour de la jeune Elisa de Lambert, gamine au grand cœur. C’est frais et charmant. (M6)